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Alain

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Il y a des choses qu'il faut bien accepter sans les comprendre ; en ce sens, nul ne vit sans religion. L'Univers est un fait; il faut ici que la raison s'incline ; il faut qu'elle se résigne à dormir avant d'avoir compté les étoiles. L'enfant s'irrite contre un morceau de bois ou contre une pierre ; beaucoup d'homme blâment la pluie, la neige, la grêle, les vents, le soleil ; cela vient de ce qu'il n'ont pas bien compris la liaison de toutes choses ; ils croient que tous ces faits dépendent de décrets arbitraires, et qu'il y a au monde un capricieux jardinier qui peut arroser ici ou là ; c'est pourquoi ils prient. La prière est l'acte irréligieux par excellence. Mais celui qui a un peu compris la Nécessité, celui-là ne demande plus de compte à l'Univers. Il ne dit pas : pourquoi cette pluie ? pourquoi cette peste ? pourquoi cette mort ? Car il sait qu'il n'y a point de réponse à ces questions. C'est ainsi, voilà ce que l'on peut dire. Et ce n'est pas peut dire. Exister, c'est quelque chose ; cela écrase toutes les raisons. Alain

« Commentaire d'un texte de Alain Il semble bien difficile d'évacuer cette question qui, depuis l'origine, hante les hommes comme aucune autre.

Elle ne tient pourtant qu'à un mot, qui travaille jusqu'à notre propre cœur, et qui pourtant ne peut s'assurer des réponses qu'on lui propose: Pourquoi? Cette simple interrogation semble presque se perdre immédiatement dans l'immensité du cosmos, au point que l'homme parfois fausse le jeu, et présente un réponse en attendant la véritable, celle qui ne semble plus venir, celle qui peut-être ne viendra jamais.

Car une chose est sûre: l'homme semble bien avoir du mal à rester au simple niveau des causes matérielles et immanentes, il veut plus, il veut en somme ce qu'il ne peut obtenir nous explique précisément Alain.

Au-delà des simples causes efficientes, l'homme veut savoir pourquoi, il s'oriente vers un questionnement où aucune réponse ne lui sera apportée: il en est ainsi du sort de l'homme, être point omniscient, qui verra toujours des zones d'ombre dans l'horizon qui encercle sa demeure, toujours des questions sans réponses, des choses que l'on doit accepter sans comprendre. I.

Méchante pierre! Bien évidemment, on peut toujours définir la religion en son sens étymologique, religare en latin, soit ce qui nous relie au divin, au transcendant.

Ou encore, si l'on refuse d'adhérer à cette étymologie verticale, on peut choisir une orientation plus horizontale, religare comme ce qui relie entre eux les croyants, au sein d'une communauté.

Mais plus fondamentalement, il y au cœur de toute attitude religieuse une impatience fondamentale, un refus de cette temporalité propre dans lequel s'affaire le savoir.

En effet, il y a une sorte d'incommensurabilité entre le temps d'une vie individuelle et celui du savoir qui se déploie au cours de plusieurs siècle.

La religion, c'est refuser d'attendre, c'est refuser les limites de l'entendement qui sont comme autant de barbelés bridant le désir ultime de savoir.

Et il est évidant que l'intelligence redouble l'angoisse face à un univers toujours trop vaste pour être embrassé par la simple raison.

La religion c'est ainsi le nom que porte l'effronté qui refuse de ne pouvoir comprendre, comprendre tout hic et nunc.

D'un coup de pied, il heurte le monde et le somme de répondre sur le champ.

L'homme ne supporte pas de tout savoir, et l'ironie du sort fait que l'univers ne peut être digérer dans son entièreté par le simple esprit fini humain. Puisque tout homme doit faire route vers l'acceptation dans bien des cas, dire « oui » à ce qui se déroule devant lui et le prend parfois dans son remous, sans même que le temps lui soit donné de comprendre, la religion est partie intégrante de la vie de l'homme.

Comprendre qu'on ne peut parfois pas comprendre, comprendre qu'on ne peut tout comprendre: voici le tourment proprement humain.

Et pourtant, l'homme trouvera le sommeil avant de trouver toutes les raisons qui saturent le monde, mieux, il mourra avant de tout savoir.

L'univers pèse de tout son poids dans ce dense et obscur point à la base du signe d'interrogation.

Il est ce fait indubitable dans lequel la raison rentre en état d'effervescence, soit cet état particulier où l'excitation la plus optimale frise la désintégration la plus radicale, la néantisation. Nous avons tous déjà vu un enfant se mettre à pleurer après avoir heurté une pierre violemment avec son pieds.

Après la surprise du choc, et quelques larmes prêtes à noyer le monde dans leur lamentation, l'enfant s'en prend bientôt à la pierre en question.

Personnifiée, cette dernière devient la responsable, pour peu que la mère arrivant, et contente de voir dans cette révolte, les insupportables cris cesser, ne l'encourage.

Un sourire au coin des lèvres devant cette naïveté et cette mauvaise foi enfantine, nous poursuivons notre route.

Mais pourtant, ne voyons-nous point tant d'homme s'insurger contre le temps? Mais encore, ne moquons-nous pas, avec Voltaire, le candide Pangloss qui accepte le tremblement de terre de Lisbonne et qu'il persiste face à l'horreur du fait à croire qu'il vit dans le meilleur des mondes alors que le fait, précisément, est des plus injustes et terrifiants selon nous? Or, si Alain stigmatise un tel comportement, c'est précisément parce qu'il reflète l'ignorance dans laquelle vivent bien des hommes, une ignorance qui ne tente jamais de remonter le réseau des causes efficientes, mais voit déjà un visage se dessinait derrière les faits, un visage qui lui en veut à lui personnellement. II.

« La liaison de toute chose » Le fait est que la conduite la plus spontanée, c'est-à-dire la première pensée qui nous vient en tête, lorsque la pluie s'abat sur nous dans la rue, c'est de serrer les poings en vociférant contre le temps, et par transition, contre l'instance qui derrière ce simple phénomène, peut en être responsable.

Assez instinctivement, l'homme s'en prend à ce jardinier des cieux qui arrose à l'instant sa tête alors qu'il ne l'avait pas prévu.

Car au fond, il est commode de penser que le monde est orchestré par la main d'un maître capricieux.

Pour remédier à l'angoisse d'un monde en bien des points difficiles à comprendre, l'homme pose des intermédiaire entre lui et ce monde, des intermédiaires d'ailleurs susceptibles d'intervenir en sa faveur ou de conjurer la fortune via des prières bien adressées.

Mais c'est là en somme un caractère bien impie de penser charmer une instance transcendante par sa rhétorique, ainsi que de penser que cette instance, ce dieu, se laisse charmer et peut être convaincu de cesser d'agir arbitrairement.

En effet, il faut au fond que ce dieu ne soit pas si sage pour agir comme un enfant capricieux se jouant du monde.

La prière est irréligieuse en ce sens précis qu'elle surestime le prieur et sous estime son destinataire. Il y a de plus ici un ressort assez habituelle de la nature humaine que Spinoza (un philosophe que Alain a beaucoup lu) traite dans son Appendice du livre 1 de son oeuvre L'Ethique.

Il s'agit de l'anthropocentrisme, soit cette tendance que l'homme a à peupler le monde d'être qui lui ressemblent et agissent comme lui.

Spinoza nous dit, avec un peu d'ironie, que si les triangles avaient une conscience, il est probable qu'il penseraient que leur dieu ressemble à un triangle.

Le. »

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