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Alain

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La liberté des opinions ne peut être sans limites. Je vois qu'on la revendique comme un droit tantôt pour une propagande, tantôt pour une autre. Or, on comprend pourtant bien qu'il n'y a pas de droit sans limites; cela n'est pas possible, à moins que l'on ne se place dans l'état de liberté et de guerre, où l'on peut bien dire que l'on se donne tous les droits, mais où, aussi, l'on ne possède que ceux que l'on peut maintenir par sa propre force. Mais dès que l'on fait société avec d'autres, les droits des uns et des autres forment un système équilibré; il n'est pas dit du tout que tous auront tous les droits possibles; il est dit seulement que tous auront les mêmes droits; et c'est cette égalité des droits qui est sans doute la forme de la justice; car les circonstances ne permettent jamais d'établir un droit tout à fait sans restriction; par exemple il n'est pas dit qu'on ne barrera pas une rue dans l'intérêt commun; la justice exige seulement que la rue soit barrée aux mêmes conditions pour tout le monde. Donc je conçois bien que l'on revendique comme citoyen, et avec toute l'énergie que l'on voudra y mettre, un droit dont on voit que les autres citoyens ont la jouissance. Mais vouloir un droit sans limites, cela sonne mal. Alain

« La liberté des opinions ne peut être sans limites.

Je vois qu'on la revendique comme un droit tantôt pour une propagande, tantôt pour une autre.

O r, on comprend pourtant bien qu'il n'y a pas de droit sans limites; cela n'est pas possible, à moins que l'on ne se place dans l'état de liberté et de guerre, où l'on peut bien dire que l'on se donne tous les droits, mais où, aussi, l'on ne possède que ceux que l'on peut maintenir par sa propre force.

M ais dès que l'on fait société avec d'autres, les droits des uns et des autres forment un système équilibré; il n'est pas dit du tout que tous auront tous les droits possibles; il est dit seulement que tous auront les mêmes droits; et c'est cette égalité des droits qui est sans doute la forme de la justice; car les circonstances ne permettent jamais d'établir un droit tout à fait sans restriction; par exemple il n'est pas dit qu'on ne barrera pas une rue dans l'intérêt commun; la justice exige seulement que la rue soit barrée aux mêmes conditions pour tout le monde.

Donc je conçois bien que l'on revendique comme citoyen, et avec toute l'énergie que l'on voudra y mettre, un droit dont on voit que les autres citoyens ont la jouissance.

Mais vouloir un droit sans limites, cela sonne mal. Parties du programme abordées : — Le droit. — La justice. — La liberté. Analyse du sujet : La véritable liberté clans une société humaine ne consiste pas en un usage illimité de celle-ci, mais au contraire clans une égalité des droits qui postule l'existence de certaines limites. Conseils pratiques : Efforcez-vous de définir avec rigueur le sens des principaux concepts et évitez de les employer seulement clans leur sens le plus quotidien. Évitez de paraphraser ce texte relativement facile. Bibliographie : RO USSEAU , Du contrat social, Garnier-Flammarion. HEGEL, Principes de la philosophie dit droit, Gallimard. Nature du sujet : C lassique. Introduction La société idéale est-elle celle où « il est interdit d'interdire » et où chacun jouit de droits illimités? Main, en termes clairs, s'attache à démonter la contradiction que renferme cette utopie libertaire et propose un autre critère de légitimité d'une structure sociale donnée : l'égalité des droits, qui incarne selon lui « la forme de la justice ».

Nous étudierons les arguments proposés par Main pour appuyer cette thèse tout en nous demandant ce que peut recouvrir cette égalité des droits et si elle ne doit pas être complétée par un autre critère. Étude ordonnée et intérêt philosophique. La question de la limitation des droits est abordée à travers l'exemple d'un droit particulier, celui d'avoir et d'exprimer des opinions.

N'y a-t-il pas là une liberté fondamentale et qui doit être illimitée? O r A lain affirme d'emblée le contraire : « La liberté des opinions ne peut être sans limites.» La liberté de tout penser et de tout dire ne doit pas être reconnue comme un droit.

Cette idée, selon A lain, n'est qu'un slogan démagogique. Doit-on en conclure qu'A lain est un adversaire de la démocratie? Sûrement pas.

Il suffit en effet de suivre l'actualité ou de penser aux lois qui encadrent, dans une démocratie comme la nôtre, la liberté d'opinion.

On peut être poursuivi, par exemple, pour incitation à la haine raciale ou apologie de la violence : la démocratie doit réagir contre les discours qui sont déjà des actes de violence. Pour donner plus de poids à l'idée d'une limitation de la liberté d'opinion, A lain replace cette question dans le cadre du droit en général pour montrer que la notion de limite fait partie intégrante de l'idée du droit.

Il oppose pour cela l'état d'anarchie ( « l'état de liberté et de guerre » ) et l'état social.

Dans le premier cas, chacun a autant de liberté qu'il a de force pour s'imposer. L'individu est donc livré à lui-même et la notion de droit reste vide.

Dans l'état social, au contraire, Alain ne dit pas que l'individu est « dans la société » mais qu'il « fait société avec d'autres » : souligner la part active que chacun prend dans la formation et le maintien du lien social permet de mieux comprendre pourquoi l'attitude citoyenne consiste non pas à tenter d'avoir le plus de droits possibles mais à militer pour que tous aient les mêmes droits. C 'est ainsi qu'intervient l'idée d'égalité, désormais indissociable de celle de limite : ces deux notions combinées produisent celle d'équilibre et de justice. A lain, dans cette partie centrale du texte, tient à faire passer l'idée selon laquelle l'idéal d'une société ne doit pas être l'expansion à l'infini de tous les droits, mais plutôt la recherche de la mesure, d'une juste proportion.

Les droits ne forment en effet un « système équilibré », donc durable, que s'ils ne se détruisent pas mutuellement ou si certains ne sont pas exagérément développés par rapport à d'autres.

On peut par exemple penser à la difficile recherche d'un point d'équilibre entre la liberté de la presse et le respect de la vie privée ou la bonne marche de la justice. Il est question ici de la « forme de la justice », parce qu'il s'agit d'un critère général indépendant du contenu concret de la législation de chaque société et des restrictions ponctuelles dues aux circonstances.

Le critère de l'égalité est un des éléments qui permettent de se demander si un système donné est « équilibré » ou non.

Mais nous pourrions souligner que ce critère doit être complété par un autre, auquel A lain fait seulement une allusion fugitive : c'est celui de « l'intérêt commun » Un système dans lequel tous les citoyens sont opprimés de façon égale, dans lequel les droits sont les mêmes pour tous mais presque inexistants, ne peut être considéré comme bon. De même, il serait possible d'élargir ici le débat en montrant la nécessité de nuancer cette idée de l'égalité de tous devant la loi : ne doit-elle pas être modulée, notamment, en fonction de l'inégalité des uns et des autres face à l'existence? O n réserve bien des places, dans les transports en commun, aux personnes handicapées ou âgées; mais alors cette priorité est justifiée et acceptée par les autres catégories, et aucun autre critère, par exemple la couleur de la peau, ne doit entrer en ligne de compte pour l'attribution de ces places.

O n pourrait également ajouter qu'une limitation des droits n'est acceptable que si la possibilité d'une modification, d'une révision de l'équilibre, demeure ouverte. DÉMAGOGUE : Du grec, démagôgos, meneur du peuple; en un sens négatif, celui qui excite les passions pour obtenir une réussite électorale. Conclusion O n voit donc comment l'idée de limite est nécessaire pour pouvoir combiner liberté et justice au sein d'un état de droit.

Le texte d'A lain nous invite particulièrement à réfléchir sur notre propre attitude à l'égard de nos droits : les regardons-nous comme des sources d'avantages, ou comme les cadres de notre existence avec et pour les autres ? A lain rappelle cette condition si précieuse et si fragile de la société : la recherche individuelle du bonheur ne doit pas se faire au détriment du « vouloir vivre ensemble ».. »

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