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A-t-on le devoir d'aimer autrui ?

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« Introduction Le commandement d'aimer suppose d'aimer en toutes circonstances, quelques soient nos résistances voire nos antipathies, lesquelles n'en sont pas moins légitimes.

On comprend certes que l'amour lui-même exige de passer par-delà nos tensions ou ces incompréhensions mutuelles qui sont l'effet de nos complexions propres.

Or, comment pouvons-nous nous obliger à faire comme si l'indifférence à certains autres, sinon l'antipathie naturelle que nous éprouvons à l'endroit de certains, cessait d'exister ? Car si l'amour choisit, s'il est la relation qui caractérise le semblable (le même aime le même) comme une prescription de l'identique, peut-il s'imposer contre ce fait de l'élection et la réalité de nos différences ? Comment l'amour, en tant que devoir impératif, peut-il compter sans le concours de l'autre (par exemple, si ce dernier ne fait rien des efforts que nous sommes en droit d'attendre de lui), est-il seulement possible d'aimer autrui et pour ce seul motif qu'on le doit, contre lui-même ? Le devoir, forcément inconditionnel, d'aimer n'est-il pas en son principe ignorant des différences qui opposent les personnes, ne fait-il pas trop peu de cas de ce que l'on désigne par notre sentimentalité, c'est-à-dire des lois singulières propres à chaque subjectivité ? 1.

Au SENS COMMUN : L'AMOUR EST UN SENTIMENT, NON UN DEVOIR A.

La nature élective de l'amour L'amour est une adhésion à l'autre et à sa volonté, une adhésion au bien de l'autre.

Il y a là une forme d'obligation, du moins d'engagement vis-à-vis d'autrui.

Mais au moins s'agit-il d'un autrui que j'aurais choisi.

Cette adhésion au bien de l'autre réclame de moi une adhésion entière mais élective.

Le bien que je lui veux se borne à la spécificité de l'autre en tant que tel.

Aimer n'est donc jamais vouloir pour autrui un bien vague et général, mais un bien particulier, le plus conforme à ce que je puis en connaître. La nature élective de l'amour exclut ainsi l'amour de tous et il semble que le devoir d'aimer tout le monde fasse l'économie de ce qu'est vraiment aimer, c'est-à-dire du jeu de la préférence et de la différence. B.

L'amour, forme brutale de la sauvagerie affective On pourrait noter, même s'il s'agit d'un lieu commun dans la littérature, le comportement de l'amoureux rendu en sa passion insensible à la détresse de l'autre (Andromaque de Racine, par exemple).

Dans quelle mesure un tel amour ne se construit pas uniquement dans la haine du rival (voyez Pyrrhus et le souvenir d'Hector) ? Un lien subtil s'instaure entre l'amour et la jalousie.

L'amour interdit le devoir d'aimer, il semble se déjuger à ne jamais se déclarer ni à emporter l'adhésion d'autrui contre son prétendant (vivant ou mort) rival. Aussi bien l'amour s'inverse en haine, voire en haine de l'aimé(e) (cf.

l'analyse sartrienne du sadisme dans L'Être et le néant, IIe partie, ch.

III, pp.

439-453). C.

Le comportement égocentrique de l'amour Aime-t-on parce que la personne est aimable ou la trouvons-nous aimable parce que nous l'aimons ? II.

L'AMOUR EST UNE CONTRAINTE IMPOSSIBLE A.

Le non-sens du commandement d'aimer Si l'amour exige de répondre au moins à une stratégie de la similitude (aime ton prochain comme toi-même), est-il possible et sommes-nous autorisés à aimer autrui contre sa volonté d'autrui justement, sa volonté de ne pas être aimé de nous ? Son droit, et le respect qu'on veut lui témoigner, ne s'étendent-ils pas jusque-là ? Cela est plus qu'un droit du reste.

Il n'est pas en effet jusqu'au statut ontologique d'autrui qui ne nous impose déjà de délaisser l'autre. L'approche morale d'autrui implique une éthique de la distance, une philosophie de la politesse.

Cette philosophie exigerait ainsi du prochain « qu'il sache toujours aussi se comporter comme un lointain et se garde de toute intrusion dans la vie personnelle d'un individu (A.

Philonenko, Introduction à Kant, Métaphysique des moeurs, I, Vrin, p.

54).

Le droit souverain qu'a autrui sur moi de me refuser mon amour (au nom de sa liberté, et de sa propriété ontologique d'être un soi pour-soi, c'est-à-dire autre chose qu'un simple objet pour moi, un en-soi) ainsi que l'inter-dit moral qu'il pourrait à tout moment me signifier de l'aimer contre son gré dresse le devoir d'aimer en antithèse de la liberté d'autrui.

Il y a là un conflit des commandements. B.

La problématique du pardon Le conflit des commandements que nous venions d'évoquer à l'instant connaît aussi ses propres limites.

Remettre à autrui ses offenses est une façon de nier l'apparente nécessité avec laquelle les consciences sont conduites à s'opposer.

Le devoir d'aimer libère en un sens toute conscience d'avoir à s'opposer et à détruire pour s'affirmer.

Est-ce dire que l'amour tourne le dos par conséquent à l'affirmation de ma propre singularité, et qu'il en méconnaît les lois profondes ? C.

L'amour comme devoir : la reconquête de soi par-delà l'épreuve de l'offense Le refus du pardon et l'affirmation de soi m'enferment dans le souvenir de l'offense.

Une part de moi-même est volée dans l'offense non pardonnée.

Il y aurait donc une sorte d'impasse, et dont l'amour serait la solution, à nourrir sa rancune pour rester soi.

La joie mauvaise de la vengeance, la passion de la tristesse me place ainsi dans le souvenir insultant de l'autre et dans sa dépendance. Le devoir d'aimer apparaît alors comme un chemin de libération par-delà l'illusion de l'affirmation de moi que me donne ma rancune.. »

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