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À quoi bon écrire l'histoire ?

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« L'histoire est l'objet d'une double attente.

La première est d'aider une société à faire le point sur son passé, et, en particulier, à propos des épisodes les plus douloureux de son histoire.

Le souci est légitime à condition de ne pas confondre le rôle de l'histoire et celui de la justice.

Certes, l'une et l'autre travaillent à reconstituer des faits humains passés, à rassembler des preuves, à tenter de rendre ces faits intelligibles.

Mais la démarche de l'historien diffère de la procédure judiciaire.

La justice doit trancher par oui ou par non à une question simple : coupable ou innocent ? Tandis que l'historien peut pondérer à l'infini les responsabilités, faire intervenir, pour comprendre un événement, des causalités complexes et enchevêtrées.

Ce qui soumet son travail à d'incessantes corrections, critiques, et révisions au sens strict du terme.

Bref, le juge n'est pas habilité à décider de la vérité historique, et de même on peut comprendre que l'historien hésite à intervenir dans le prétoire. La deuxième fonction de l'histoire est, on le dit souvent, d'empêcher que les méfaits se renouvellent.

Là encore, il faut se garder de trop attendre de l'histoire.

On aimerait bien qu'elle nous donne des leçons pour l'avenir, sur le modèle des sciences de la nature.

Mais, si l'expérience des tremblements de terre permet de construire des bâtiments antisismiques, c'est parce que la physique peut établir des lois générales sur la résistance des matériaux. L'histoire a pour objet l'événement, qui est par définition ce qui ne se reproduira pas.

C'est pourquoi les enseignements qu'on peut tirer d'une expérience historique ne peuvent pas être transposés sans risque si les circonstances ont changé.

Par exemple, avant 1914, le pacifisme pouvait se justifier comme un moyen d'empêcher le déclenchement de la guerre.

La même attitude, dans les années trente, revenait à désarmer les démocraties face à la montée du péril hitlérien.

Si bien que la principale leçon qu'on puisse tirer de l'histoire, c'est qu'on se doit de rester toujours vigilant, étant donné sa capacité infinie à nous surprendre. Lorsque nous nous demandons « a quoi bon faire quelque chose ? », nous nous interrogeons sur l'utilité de cette action, en la remettant fortement en question.

En effet, il se peut que notre action nous apparaisse vaine, et ce, pour plusieurs motifs : en raison des fins que nous visons à travers elle ; en raison des résultats que nous obtenons par son moyen.

Nous pouvons nous interroger sur les fins d'une action quand celles-ci ne nous apparaissent pas légitimes à rechercher.

Nous pouvons nous interroger sur les résultats que nous obtenons au moyen d'une action, qui peuvent nous sembler d'un médiocre intérêt relativement aux efforts que nous déployons pour les obtenir. Le mot « Histoire » désigne toute connaissance basée sur l'observation, la description de faits advenus dans le passé.

Il y a lieu de distinguer entre l'histoire, récit véridique du passé, et l'Histoire, comme réalité historique, totalité de ce qui a eu lieu et de ce qui aura lieu dans l'avenir. Si nous appliquons ce mode de remise en question de l'utilité de l'histoire, il ne nous sera pas difficile de découvrir des arguments solides pour interroger les fondements d'une écriture de l'histoire.

A quoi sert d'écrire et de connaître ce qui est passé, dès lors que nous acceptons une conception de l'Histoire qui n'est pas cyclique, mais linéaire ? A quoi sert l'écriture de l'histoire, dès lors qu'elle nous distrait d'une considération attentive du moment présent, et peut fausser notre regard, en nous portant à considérer un événement fondamentalement nouveau comme s'il était la réécriture d'un événement passé ? Le seul désir de connaître, cette horreur du vide que l'esprit humain a au même titre que la physique Aristotélicienne, est il capable de justifier l'écriture de l'Histoire ? C'est à ce faisceau de question portant sur la validité et l'utilité de l'écriture de l'histoire que nous tenterons de répondre dans le développement qui va suivre. I. Ecrire l'Histoire pour ne pas revivre ce qu'on a oublié ? a. Connaître le passé pour ne pas le réitérer Une réponse classique, et presque dogmatique, à la question «à quoi bon écrire l'histoire ? » peut se trouver résumée dans une phrase célèbre de Berthold Brecht : « L'homme est condamné à revivre ce qu'il a oublié ».

Cette idée implique qu'il y a des récurrences possibles dans l'ordre de l'histoire, que celle-ci est susceptible de prendre une forme cyclique et de présenter aux hommes des réitérations dont ils sont responsables, et qu'ils ont le pouvoir d'éviter.

En effet, par l'étude de l'histoire, nous pouvons découvrir par quels moyens des formes autoritaires de pouvoir politiques se mettent en place, et par conséquent éviter qu'elles recommencent.

La réponse à notre question sera donc : on écrit l'histoire pour se protéger du retour du nazisme, c'est-à-dire, pour éviter la réitération des grandes catastrophes que les hommes ont déjà connues. b. Histoire cyclique et contingence de l'histoire Cependant, cette réponse est critiquable.

En effet, il n'est pas du tout certain que l'histoire permette de telles réitérations, qu'elle ait ce caractère potentiellement cyclique.

Si nous nous représentons l'histoire comme le fait Sade dans les Crimes de l'amour, nous dirons avec lui qu'elle est le règne d'un chaos absolu, l'espace où s'exerce avec toute puissance la loi de la contingence.

Par conséquent, si nous refusons l'idée que l'histoire est susceptible de réitérer les mêmes évènements, écrire l'histoire parait bel et bien inutile : il ne s'agirait que d'accumuler des réflexions sur le passé qui n'ont aucune utilité pour la saisie du présent.. »

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