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A quoi puis-je trouver un sens ?

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Il faut, pour interpréter le monde, postuler qu’il est intelligible, qu’un principe supérieur le gouverne, selon la tradition positiviste, de Platon jusqu’à  Leibniz. Il y a actuellement un courant très fort dans le cinéma américain, assez proche de cette conception : il s’agit de montrer qu’une série de hasards, de coïncidences et d’évènements sans aucun lien apparent s’imbriquent finalement pour mener, à la conclusion du film, à un évènement qui semblait préparé par tous les autres. Cette vision du monde est partagée par beaucoup d’individus : les gens superstitieux voient souvent dans la nature des signes qu’ils interprètent à leur convenance et qui, de ce fait, influent sur leurs actes futurs (qu’on songe à Romulus et Remus sur leur colline, regardant passer les oiseaux pour désigner lequel d’entre eux bâtira Rome). Ainsi, un pressentiment – ne pas prendre l’avion si on a rêvé que celui-ci s’écrasait -, s’il est appuyé par une confirmation – l’avion que l’on devait prendre a effectivement eu un accident – transforme la coïncidence en signe, c'est-à-dire en quelque chose qui permet de prévoir, de connaître.  

« Les prénoms prédestinés, les actes manqués, les signes que nous voyons dans la nature et qui influent sur nos actes, ou plus largement, la volonté de trouver la finalité de notre existence, le sens de la vie : il semble que nous ayons tous une certaine propension à interpréter à notre convenance chaque phénomène qui se présente à notre perception, au risque d'erreurs de jugement, voire d'interprétations contradictoires.

Dans cette confusion de glose et d'herméneutique, la question se pose : à quoi puis-je réellement trouver un sens ? Par sens il faut entendre une signification, une raison d'être, une valeur qui justifie l'existence d'une chose, d'un évènement.

En effet, il arrive que certaines choses semblent avoir à nos yeux plus de sens que d'autres, alors que dans d'autres cas, le sens semble clairement dépasser notre entendement.

Si sens il y a, nous est-il accessible ? Quelles sont les limites qu'on peut donner à cette quête du sens ? Si on peut trouver un sens apparent, une fin, à tous nos actes dès lors qu'ils sont intentionnels, le problème se pose dans le cas des « actes manqués ».

Selon la théorie déterministe, tous nos actes sont déterminés (par l'inconscient, par la société…), aucun n'est gratuit ou désintéressé, et tous nos discours et nos idées sont influencés par des motivations inconscientes : nous avons des raisons de défendre ce que nous défendons (on sert sa classe sociale dans l'optique de Marx, etc.).

Nos moindres « cafouillages » sont interprétés comme autant de lapsus révélateurs.

On pourrait parler, en reprenant les termes de Pierre Bayard, d'un « délire d'interprétation » qui se repaît de l'inattendu, de l'involontaire et prétend pouvoir trouver un sens à tous nos actes (par l'hypothèse de l'inconscient, entre autres). C'est également le cas de nos rêves : « Là où un homme rêve et délire, écrit Paul Ricœur, un autre homme se lève qui interprète ».

L'herméneutique n'étant jamais loin dès lors qu'il s'agit d'étudier un langage symbolique – ou considéré comme tel –, la psychanalyse décèle dans nos rêves des sens qui nous échappent et qui peuvent parfois paraître fantaisistes.

Dans la connexion entre deux pensées distinctes et apparemment sans rapport (exemple : l'idée de la mort et le souvenir d'un ami) qui forme en s'imbriquant un rêve absurde (la mort de l'ami en question), le psychanalyste verra une manifestation de l'inconscient (on souhaite inconsciemment la mort de cet ami).

Le psychanalyste cherche un sens caché dont la valeur est inversement proportionnel à son évidence apparente (cauchemarder de la mort d'un proche ne signifierait pas qu'on est attaché à sa sécurité mais au contraire, qu'on désire secrètement qu'il meure). Le rêve, révélateur de nos fantasmes enfouis ? Depuis Freud, l'idée a fait son chemin : Jung avance que la volonté inconsciente, dominante, peut provoquer des accidents graves.

L'étude de rêves antérieurs à ces accidents et qui les prévoyaient déjà l'avait confirmé dans cette hypothèse.

Pour les partisans de la psychanalyse, l'inconscient serait donc ce qui donne sens à nos actes et à nos pensées, ce qui reviendrait à dire que c'est nousmêmes qui investirions, sans le savoir, nos actes d'une direction, d'un but secret que le psychanalyste pourrait éventuellement nous aider à dévoiler. Mais au fond, le comportement du psychanalyste, cette quête du sens caché, n'est-il pas celui que chacun a tendance à adopter face aux évènements qui adviennent dans son existence ou dans son rapport à la nature ? Il faut, pour interpréter le monde, postuler qu'il est intelligible, qu'un principe supérieur le gouverne, selon la tradition positiviste, de Platon jusqu'à Leibniz.

Il y a actuellement un courant très fort dans le cinéma américain, assez proche de cette conception : il s'agit de montrer qu'une série de hasards, de coïncidences et d'évènements sans aucun lien apparent s'imbriquent finalement pour mener, à la conclusion du film, à un évènement qui semblait préparé par tous les autres.

Cette vision du monde est partagée par beaucoup d'individus : les gens superstitieux voient souvent dans la nature des signes qu'ils interprètent à leur convenance et qui, de ce fait, influent sur leurs actes futurs (qu'on songe à Romulus et Remus sur leur colline, regardant passer les oiseaux pour désigner lequel d'entre eux bâtira Rome).

Ainsi, un pressentiment – ne pas prendre l'avion si on a rêvé que celui-ci s'écrasait -, s'il est appuyé par une confirmation – l'avion que l'on devait prendre a effectivement eu un accident – transforme la coïncidence en signe, c'est-à-dire en quelque chose qui permet de prévoir, de connaître. Mais ces signes ne se mesurent qu'à l'aune des évènements qui les vérifient, comme ces prénoms prédestinés que nous affectionnons tant, dans ce penchant que nous partageons pour la « vocation » et que traduit le dicton : « c'était écrit ».

Chacun a en soi une certaine tendance à tout interpréter : c'est une erreur philosophique primaire, qu'on pourrait apparenter à de l'égocentrisme.

C'est croire que l'oiseau qui s'est écrasé devant nous est un avertissement à notre attention, alors qu'il ne s'agit que d'un malheureux incident qui ne nous concerne aucunement.

La subjectivité gouverne nos sens, elle nous fait interpréter le monde comme si nous étions son centre, son pivot. Cette quête de sens ne se borne pas à notre existence, certains n'hésitent pas à l'étendre à la mémoire de l'Humanité : l'Histoire.

Longtemps on a pensé que Dieu favorisait les vainqueurs de chaque guerre, et que de ce fait, l'issue de chaque bataille pouvait être interprétée comme une volonté divine.

Hegel, de son côté, avance que. »

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