Sujet: En quoi la marginalité des personnages du roman de l’abbé Prévost est-elle au service d’une critique de la société ?
Publié le 16/05/2023
Extrait du document
«
Sujet
En quoi la marginalité des personnages du roman de l’abbé Prévost est-elle au
service d’une
critique de la société ?
Introduction :
Manon Lescaut, le roman de l’Abbé Prévost a été écrit en 1731.
L’histoire de Manon
et de
Des Grieux se situe précisément entre la fin du règne de Louis XIV, qui meurt en
1715 et le
début de la régence (entre 1715 et 1723).
A cette époque, la stabilité, la morale et la
religion
sont les trois piliers sur lesquels repose l’organisation de la société.
A cette période,
la cours
est plongée dans un rigorisme religieux particulièrement strict et la société est
fortement
inégalitaire.
On entend par stabilité, le fait que chacun appartienne à une classe
sociale et
n’en sort pas : les nobles avec les nobles, les bourgeois avec les bourgeois (qui
peuvent
s’élever financièrement mais sans jamais acquérir la vraie noblesse), les « pauvres »
avec les
pauvres.
C’est dans ce contexte que naissent les personnages de ce roman : qu’il s’agisse de
Manon,
de Des Grieux ou de certains autres personnages plus secondaires, ils sont, chacun
à leur
manière, en marge de cette société qui les rejette.
On peut alors se demander en quoi l’auteur, en mettant en scène ces personnages
marginaux, utilise cette marginalité pour critiquer la société.
Nous analyserons dans un premier temps les caractéristiques de la marginalité des
personnages du roman, une marginalité à la fois morale, sociale et familiale.
Puis nous verrons dans un second temps comment l’auteur, en choisissant de faire
évoluer
des personnages en marge , utilise cette marginalité pour, en fait, critiquer le
conservatisme
et l’aspect inégalitaire de la société.
Dans un troisième temps, nous constaterons que, si la marginalité des protagonistes
est,
dans ce roman , au service d’une critique de la société, elle est également source
d’un plaisir
romanesque très intense pour le lecteur.
La marginalité des personnages du roman de Prévost est d’ordre moral, social et
familial
La marge est un terme appartenant, au départ, au domaine de l’imprimerie : c’est ce
petit
espace, sur la gauche, entre le texte écrit et la bordure du papier qui représente
symboliquement un espace libre, entre des limites imposées.
Ou peut-être un
espace
« rejeté », vers la bordure.
Un personnage en marge est un personnage qui se situe
« hors
de la limite », « à côté » de la norme imposée.
Une norme qu’il s’impose lui-même ou
qui lui
est imposée par la société.
Mais cette notion de marginalité est forcément relative ; on n’est pas marginal en
1730 de
la même façon qu’on l’est en 2023.
Elle dépend, par définition, des bordures, des
limites, des
normes qui l’entourent.
En 1731, date à laquelle est écrit le roman Manon Lescaut
ces
normes sont celles d’une société encore conservatrice, aux inégalités sociales très
marquées
et particulièrement empreinte de morale et de religion : les hommes de la noblesse
doivent
épouser des femmes de leur lignée, élever des enfants qui, eux-mêmes, se
marieront dans le
milieu de la noblesse.
Quant au peuple (les paysans, les citadins de condition
modeste), la
norme leur impose de se marier entre eux .
On pourrait dire qu’à cette époque,
l’ascenseur
social dont on parle aujourd’hui n’avait pas encore été conçu.
Dans Manon Lescaut, les personnages sont en marge car ils ne parviennent pas à
se
conformer à la vie morale et réglée qui est attendue d'eux.
On attend en effet d’une
jeune
fille qu’elle se marie pour devenir une bonne épouse puis une bonne mère.
Or, dès le
début
du roman, Manon est d’emblée un personnage en marge , puisqu’elle est « mise de
côté »,
marginalisée par sa famille pour être envoyée au couvent car trop attirée par les
plaisirs.
Elle s’en échappe.
Par la suite, elle utilisera son corps pour séduire ; séduire Des
Grieux
qu’elle aime, mais également séduire d’autres hommes.
Elle ira jusqu’à se prostituer.
Elle
aime les plaisirs avant tout, c’est son amant qui nous le dit.
Elle se caractérise par
son
libertinage et son immoralité.
On pourrait rapprocher Manon, du personnage, lui
aussi en
marge, de Nana d’Emile Zola, courtisane, qui elle aussi se prostitue puis mourra
seule et
démunie.
Le personnage de Des Grieux , choisit, lui, une vie de marginal par amour pour
Manon..
Sa
marginalité, qui progresse au fil du roman, tient à sa vie hors des règles et des lois :
les jeux
d’argent, le vol, l’escroquerie...et jusqu’au meurtre.
On peut remarquer que sa
marginalité
est réversible puisqu’elle n’est qu’une parenthèse dans sa vie : après la mort de
Manon, il
reviendra dans sa famille et accomplira son devoir en devenant prêtre.
Autre
personnage du
roman, Lescaut, le frère de Manon, parasite, mauvais conseiller puisque ses idées
entrainent
la mort de sa soeur, est l’incarnation même du personnage marginal.
A l’inverse,
l’ami
Tiberge, comme le double inversé de Des Grieux, représente la morale et la religion.
Sous un autre angle, le personnage de Jean Valjean dans les misérables de Victor
Hugo,
publié en 1862, à la fois ancien forçat et homme d’une grande générosité représente
lui
aussi une figure typique de personnage en marge.
La marginalité des personnages de ce roman est aussi sociale ; des Grieux est un
jeune noble, destiné par sa famille à l’ordre de Malte.
Il est d’ailleurs déjà chevalier.
Par
amour pour Manon, il choisit consciemment de renoncer à son statut social et finira
déclassé.
L’argent joue un rôle important dans le roman.
Des Grieux renonce à celui
qu’il
pourrait avoir par son rang.
Manon, issue d’une famille pauvre, en désire toujours
plus et
fera ce qu’il faut pour en obtenir.
Enfin, Des Grieux se met en marge de sa famille en se séparant de son père et par
là
même du soutien familial dont il pourrait bénéficier.
Entre prostitution, jeux d’argent, vols, meurtres, les personnages du roman sont
moralement et socialement des marginaux.
On peut alors se demander en quoi cette marginalité que nous avons définie est,
pour
l’auteur, mise au service d’une critique de la société.
Cette question fait directement référence aux différents rôles de la littérature :
apporter du
plaisir au lecteur, l’instruire, susciter ses émotions, lui donner l’occasion de
s’identifier aux
personnages, à l’histoire, l’amener à se questionner sur sa propre condition...
L'Abbé Prévost indique à l'intention de son lecteur, dans l'Avis de l'auteur :
« Outre le plaisir d'une lecture agréable, on y trouvera peu d'événements qui ne
puissent
servir à l'instruction des mœurs ; et c'est rendre, à mon avis, un service considérable
au
public, que de l'instruire en l'amusant.
».
C’est la morale, les préjugés et le conservatisme de l’époque qui mettent en....
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Quels intérêts présentent les différentes sortes d'apologues dans le combat des idées ou la critique de société ?
- Alain-Fournier, dans son roman, Le Grand Meaulnes, fait dire à l'un de ses personnages : « Et puis j'apprendrais aux garçons à être sages... Je ne leur donnerais pas le désir de courir le monde... Je leur enseignerais à trouver le bonheur qui est tout pr
- Les Goncourt ont écrit dans leur journal : Voltaire est immortel et Diderot n'est que célèbre. Pourquoi ? Voltaire a enterré le poème épique, le conte, le petit vers, la tragédie. Diderot a inauguré le roman moderne, le drame et la critique d'art. L'un e
- A travers le roman et l'adaptation filmique de Frears des Liaisons Dangereuses, comment expliquer que tant de personnages se dévoilent et se confessent, alors que dans un contexte religieux et culturel du XVIIIe siècle, seul un homme d'église est habilit
- Le seul service que l'art peut rendre à la société, c'est de lui permettre de douter d'elle-même. Qu'en pensez-vous ?