A-t-on toujours le pouvoir de faire son devoir ?
Extrait du document
«
Définition des termes du sujet:
TOUJOURS : à tout moment, à toute époque ; éternellement, perpétuellement.
POUVOIR:
Du latin populaire potere, réfection du latin classique posse, «être capable de ».
1° Verbe : avoir la possibilité, la faculté de.
2° Avoir le droit, l'autorisation de.
3° Nom : puissance, aptitude à agir.
4° En politique, ressource qui permet à quelqu'un d'imposer sa volonté à un autre, autorité.
5° Employé seul (le
pouvoir), les institutions exerçant l'autorité politique, le gouvernement de l'État.
DEVOIR:
1) Obligation morale, opposée à obligation juridique; le devoir est une obligation interne au sujet, l'obligation
juridique une obligation externe (une contrainte).
2) Le problème sous-jacent consistant à trouver le fondement de cette obligation, Kant fera du devoir un absolu:
"Le devoir est la nécessité d'accomplir l'action par pur respect pour la loi."
3) Un devoir: tout ce qui correspond à une obligation morale.
« Excusez-moi, je n'ai pas pu faire autrement; je le regrette...» Demande polie qui tente de cacher son
impuissance derrière des convenances sociales ; on n'a pas fait ce qu'il fallait, certes, mais on s'est conformé aux
usages, ou même on s'est contenté d'éviter le pire ; «comprenez-moi», semble-t-on dire alors â€" sous-entendu :
«Je ne suis pas un héros...» Parfois l'aveu est plus net : «Sans doute faudrait-il (être honnête, franc, dévoué, etc.)
; mais la vie serait trop difficile...
; on ne peut pas faire autrement qu'agir comme tout le monde...»
Le devoir est austère, on le reproche assez à Kant.
Beaucoup pensent qu'ils pourraient, s'ils voulaient vraiment ou
s'il le fallait absolument...
Ils croient qu'il suffit de le penser.
Mais alors, que sait-on au juste? Si l'on connaissait son devoir, est-ce que l'on se résignerait à agir en étant
entraîné par l'opinion, par sa passion? Qu'est-ce que cette prétendue connaissance? A l'inverse, certains ont pris si
bien au sérieux les exigences de la connaissance du devoir qu'ils ont cru que, en fait, on ne sait jamais réellement
ce qu'il faut faire.
«On fait ce qu'on juge le meilleur, encore que peut-être on juge mal» (Descartes, Les passions de
l'âme, § 170, qui précise que cela suffit pour s'acquitter de son devoir).
Le pouvoir de faire son devoir suppose ainsi d'abord le pouvoir de le connaître.
L'existence pratique n'est pas
éclairée par l'évidence comme le raisonnement mathématique ; les choix doivent cependant être effectués.
Faire
son choix, c'est plus immédiat que faire son devoir, car cela découle directement du pouvoir de la liberté.
On peut même aller jusqu'à exalter le pouvoir du choix, qui dépasserait alors le pouvoir d'accomplir son devoir, même
quand celui-ci est clairement connu.
C'est encore Descartes qui le dit dans une lettre célèbre au P.
Mesland (9
février 1645) : «Il nous est toujours possible de nous retenir de poursuivre un bien clairement connu ou d'admettre
une vérité évidente, pourvu que nous pensions que c'est un bien d'affirmer par là notre libre arbitre»; et même: «Si
nous suivons le parti contraire [au meilleur] nous usons davantage de cette puissance positive» (traduction F.
Alquié, dans l'édition Garnier).
Il faut donc savoir ce qu'est réellement notre pouvoir de connaître notre devoir, de le faire, ou de ne pas le faire.
1.
Connaître son devoir
1.
« La première condition pour viser un but et l'atteindre, c'est de le connaître ; [...] or peu d'hommes ont le
privilège de savoir ce qu'il est et de pouvoir le rechercher» ; il semble dès lors qu'il n'y ait qu'une action possible :
réfléchir ; «le motif ou l'intention voilà tout ce que peut prescrire le devoir» (C.-A.
Vallier, De l'intention morale).
La
recherche de ce qu'on doit faire va nous arrêter, ce qui nous retiendra de mal agir.
Il est vrai que la connaissance
de ce qu'on doit faire, ici et maintenant, dans une situation qui est toujours complexe, dont nous ne pouvons pas
déterminer tous les éléments, encore moins les maîtriser, n'a pas la clarté évidente d'une proposition mathématique ;
ce n'est pas comme «deux et deux font quatre» ! La plupart des gens se contentent de saisir les aspects qui
paraissent les plus importants: est-ce judicieux? Peut-être dans les situations typiques, où il est au moins visible
qu'il ne faut pas accomplir telle ou telle action.
Ainsi, Socrate disait qu'une sorte d'esprit attaché à son être, son
daimôn (à ne pas confondre avec le «démon ») le retenait parfois d'agir, lui disait intérieurement : «Non!» Nous
aussi, une voix intérieure nous avertit parfois : «Ne fais pas cela!»
Mais ne pas faire reste négatif.
C'est parfois impossible.
«Dans les crises politiques, le plus difficile pour un honnête
homme n'est pas de faire son devoir, mais de le connaître» (L.
de Bonald, Considérations sur la Révolution française)
; s'il est alors nécessaire d'agir, nous sommes obligés de chasser l'irrésolution ; Descartes jugeait fort mauvais cet
état d'incertitude ; la paralysie psychique doit cesser et il faut bien agir au mieux.
«Nous n'avons à répondre que de
nos pensées », écrit Descartes à Élisabeth (édition Adam et Tannery, IV, p.
307) ; dans les Passions de l'âme il dira
que, la certitude scientifique étant impossible dans l'action, «on s'acquitte toujours de son devoir lorsqu'on fait ce
qu'on juge le meilleur, encore que peut-être on juge très mal» (art.
170 : «De l'irrésolution »).
2.
Nous sommes parfois devant un «conflit de devoirs », situation exploitée dans les tragédies, mais très cruelle
dans l'existence.
Exemples : une naissance s'annonce mal, qui faut-il sacrifier, la mère ou l'enfant (étant posé que
l'avortement est un mal) ? ; lors d'une prise d'otages, faut-il risquer ? Faut-il céder ? On parle alors de «moindre mal
».
Mais que signifie une telle expression? Pour celui qui subit, le mal est total, il n'est pas en plus ou moins : c'est la
mère ou bien c'est l'enfant ; on risque la vie des otages d'aujourd'hui pour éviter que l'acte terroriste ne se
renouvelle, et on pense ainsi sauver d'autres otages potentiels.
Impossible de rester dans l'irrésolution.
Il y a un
devoir premier des responsables (médicaux, politiques, etc.) : s'être préparé à de telles situations, qui font partie de.
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