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Etude Linéaire les Regrets Du Bellay Sonnet 150

Publié le 05/11/2023

Extrait du document

« En 1558, Henri II traversa les dernières années de son règne.

À sa cour, un esprit courtisan prédominait déjà, où il était essentiel de se faire aimer du prince et de ses favoris - ou de sa favorite, Diane de Poitiers.

Cependant, le poète de la « Pléiade », Joachim du Bellay, qui avait également acquis de l'expérience au sein des cours italiennes lorsqu’il accompagna son oncle le cardinal Jean du Bellay à Rome, ne se contente pas de laisser transparaître cette ambiance de manière incidente : il s'y attaque de front, dans Les Regrets, qu'il publia dès son retour de Rome. Le recueil les Regrets de Du Bellay est composé de cent quatre-vingt-onze poèmes, plus précisément des sonnets.

Il s’agira d’étudier le sonnet 150 des Regret.

Ce dernier se compose de quatre strophes : deux quatrains et deux tercets.

Cette structure formelle contribue à l'organisation de la pensée et à la musicalité du poème.

Chaque strophe possède un nombre fixe de syllabes.

Le sonnet 150 est écrit en décasyllabes.

Nous notons également un travail sur les rimes : Des rimes embrassées et suffisantes, masculines mais également féminines en alternance. Le sonnet en alexandrins « Seigneur, je ne saurais regarder d'un bon œil... », dénonce l'esprit courtisan, en montrant d'abord, dans les quatrains, leur servilité répugnante, puis, dans les tercets, que cette servilité atteint un niveau d’hypocrisie, de sottise et du ridicule le plus vil.

En effet lors de son voyage, Joachim Du Bellay se retrouve finalement déçu par les coulisses du Vatican. Parallèlement se met en place une cour autour du roi en France au XVI ème siècle.

La royauté est beaucoup moins itinérante, et depuis François ler, souhaite briller par sa cour.

Le sonnet en décasyllabes présenté a donc pour objet la critique des courtisans par la satire. Nous en venons à se poser la question suivante : Comment Du Bellay dénonce-t-il la servilité et l’hypocrisie des courtisans pas la satire ? Nous on y répondront en suivant le mouvement du texte: nous verrons d’abord, dans les quatrains, l’exposition des imitateurs serviles ; nous verrons ensuite comment, dans les tercets, l’hypocrisie des courtisans les rend ridicules. Le propre d’un courtisan, c’est d’être servile, c’est évident.

Mais la façon dont Du Bellay présente leur servilité la rend terriblement répugnante.

Tout d’abord, l’interpellation initiale, « Seigneur » donne le sentiment que Du Bellay destine son sonnet à un aristocrate de la cour, un roi, un duc, ou à un autre grand seigneur qui a lui-même une cour de courtisans : il se place ainsi en quelque sorte à égalité avec celui-ci pour regarder les courtisans de haut.

Ce premier mot souligne d’entrée l’importance du poème.

D’autre part, le premier vers lui permet d’insister sur le sentiment personnel qu’il éprouve en les regardant, puisqu’il s’agit d’un regard qu’il porte en personne sur les courtisans « je » (v1).

« […] je ne saurais regarder d’un bon œil » : Il ne s’agit pas seulement d’une satire générale des courtisans, mais aussi l’expression d’un sentiment profond.

C’est pourquoi nous pouvons affirmer que les courtisans apparaissent ici comme véritablement répugnants : il ne s’agit pas seulement d’une pensée, mais de sentiment.

La litote garde néanmoins une certaine mesure dans le ton.

En effet, on sent que Du Bellay s’apprête à critiquer certains points. La présence du champ lexical de l’observation « regarder/ œil », de l’adjectif épithète « bon » et l’emploi de la négation appuient l’idée que Du Bellay s’apprête à formuler une observation critique.

De plus, semble en employant l’expression « d’un bon œil » faire part d’un témoignage, qui ancre ses observations dans le réel. Le vers 2 commence par une métaphore animalière péjorative « Ces vieux singes de cour ».

A travers le pronom démonstratif « ces », le poète manifeste son regard étranger par rapport à la cour qu’il observe.

Ceux qui la composent, c’est-à-dire les courtisans sont en effet désignés de manière hyperbolique et caricaturale par la périphrase « vieux singes ».

Il exprime déjà son opinion désapprobatrice : ils sont « vieux », ce qui peut autant renvoyer à l’âge, qu’à leur comportement.

La métaphore du singe dévoile leur pratique mimétique, autrement dit leur tendance à l’imitation ( le verbe singer veut dire imiter).

Le second hémistiche du vers , c’est-à-dire la proposition subordonnée relative explicative « qui ne savent rien faire » écrit au présent de vérité générale, émet un jugement définitif sur leur inutilité.

Tous les courtisans sont désignés comme incapables, il n’y a aucune exception et ceci ne peut être contredit.

Cette métaphore est d’ailleurs particulièrement comique, parce que l’image est à le fois tout à fait absurde et tout à fait vraie.

Elle est vraie parce que l’on sait que les singes savent particulièrement bien imiter les humains, qu’ils savent tout faire comme les humains.

Elle est absurde et donc cocasse parce que Du Bellay amène le lecteur à imaginer une cour véritablement remplie de singes.

Du Bellay y ajoute l’idée qu’hors imitation, les courtisans sont parfaitement incapables : on sent à travers l’hémistiche « qui ne savent rien faire », le plus souverain mépris à l’égard de l’impéritie et de la sottise des courtisans. Dans le troisième et quatrième vers, Du Bellay fournit deux exemples précis du caractère imitateur des courtisans.

Premièrement, dans le vers « Sinon en leur marcher les princes contrefaire », on y retrouve une épanorthose.

En effet, de manière contradictoire avec le vers précédent et par la conjonction de concession « sinon », Du Bellay précise tout de même l’occupation des courtisans qui est celle d’imiter les grands de la cour.

Dans ce vers, les princes sont définis comme les maîtres des courtisans, les propriétaires des singes.

Ils imitent donc la démarche de leur maître, mais cette reproduction est imparfaite.

En effet, c’est ce que marque l’emploi du verbe « contrefaire ».

Par ailleurs, « contrefaire » rime avec « ne savent rien faire ».

Ainsi, à part imiter, les courtisans ne savent rien faire.

Ils sont donc comiques comme est comique un singe qui « fait » l’humain.

On voit même ces singes vêtus de riches habits grâce à l’image proposée par Du Bellay dans le vers « Et se vêtir, comme eux, d’un pompeux appareil » où un deuxième exemple est délivré.

En plus de la démarche, c’est l’habillement qui est copié « vêtir ».

L’emploie du comparatif « comme » renforce la volonté d’imitation ainsi que le lien de subordination des courtisans.

« Pompeux » est un adjectif qui signifie de manière prétentieuse, avec beaucoup de recherches.

Le terme « appareil », quant-à-lui désigne l’ensemble de la tenue vestimentaire.

« Le pompeux appareil » dont ils se vêtent paraît d’autant plus ridicule qu’on en imagine dépasser de longs poils noirs de chimpanzés.

L’allitération en p dans le groupe nominal « d’un pompeux appareil » exprime le sur-trop de leur imitation et la bouffonnerie de leurs habits. Après avoir dépeint, dans ce premier quatrain les courtisans qui ne vivent que dans l’apparence , ou même par l’apparence de leur seigneur qu’ils cherchent à imiter, Du Bellay caricature ici leur servilité de jugement. Les vers 5 et 6 du deuxième quatrain sont construits avec une anaphore.

Par la conjonction de subordination « Si/S’il » qui exprime la condition et qui sera répétée tout au long du texte, Du Bellay donne des exemples, des preuves sur la description de ses observations des courtisans.

Dans ce premier vers, le poète utilise un terme encore plus fort que « prince », celui de « maitre ».

Les courtisans sont bel bien des êtres non-libres, presque des animaux.

Le parallélisme avec la césure à l'hémistiche rend encore une fois extrêmement visible l’imitation: « Si leur maître se moque, ils feront le pareil, » Et à nouveau, le poète généralise son propos par le pronom personnel « ils » reflétant ainsi l’effet de masse.

Dans le vers « S'il ment, ce ne sont eux qui diront le contraire, », la litote sert à exposer la lâcheté de ces êtres soumis.

En effet, bien loin d'oser désapprouver la parole fausse de leur maître, ils la font vérité.

De plus, l’antithèse et la rime entre les deux termes opposés « pareil » et « contraire » insiste bien sur le fait que les courtisans imitent même les défauts. Enfin, les deux derniers vers du quatrain achèvent de montrer leur servilité : « afin de lui complaire » (v.7).

Le but des courtisans est de se rendre favorable aux désirs des maîtres.

Ils veulent se rendre agréable à leur maître, et ceci par n’importe quel moyen, même le plus ridicule comme l’énonce le vers suivant.

De plus, leur aptitude à mentir et à imiter servilement est dénoncée par un exemple hyperbolique .

En effet, les courtisans seraient, d’après Du Bellay, capables de défendre ce qui est physiquement impossible : voir « La lune en plein midi, à minuit le soleil ».

Mais si l’hyperbole est particulièrement efficace, c’est d’une part qu’elle est très imagée.... »

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