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Etude transversale : les plaisirs du spectacle dans la comédie du Malade imaginaire.

Publié le 11/06/2023

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« Etude transversale : les plaisirs du spectacle dans la comédie du Malade imaginaire. Le Malade imaginaire n’est pas une simple comédie en prose et en trois actes.

Molière l’a conçue comme un projet plus ambitieux de comédie-ballet, incluant entre chaque acte des intermèdes mis en musique par MarcAntoine Charpentier et chorégraphiés par Pierre Beauchamp.

La pièce a été d’abord jouée en février 1673 au théâtre du Palais Royal, mais elle était destinée à être représentée devant la cour à l’occasion de fêtes somptueuses données en l’honneur du roi et de ses victoires militaires.

La mort subite de Molière a suspendu les représentations et la pièce ne sera finalement jouée à Versailles qu’après sa mort.

Mais il est important d’étudier le projet global et festif que Molière avait mis au point dans le but d’éblouir le roi et son entourage.

Il faudra donc étudier les interactions entre les trois actes de la comédie, les prologues qui les introduisent, les intermèdes qui les séparent ou les concluent, afin de comprendre comment Molière prévoyait d’offrir à son public un grand moment de réjouissance et de plaisir à l’occasion d’un spectacle complet et somptueux. On examinera successivement trois niveaux essentiels sur lesquels Molière a travaillé pour faire de sa comédie un spectacle entraînant et captivant : I. Les ressorts d’une intrigue comique II. Les prestiges de la comédie-ballet III. Les vertiges de l’illusion théâtrale I/ Les ressorts de l’intrigue comique Quels ressorts comiques font de cette pièce un spectacle qui va provoquer le rire du spectateur ? 1) Le comique relatif à la scatologie (le bas corporel : n’oubliez pas qu’Argan est prétendument malade et que les remèdes de l’époque se limitent essentiellement à purger l’organisme de ses humeurs malsaines en recourant à des lavements) : - Argan est assis sur sa chaise percée (siège qui faisait office de toilettes) lorsqu’il fait ses comptes dans la scène d’exposition.

En effet, lorsque Toinette intervient à la scène suivante, il lui demande : « Otemoi ceci, coquine, ôte-moi ceci.

(Argan se lève de sa chaise.) Mon lavement d’aujourd’hui a-t-il bien opéré ? ».

A plusieurs reprises, le lavement fait si bien son effet qu’il oblige Argan à interrompre une conversation pour se précipiter aux toilettes (fin de I, 3 : conversation avec Angélique et fin de III, 1 : conversation avec Béralde). - Les noms des médecins ont des connotations scatologiques : M.

Purgon fait penser à la purge et aux remèdes laxatifs qu’il aime prescrire ; le nom de M.

Fleurant, l’apothicaire, renvoie au verbe fleurer, « sentir » (sur un plan olfactif).

Or M.

Fleurant est spécialiste des lavements et de l’examen des selles qui en résultent, comme Toinette le fait remarquer à Argan (I, 2 : « Ma foi ! je ne me mêle point de ces affaires-là, et c’est à M.

Fleurant à y mettre le nez, puisqu’il en a le profit »).

Quant à M. Diafoirus, le nom est construit sur le mot « foire », synonyme de diarrhée. - formule ironique de Béralde à l’encontre de M.

Fleurant, l’apothicaire dont l’un des remèdes favoris consiste à administrer des lavements via un clystère dans les fesses de ses patients : « On voit bien que vous n’êtes pas accoutumé de parler à des visages » (III, 4). 2) Comique de gestes (le comique naît de ce que fait un personnage) : - Argan poursuit Toinette avec son bâton quand elle le défie au sujet du mariage d’Angélique (fin I, 5) ; Toinette se venge en donnant des coups d’oreiller à Argan en présence même de Béline qui ne s’aperçoit de rien (I, 6). - Argan poursuit Louison pour la fouetter si elle ne dit pas la vérité (II, 8). - Toinette recourant au mime et ne faisant qu’ouvrir la bouche sans parler parce qu’Argan lui a demandé de parler bas afin de ne pas lui « ébranler le cerveau » (II, 2). 3) Comique de mots (le comique naît de ce que le personnage dit) : - les insultes qu’Argan adresse régulièrement à Toinette en braillant après elle, par exemple à la fin de la scène d’exposition. - le pseudo langage scientifique utilisé par les Diafoirus, et qui n’est qu’un galimatias transposé du latin, comme le « parenchyme splénique » ou les « méats cholidoques » à la fin de la scène II, 6. - La cacophonie : scène II, 5 lorsqu’Argan et Diafoirus parlent en même temps, s’interrompent pour se laisser parler mais finalement recommencent à parler en même temps. 4) Comique de situation (le comique naît de la situation dans laquelle se trouve un personnage) : - Quiproquo d’Angélique croyant que son père veut la marier à Cléante, avant de comprendre qu’il parle de Thomas Diafoirus. Document réalisé par Mme Anne-Noellia Carrols, professeure agrégée, lycée Cocteau à Miramas - Quiproquo de Thomas croyant s’adresser à Béline alors qu’il parle à Angélique Personnages qui changent d’habit ou d’identité, comme Cléante se faisant passer pour le maître de musique (II, 5) ou Toinette pour un médecin (III 8), avec à chaque fois Argan qui tombe dans le panneau malgré son caractère suspicieux. Le comique de caractère est aussi présent : la stupidité de Thomas Diafoirus, la vanité de son père, la crédulité d’Argan, le despotisme de M.

Purgon, l’effronterie de Toinette… Mais ce comique-là peut être saisi indépendamment du spectacle : la simple lecture des répliques en fera ressortir toute la saveur.

Il n’en va pas de même, en revanche, des ressorts comiques énumérés précédemment.  Cette comédie est bien un spectacle : pour produire tous ses effets et prendre tout son sens, elle a besoin d’être vue par le spectateur, montrée et interprétée par des acteurs qui se déplacent, se déguisent, adoptent une certaine gestuelle, donnent à leurs propos une certaine intonation, un certain rythme, se mettent à chanter, à crier, à pleurer… On peut comprendre le sens général de la pièce en la lisant et en se contentant du texte écrit (répliques et didascalies).

Mais on perd une grande partie du plaisir en se privant de la représentation et du spectacle donné sur scène.

Pour faire rire (mais rire vraiment, au-delà d’un simple sourire de connivence, rire d’un bon éclat de rire qui libère les tensions), la comédie a besoin d’être portée par un spectacle visuel, rythmé, sonore.

N’oubliez pas que Molière s’inspire fortement, dans toutes ses créations, du travail des Comédiens italiens dont il partage la salle de théâtre octroyée par le roi.

Or la commedia dell’arte est un genre très peu écrit (seule une trame dessine les grandes lignes du scénario) et laisse une large part à l’improvisation des acteurs, à leurs jeux de scènes 1, leur talent comique, leurs acrobaties.

La comédie est d’abord la mise en scène des corps, par les mimiques, les grimaces, la gestuelle, les habits – et le Malade imaginaire est justement une pièce qui, à travers la médecine, réfléchit sur le corps.

Ce qu’on ne peut qu’imaginer à la lecture du texte se réalise pleinement grâce au spectacle. II/ Les prestiges de la comédie-ballet : un spectacle démultiplié par les prologues et les intermèdes 1) Une comédie enchâssée (=emboîtée) dans un double spectacle pastoral Premier prologue : églogue (poème pastoral) qui met en scène : - deux couples de bergers, Climène et Tircis, Daphné et Dorilas, - deux divinités de la nature, Flore et Pan, - et toute une troupe de bergers et bergères anonymes. Les deux bergers sont en train de faire la cour à leurs bergères quand ils sont interrompus par Flore, déesse du printemps qui annonce une heureuse nouvelle : le roi Louis rentre victorieux de ses campagnes militaires : « Il ramène en ces lieux les plaisirs et l’amour ».

On voit que le retour de Louis dans son royaume coïncide avec le retour du printemps, comme si l’absence du roi soleil faisait régner l’hiver sur le royaume.

Or la pièce est jouée en février, au sortir de l’hiver : les réjouissances annoncent celles du printemps.

Pour fêter les combats victorieux de Louis, les deux bergers se lancent dans un combat poétique, un concours d’éloquence où chacun rivalise d’éloges pour le roi.

Chaque bergère promet son amour à son berger s’il gagne le combat.

Flore promet au vainqueur une couronne de fleurs printanières.

Mais le dieu Pan interrompt le concours pour dire qu’au lieu de célébrer ses victoires militaires, le roi préfère qu’on se consacre à ses « plaisirs ».

« Laissons, laissons là sa gloire, / Ne songeons qu’à ses plaisirs ».

En quoi consistent les plaisirs du roi ? Qu’est-ce qui peut lui changer les idées, le délasser de ses efforts militaires ? Ce sera précisément la comédie du Malade imaginaire, qui va le faire rire2. La dernière didascalie nous indique : « Faunes, Bergers et Bergères, tous se mêlent, et il se fait entre eux des jeux de danse, après quoi ils vont se préparer3 pour la Comédie ».

Le Malade est donc un spectacle qui vient s’insérer dans un premier spectacle.

Les personnages.... »

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