Alain
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«
Commentaire d'un texte de Alain
Il semble bien difficile d'évacuer cette question qui, depuis l'origine, hante les hommes comme aucune autre.
Elle ne
tient pourtant qu'à un mot, qui travaille jusqu'à notre propre cœur, et qui pourtant ne peut s'assurer des réponses
qu'on lui propose: Pourquoi? Cette simple interrogation semble presque se perdre immédiatement dans l'immensité du
cosmos, au point que l'homme parfois fausse le jeu, et présente un réponse en attendant la véritable, celle qui ne
semble plus venir, celle qui peut-être ne viendra jamais.
Car une chose est sûre: l'homme semble bien avoir du mal à
rester au simple niveau des causes matérielles et immanentes, il veut plus, il veut en somme ce qu'il ne peut obtenir
nous explique précisément Alain.
Au-delà des simples causes efficientes, l'homme veut savoir pourquoi, il s'oriente vers
un questionnement où aucune réponse ne lui sera apportée: il en est ainsi du sort de l'homme, être point omniscient,
qui verra toujours des zones d'ombre dans l'horizon qui encercle sa demeure, toujours des questions sans réponses,
des choses que l'on doit accepter sans comprendre.
I.
Méchante pierre!
Bien évidemment, on peut toujours définir la religion en son sens étymologique, religare en latin, soit ce qui nous relie
au divin, au transcendant.
Ou encore, si l'on refuse d'adhérer à cette étymologie verticale, on peut choisir une
orientation plus horizontale, religare comme ce qui relie entre eux les croyants, au sein d'une communauté.
Mais plus
fondamentalement, il y au cœur de toute attitude religieuse une impatience fondamentale, un refus de cette
temporalité propre dans lequel s'affaire le savoir.
En effet, il y a une sorte d'incommensurabilité entre le temps d'une
vie individuelle et celui du savoir qui se déploie au cours de plusieurs siècle.
La religion, c'est refuser d'attendre, c'est
refuser les limites de l'entendement qui sont comme autant de barbelés bridant le désir ultime de savoir.
Et il est
évidant que l'intelligence redouble l'angoisse face à un univers toujours trop vaste pour être embrassé par la simple
raison.
La religion c'est ainsi le nom que porte l'effronté qui refuse de ne pouvoir comprendre, comprendre tout hic et
nunc.
D'un coup de pied, il heurte le monde et le somme de répondre sur le champ.
L'homme ne supporte pas de tout
savoir, et l'ironie du sort fait que l'univers ne peut être digérer dans son entièreté par le simple esprit fini humain.
Puisque tout homme doit faire route vers l'acceptation dans bien des cas, dire « oui » à ce qui se déroule devant lui et
le prend parfois dans son remous, sans même que le temps lui soit donné de comprendre, la religion est partie
intégrante de la vie de l'homme.
Comprendre qu'on ne peut parfois pas comprendre, comprendre qu'on ne peut tout
comprendre: voici le tourment proprement humain.
Et pourtant, l'homme trouvera le sommeil avant de trouver toutes
les raisons qui saturent le monde, mieux, il mourra avant de tout savoir.
L'univers pèse de tout son poids dans ce
dense et obscur point à la base du signe d'interrogation.
Il est ce fait indubitable dans lequel la raison rentre en état
d'effervescence, soit cet état particulier où l'excitation la plus optimale frise la désintégration la plus radicale, la
néantisation.
Nous avons tous déjà vu un enfant se mettre à pleurer après avoir heurté une pierre violemment avec son pieds.
Après
la surprise du choc, et quelques larmes prêtes à noyer le monde dans leur lamentation, l'enfant s'en prend bientôt à la
pierre en question.
Personnifiée, cette dernière devient la responsable, pour peu que la mère arrivant, et contente de
voir dans cette révolte, les insupportables cris cesser, ne l'encourage.
Un sourire au coin des lèvres devant cette
naïveté et cette mauvaise foi enfantine, nous poursuivons notre route.
Mais pourtant, ne voyons-nous point tant
d'homme s'insurger contre le temps? Mais encore, ne moquons-nous pas, avec Voltaire, le candide Pangloss qui
accepte le tremblement de terre de Lisbonne et qu'il persiste face à l'horreur du fait à croire qu'il vit dans le meilleur
des mondes alors que le fait, précisément, est des plus injustes et terrifiants selon nous? Or, si Alain stigmatise un tel
comportement, c'est précisément parce qu'il reflète l'ignorance dans laquelle vivent bien des hommes, une ignorance
qui ne tente jamais de remonter le réseau des causes efficientes, mais voit déjà un visage se dessinait derrière les
faits, un visage qui lui en veut à lui personnellement.
II.
« La liaison de toute chose »
Le fait est que la conduite la plus spontanée, c'est-à-dire la première pensée qui nous vient en tête, lorsque la pluie
s'abat sur nous dans la rue, c'est de serrer les poings en vociférant contre le temps, et par transition, contre l'instance
qui derrière ce simple phénomène, peut en être responsable.
Assez instinctivement, l'homme s'en prend à ce jardinier
des cieux qui arrose à l'instant sa tête alors qu'il ne l'avait pas prévu.
Car au fond, il est commode de penser que le
monde est orchestré par la main d'un maître capricieux.
Pour remédier à l'angoisse d'un monde en bien des points
difficiles à comprendre, l'homme pose des intermédiaire entre lui et ce monde, des intermédiaires d'ailleurs susceptibles
d'intervenir en sa faveur ou de conjurer la fortune via des prières bien adressées.
Mais c'est là en somme un caractère
bien impie de penser charmer une instance transcendante par sa rhétorique, ainsi que de penser que cette instance,
ce dieu, se laisse charmer et peut être convaincu de cesser d'agir arbitrairement.
En effet, il faut au fond que ce dieu
ne soit pas si sage pour agir comme un enfant capricieux se jouant du monde.
La prière est irréligieuse en ce sens
précis qu'elle surestime le prieur et sous estime son destinataire.
Il y a de plus ici un ressort assez habituelle de la nature humaine que Spinoza (un philosophe que Alain a beaucoup lu)
traite dans son Appendice du livre 1 de son oeuvre L'Ethique.
Il s'agit de l'anthropocentrisme, soit cette tendance que
l'homme a à peupler le monde d'être qui lui ressemblent et agissent comme lui.
Spinoza nous dit, avec un peu d'ironie,
que si les triangles avaient une conscience, il est probable qu'il penseraient que leur dieu ressemble à un triangle.
Le.
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