OBJET ‘ÉTUDE : LE THÉÂTRE DU XVIIÈME AU XXIÈME SIÈCLE Explication de texte n°9 : M arivaux, Les Fausses confidences , I, 2, (1737)
Publié le 27/03/2023
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OBJET ‘ÉTUDE : LE THÉÂTRE DU XVIIÈME AU XXIÈME SIÈCLE
Explication de texte n°9 : M arivaux, Les Fausses confidences , I, 2, (1737)
Auteur : En 1737, Marivaux, âgé de cinquante et un ans, connaît un certain succès depuis une quinzaine d’années pour son œuvre romanesque mais avant tout pour son œuvre théâtrale.
Ce sont
ses pièces écrites pour le Théâtre-Italien qui marquent la singularité de l’auteur, quand il renouvelle la comédie sentimentale (La Surprise de l’amour en 1722, Le jeu de l’amour et du hasard en
1730 et bien d’autres pièces) ou encore quand il explore les thèmes sociaux (inégalités dans L’Île des esclaves en 1725 ; statut des femmes dans La Nouvelle colonie en 1729 par exemple).
Œuvre et passage : Les Fausses confidences est sa vingt-septième pièce, la dernière de ses comédies en trois actes.
Marivaux y approfondit brillamment l’analyse du sentiment amoureux à travers
la mise en place d’une intrigue riche en stratagèmes et faux-semblants.
Il y approfondit également la question sociale, notamment le poids de l’argent, de plus en plus pesant à ce moment du
siècle.
L’histoire est celle d’un jeune homme pauvre, Dorante, qui veut épouser une jeune veuve fortunée, Araminte, et qui y parvient avec l’aide d’un valet intriguant, Dubois.
La deuxième scène
de l’acte I, place le spectateur en présence de Dorante et Dubois dont il découvre les personnalités contrastées.
Se dessine également le portrait d’Araminte à travers le discours des deux hommes.
Problématique : Nous nous demanderons comment cette scène d’exposition dévoile le caractère des personnages principaux, amorce les stratagèmes qui structurent l’intrigue et fixe l’esthétique
de la pièce.
TEXTE
ÉTUDE LINÉAIRE
Titre : À travers l’expression des doutes de Dorante, amoureux désargenté, Marivaux donne au spectateur les informations essentielles
DORANTE.
− Cette femme-ci a un rang dans le
monde ; elle est liée avec tout ce qu’il y a de mieux,
veuve d’un mari qui avait une grande charge dans
les finances, et tu crois qu’elle fera quelque
attention à moi, que je l’épouserai, moi qui ne suis
rien, moi qui n’ai point de bien ?
Dorante fait le portrait social de la femme convoitée
Dorante brosse le portrait de la femme auprès de laquelle il s’est fait engager en tant qu’intendant comme il l’a
expliqué à Dubois dans les répliques précédentes.
o L’adjectif démonstratif « cette » est renforcé par la particule adverbiale « ci » qui souligne le caractère
particulier que la femme revêt aux yeux de Dorante (il avait utilisé le même procédé avec « cette dame-ci »
précédemment).
La femme n’est pas nommée, ce qui crée un certain mystère et un effet d’attente chez le
spectateur.
o Son statut familial est présenté : « veuve » mais ce portrait s’intéresse avant tout au statut social du
personnage : « un rang dans le monde »/ « ce qu’il y a de mieux »/ « une grande charge dans les
finances ».
C’est d’autant plus étonnant que Dorante révèle son intention d’épouser cette femme, alors qu’il n’emploie pas le
vocabulaire des sentiments, si ce n’est à travers la proposition « elle fera quelque attention à moi », on ne sait si on
doit y lire une litote ou pas.
Cela montre à quel point il doute de sa capacité à réussir.
Dorante dessine en parallèle un autoportrait dépréciatif
o Aux atouts sociaux de la femme convoitée, Dorante oppose un autoportrait dévalorisant à travers l’anaphore
« moi qui » suivi de deux constructions parallèles.
Les deux négations « ne…rien » « n’ …point »
soulignent à quel point Dorante se dévalorise du fait de son manque d’argent.
Le choix de l’adverbe
« rien » en fonction d’attribut, indique qu’il ne se reconnaît même pas comme une personne.
A travers ce
parallélisme, il met en relation l’être et l’avoir : celui qui existe est celui qui possède.
o Dorante a besoin de l’avis de Dubois comme le montre l’interrogative à travers laquelle il sollicite le point de
vue (« tu crois….) de son ancien valet.
o La période est essentiellement construite en asyndète (hormis le « et »), les propos de Dorante ne sont pas
organisés selon une logique explicite ce qui montre le trouble du personnage qui peine à structurer et
hiérarchiser ses idées.
Titre : Dubois tente de rassurer Dorante ce qui permet au spectateur de mieux connaître son caractère
DUBOIS.
− Point de bien ! votre bonne mine est un
Pérou ! Tournez-vous un peu, que je vous considère
encore ; allons, Monsieur, vous vous moquez, il n’y
Dubois un valet énergique et sûr de lui
o
La prise de parole de Dubois contraste avec celle de Dorante : à la longue phrase interrogative de Dorante
succèdent des phrases courtes et exclamatives : phrase non verbale « Point de bien ! » ou phrase
simple « votre bonne mine est un Pérou ! ».
Le ton est ici énergique.
Habilement, Dubois reprend
a point de plus grand seigneur que vous à Paris :
voilà une taille qui vaut toutes les dignités
possibles, et notre affaire est infaillible, absolument
infaillible ; il me semble que je vous vois déjà en
déshabillé dans l’appartement de Madame.
l’argument de pauvreté qui fait douter Dorant « Point de bien ! » et y oppose implicitement l’argument en
sa faveur : le physique.
Le jeu de mot (« mine »/ « Pérou » - pays connu à l’époque pour ses mines d'or révèle le caractère enjoué de Dubois.
L’antonomase « un Pérou » laisse entrevoir l’enrichissement possible
grâce au physique avantageux.
Dubois un metteur en scène
o
Les impératifs « tournez-vous » et « allons » montrent un Dubois autoritaire envers son ancien maître.
Son idée est que l’apparence avantageuse de Dorante lui permettra de surpasser les plus riches : emploi du
superlatif + GN « grand seigneur » pour désigner Dorante : « il n’y a point de plus grand seigneur que
vous ».
Le portrait physique qu’il dresse de Dorante en dit long sur Dubois lui-même.
Pour lui, c’est le
physique qui conditionne la réussite « une taille qui vaut toutes les dignités ».
o
Le langage de Dubois est dominé par les affirmations et les hyperboles : « point de plus grand seigneur que
vous »/ « toutes les dignités possibles » / « infaillible, absolument infaillible ».
Dubois n’a aucun doute sur
le succès de Dorante comme l’indique l’indicatif dans « je vous vois en déshabillé dans l’appartement de
Madame.
».
Le verbe de perception visuelle « je vous vois » rend ce projet très concret.
Le passage prend
des allures de mise en abyme avec Dubois en double de Marivaux, mettant en scène un Dorante comédien.
L’image intime montra l’audace de Dubois et peut plaire au spectateur.
DORANTE.
− Quelle chimère !
DUBOIS.
− Oui, je le soutiens.
Vous êtes
actuellement dans votre salle et vos équipages sont
sous la remise.
DORANTE.
− Elle a plus de cinquante mille livres
de rente, Dubois.
Dorante un ancien maître en situation de faiblesse
DUBOIS.
− Ah ! vous en avez bien soixante pour
le moins.
DORANTE.
− Et tu me
extrêmement raisonnable ?
dis
qu’elle
est
DUBOIS.
− Tant mieux pour vous, et tant pis pour
elle.
Si vous lui plaisez, elle en sera si honteuse,
elle se débattra tant, elle deviendra si faible, qu’elle
ne pourra se soutenir qu’en épousant ; vous m’en
direz des nouvelles.
Vous l’avez vue et vous
l’aimez ?
DORANTE.
− Je l’aime avec passion, et c’est ce
qui fait que je tremble !
DUBOIS.
− Oh ! vous m’impatientez avec vos
terreurs : eh que diantre ! un peu de confiance ;
o
Dorante apparaît faible et ses prises de paroles sont très courtes.
Il n’est pas convaincu d’emblée par Dubois
et s’emporte, qualifiant la vision de Dubois de « chimère ».
o
Dubois feint de n’avoir rien entendu et campe sur son idée : adverbe « Oui » qui renforce l’affirmation
« je le soutiens ».
Il développe sa vision : « vous êtes actuellement »....
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