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lecture de l'incipit de Bouvard et Pécuchet de Flaubert

Publié le 22/04/2024

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« « Enjolras et ses amis étaient sur le boulevard Bourdon près des greniers d’abondance au moment où les dragons avaient chargé, » écrit Victor Hugo, dans son œuvre les Misérables.

Le ton épique hugolien, d’une journée révolutionnaire sur les barricades en 1832, fait ici place à l’ennui d’une morne journée d’été, dans l’incipit de Bouvard et Pécuchet, le dernier roman inachevé de Gustave Flaubert, publié en 1881 à titre posthume.

Caractérisée par les corrections du style et de la langue, l’écriture de Flaubert est minutieuse, et immédiatement identifiable. L’écrivain se démarque par sa considération de chaque phrase individuellement.

Celle-ci se comprend donc presque toujours comme un objet séparé, fini, presque transportable.

Il faut ainsi que l’analyse d’un texte comme l’incipit de son dernier roman tienne une attention particulière à cette phrase, au choix des mots, des sons, et à l’articulation des idées.

L’extrait étudié entame un roman qui fait le récit de deux hommes, Bouvard et Pécuchet, tous deux bourgeois.

Tous deux quittent le métier qu’ils exerçaient, de copistes, et développent le même projet : celui de s’instruire.

Ce roman est alors l’occasion pour Flaubert d’explorer et de retranscrire les avancées de son temps en différentes sciences, comme en anatomie, chimie, archéologie, mais aussi en littérature ou encore en politique ou en rapport à la religion.

Les échecs consécutifs de Bouvard et Pécuchet produisent évidemment un effet comique pour le lecteur, renforcé par la répétition des insuccès tout au long du roman.

Notamment par l’incapacité à comprendre qui demeure, malgré l’enthousiasme des deux néophytes, Flaubert mène une critique de la bourgeoisie dont ses personnages sont issus, et plus largement, de la vanité de ses contemporains.

Il semble même que lors de l’écriture, il a pu songer au sous-titre de l’Encyclopédie de la bêtise humaine. L’extrait étudié a une place cruciale dans le roman, puisqu’il s’agit de leur rencontre, et du premier portrait des personnages éponymes, et car il annonce particulièrement la tonalité comique et ironique de l’œuvre.

On ressent que le comique est au service d’une critique dès ces premières lignes, puisqu’il tourne immédiatement au ridicule les deux hommes.

Le choix de leur nom contribue à cet effet : ils semblent former un duo ridicule, caricatural, jusqu’à la complémentaire « b »/ »p » et les finales en balancement : « – ard » / « – chet ».

Cette dualité apparaît comme le noyau fondamental du roman, matrice phonétique, thématique et narrative. La narration à la troisième personne, extérieure au roman, invite aussi d’emblée le lecteur à placer dans une position de recul.

Enfin, par le thème du double que l’on devine dans le titre, et la mise en scène d’une rencontre, Flaubert joue dans ce texte avec les codes de la rencontre amoureuse, qu’il a lui même utilisé dans de nombreux romans.

A mon sens, on peut découper le texte en deux mouvements : le premier, (« jusqu’à deux hommes parurent »), correspond à un cadre réaliste stéréotypé.

Ensuite, on peut reconnaître un second mouvement, qui décrit les personnages éponymes, que j’ai nommé deux portraits grotesques. Comment l’auteur transforme-t-il un incipit conforme aux codes du roman réaliste en parodie, jouant avec le grotesque, et guide ainsi le lecteur dans un regard critique sur la bourgeoisie de son temps ? ------------------------------------------------------------------------------------------------------------------1ER MOUVEMENT : UN CADRE RÉALISTE STEREOTYPE L1 : Nous allons nous attarder sur cette première phrase, mise en valeur par un alinéa, qui annonce toute la tonalité du mouvement « comme » : conjonction qui a une valeur prépositionnelle dans la phrase : relation causale, qui par la banalité de ce qu’elle exprime, annonce le caractère parodique de l’incipit (absolument) : fait basculer à deux syllabes près la phrase dans une cadence mineure, en reprenant les phonèmes a, b, o, m de la phrase = insiste sur une forme d’absurdité à un mot aussi fort pour parler du vide la rue, une banalité. le choix du nombre 33, pour exprimer une forte température est, sous la plume de Flaubert, évidemment à questionner: - poursuit assurément le caractère parodique, en ajoutant une précision hyperbolique, presque comique - « Trente-trois » est particulièrement sonore annonce l’allitération en « r » Cette propagation générale des vibrantes (trente-trois, degrés, boulevard, Bourdon, se trouvait, désert qui permet d’écouter toute cette première phrase comme une expansion littérale du mot chaleur, qui culmine par le mot « réverbération » (l7) - « 33 » introduit aussi l’isotopie de la binarité, en redoublant le chiffre 3, reprise par le « boulevard Bourdon », qui se poursuit avec les « deux écluses », les « deux rangs », annonçant grossièrement l’arrivée des « deux hommes ». La phrase se démarque : Sa clausule enchaîne sur le contre-accent qui ouvre le second paragraphe (« Plus bas »), établissant une tension entre la rupture de l’alinéa et la continuité rythmique. « faisait », « trouvait » : le sentiment de monotonie est renforcé par l’utilisation de verbes courants, qui conjugués à l’imparfait, évoquent un temps long, vide d’action : Le texte crée une attente par l’énonciation du vide, qui appelle l’événement d’une rencontre inscription dans les stéréotypes du cadre réaliste : Formes, couleurs, toponymie Flaubert inscrit l’action dans le décor parisien (boulevard Bourdon, canal Saint-Martin, Bastille, Jardin des Plantes) Il joue avec les codes réalistes également par une sur-mobilisation du champ lexical de l’espace « ligne droite », « au milieu », « se trouvait », que « séparent », « entre »… Enfin, on peut noter que les descriptions constitue une hypotypose qui parodie la tonalité épique Le narrateur met en contraste « le désœuvrement du dimanche » (l10), l’atmosphère qualifiée d’« engourdi », avec le mouvement du paysage : décrit par grands pans « découpés » (l7), évoque un sentiment d’angoisse devant la séparation des éléments du décors (« L6 » : chantiers du ciel pur). Disjoint, anguleux (« plaques d’outremer » L7) : le lecteur se trouve enfermé «par deux encluses L3», mais aussi sinistre « couleur d’encre », presque hostile (matériaux froids, comme le « granit », ou l’« ardoise », et l’agressivité de la lumière. caractère déceptif des premières lignes pour le lecteur : ce qui est posé d’abord ce ne sont pas les personnages éponymes du roman, ni leur rencontre, mais la chaleur et la solitude du boulevard Bourdon, et, implicitement, la dualité. -----------------------------------------------------------------------------------------------------------------2EME MOUVEMENT : DEUX PORTRAITS GROTESQUES « Deux hommes parurent » -phrase courte, rupture avec le rythme des phrases précédentes. -parodique car réécriture de sa fameuse.... »

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