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Alain et le pianisme !

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«Comment expliquer qu'un pianiste, qui croit mourir de peur en entrant sur la scène, soit immédiatement guéri dès qu'il joue? On dira qu'il ne pense plus alors à avoir peur, et c'est vrai; mais j'aime mieux réfléchir plus près de la peur elle-même, et comprendre que l'artiste secoue sa peur et la défait par ces souples mouvements des doigts. Car, comme tout se tient en notre machine, les doigts ne peuvent se délier si la poitrine ne l'est aussi; la souplesse, comme la raideur, envahit tout; et, dans ce corps bien gouverné, la peur ne peut plus être. Le vrai chant et la vraie éloquence ne rassurent pas moins, par ce travail mesuré qui est alors imposé à tous les muscles. Chose remarquable et trop peu remarquée, ce n'est point la pensée qui nous délivre des passions, mais c'est plutôt l'action qui nous délivre. On ne pense point comme on veut; mais quand les actions sont assez familières, quand les muscles sont dressés et assouplis par gymnastique, on agit comme on veut. Dans les moments d'anxiété n'essayez point de raisonner, car votre raisonnement se tournera en pointes contre vous-même; mais plutôt essayez ces élévations et flexions des bras que l'on apprend maintenant dans toutes les écoles; le résultat vous étonnera. Ainsi le maître de philosophie vous renvoie au maître de gymnastique.» Alain, Alain

Le raisonnement ne peut enrailler la peur mais il semble qu'il soit en mesure de l'accroître. La peur n'est-elle donc qu'un phénomène somatique? C'est sur la nature de la passion et sur le rapport de l'âme et du corps sur lequel elle prend appui que nous devrons nous interroger.    L'intention de ce texte n'est pas de proposer une solution à un problème pratique. Alain se propose de fournir une explication à la disparition de la peur du pianiste qui commence à jouer mais de façon plus générale, il se propose d'expliquer le mécanisme des passions et de réfléchir sur leur nature.  C'est le mouvement des doigts qui délivre le pianiste de sa peur, c'est l'action et non pas la pensée qui nous délivre des passions, pourquoi? Il s'agit de réfléchir sur la nature de la peur et plus généralement des passions. Si c'est l'action qui nous délivre de la peur, est-ce parce que c'est un phénomène du corps?  Si la peur n'est qu'un phénomène somatique pourquoi le raisonnement a sur elle un effet? Si le raisonnement peut l'accroître pourquoi ne pourrait-il pas la faire disparaître ou du moins l'atténuer?  

« «Comment expliquer qu'un pianiste, qui croit mourir de peur en entrant sur la scène, soit immédiatement guéri dès qu'il joue? On dira qu'il ne pense plus alors à avoir peur, et c'est vrai; mais j'aime mieux réfléchir plus près de la peur ellemême, et comprendre que l'artiste secoue sa peur et la défait par ces souples mouvements des doigts.

Car, comme tout se tient en notre machine, les doigts ne peuvent se délier si la poitrine ne l'est aussi; la souplesse, comme la raideur, envahit tout; et, dans ce corps bien gouverné, la peur ne peut plus être.

Le vrai chant et la vraie éloquence ne rassurent pas moins, par ce travail mesuré qui est alors imposé à tous les muscles.

Chose remarquable et trop peu remarquée, ce n'est point la pensée qui nous délivre des passions, mais c'est plutôt l'action qui nous délivre.

On ne pense point comme on veut; mais quand les actions sont assez familières, quand les muscles sont dressés et assouplis par gymnastique, on agit comme on veut.

Dans les moments d'anxiété n'essayez point de raisonner, car votre raisonnement se tournera en pointes contre vous-même; mais plutôt essayez ces élévations et flexions des bras que l'on apprend maintenant dans toutes les écoles; le résultat vous étonnera.

Ainsi le maître de philosophie vous renvoie au maître de gymnastique.» Alain, Alain Comment l'artiste qui entre en scène parvient-il à surmonter sa peur? Doit-il cette victoire à sa force d'âme? A-t-il réussit à faire entrer cette émotion dans les limites du raisonnable? Ou bien la magie de l'art opère-t-elle sur lui comme sur les spectateurs ? Alain est convaincu que c'est le mouvement des doigts au moment où il joue qui l'en délivre.

C'est l'action et non la pensée qui nous libère des passions.

Comment comprendre l'efficacité du geste et l'impuissance de la pensée? Le raisonnement ne peut enrailler la peur mais il semble qu'il soit en mesure de l'accroître.

La peur n'est-elle donc qu'un phénomène somatique? C'est sur la nature de la passion et sur le rapport de l'âme et du corps sur lequel elle prend appui que nous devrons nous interroger. L'intention de ce texte n'est pas de proposer une solution à un problème pratique.

Alain se propose de fournir une explication à la disparition de la peur du pianiste qui commence à jouer mais de façon plus générale, il se propose d'expliquer le mécanisme des passions et de réfléchir sur leur nature. C'est le mouvement des doigts qui délivre le pianiste de sa peur, c'est l'action et non pas la pensée qui nous délivre des passions, pourquoi? Il s'agit de réfléchir sur la nature de la peur et plus généralement des passions.

Si c'est l'action qui nous délivre de la peur, estce parce que c'est un phénomène du corps? Si la peur n'est qu'un phénomène somatique pourquoi le raisonnement a sur elle un effet? Si le raisonnement peut l'accroître pourquoi ne pourrait-il pas la faire disparaître ou du moins l'atténuer? La peur comme sa disparition ne tienne pas aux circonstances dans lesquelles se trouvent le pianiste.

si la peur tenait aux conditions du jeu alors elle devrait culminer et non pas disparaître au moment où il commence à jouer.

L'explication de cette disparition n'est pas à rechercher à l'extérieur du pianiste. Alain rapporte d'abord l'explication commune "on dira", l'artiste n'aurait plus peur parce qu'il détourne son attention de ses émotions vers le jeu de ses mains. Qu'est-ce qui est vrai? Il est vrai qu'il ne pense plus à sa peur.

Il ne réfute pas cette explication, il en conteste simplement la rigueur ou plutôt la justesse.

"réfléchir plus près de la peur elle-même" c'est s'efforcer d'être le plus juste possible par rapport à la peur, de la serrer de plus près.

A l'opinion qu'on délaisse, on va reprocher sa trop grande approximation.

"réfléchir plus près de la peur elle-même" signifie que c'est la peur toute seule que l'on va prendre en considération comme si sa disparition n'était pas liée à une force qui s'exerçait sur elle mais à son évolution.

Ce qui fait disparaître la peur ne tient à rien d'autre que la peur elle-même.

C'est la nature de la peur qui est en question. "secouer" c'est mettre en mouvement.

La peur immobilise, fige. "défaire" c'est délier, ouvrir.

La peur correspond donc à une crispation, à un refermement sur soi.

La peur est traité comme un phénomène physique, elle correspond à une raideur qui se dissipe dans un mouvement souple ( la peur se lie sur le visage).

La peur envahit le corps, comment expliquer qu'un simple mouvement des doigts la fasse disparaître. Le corps est une machine, un automatisme.

Le mouvement souple des doigts a une conséquence, c'est l'assouplissement de la poitrine. Le corps possède une certaine autonomie.

Le rôle de l'esprit n'existe pas.

Pour qu'un corps soit bien gouverné, il faut la présence d'une autorité.

La peur ne peut être qu'une crispation de la poitrine qui va provoquer la crispation des doigts et si le corps fonctionne comme un automatisme comme une machine dans laquelle le mouvement d'une pièce déclenche le mouvement d'une autre.

A l'inverse, la peur disparaîtra lorsque la souplesse des doigts délira la poitrine. La peur est un phénomène physique et le corps fonctionne comme un automatisme: il faut le comprendre.

Si l'on trouve l'explication de la disparition de la peur, on aura l'explication de la nature de la peur et la réflexion sur la nature du corps.

Le corps bien organisé est aussi celui qui est capable de s'astreindre à un travail mesuré c'est-à-dire à une règle.

Le vrai chant et la vraie éloquence (art de parler, convaincre) ne se trouvent pas dans la spontanéité, l'improvisation.

Ligne 10 à 15: La peur est une passion au sens classique du terme. La passion en vertue de sa signification éthymologique nous installe dans un état de passivité de l'âme par rapport au corps.

Etat auquel on ne peut mettre délibérement un terme parce que la passion s'accompagne de troubles physiologiques. Les passions de l'âme (on n'est plus maître de soi totalement) sont le contraires des actions de l'âme (volonté).

Les passions ne sont pas des phénomènes purement psychologiques même si elles n'excluent pas l'effet sur l'âme des troubles qu'elles engendrent. Comment se délivrer des passions? au moyen de l'action qui doit répondre à certaines conditions. La gymnastique est une discipline, elle suppose un entraînement régulier.

Il ne suffit pas de décider pour soumettre le corps, on ne peut le gouverner que si on le traite comme un automatisme.

Il ne fonctionne comme tel qu'en vertu d'un apprentissage et d'un entraînement. Ce qui est d'abord sous l'autorité directe de la conscience et produit ensuite mécaniquement. Pourquoi la peur peut-elle être accrue au moyen du raisonnement? et jamais apaisée? La peur n'est pas simplement un phénomène somatique puisqu'elle peut être excité par le raisonnement.

La peur n'est pas qu'un phénomène psychique sinon le raisonnement pourrait l'apaiser.

La peur repose sur le lien étroit qui existe entre le corps et l'âme.

Elle trouve bien son origine dans la représentation d'un danger, d'un risque mais elle est entretenue voir fortifiée par des troubles physiologiques. Le maître de philosophie indique peut-être le sens de l'action mais ses leçons seront sans effet sans la collaboration du maître de gymnastique puisqu'on ne peut orienter nos actions sans asseoir notre volonté sur cet automatisme qu'est le corps.

La gymnastique a un fondement philosophique puisqu'elle repose sur la représentaion du rapport entre l'âme et le corps et de la nature de la peur.. »

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