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Comment la pièce Juste la fin du monde de Jean-Luc-Lagarce donne-t-elle à voir des personnages en crise ?

Publié le 24/03/2024

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« Comment la pièce Juste la fin du monde de Jean-Luc-Lagarce donne-t-elle à voir des personnages en crise ? INTRODUCTION Duchaste disait « La parole fait événement : elle détraque les pensées avant de secouer les corps ».

C’est ce que montre l’œuvre de Jean Luc Lagarce Juste la Fin du Monde publiée en 1999.

Dramaturge, poète et écrivain universel du 20ème siècle aujourd’hui il est l’auteur contemporain le plus joué en France et son œuvre est traduite en plus vingt-cinq langues.

Son écriture lui a permis d’apprendre à vivre et à mourir, atteint de Sida il meurt jeune à l’âge de 38 ans.

La pièce composée en deux parties raconte le retour de Louis, 34 ans qui va mourir et décide de retourner voir sa famille après une longue absence de 12 ans pour leur annoncer la nouvelle.

Au cours de la pièce on témoigne d’une crise personnelle et familiale entre Louis son petit frère Antoine, sa sœur Suzanne et leur mère.

En effet, le théâtre de Lagarce est le théâtre de la parole où les silences de Louis incarnent l’échec de cette parole.

Ainsi, dans son œuvre il rompt avec les étapes traditionnelles du théâtre et la parole tient lieu d’action. ANALYSE DU SUJET Le pronom interrogatif du sujet : « Comment » suggère que les personnages sont en crise donc on cherche à démontrer de quelle manière, pour quelle raison, et par quel moyen ils sont en crise.

Crise a deux sens étymologiques.

Un sens médical et un sens usuel.

Le sens médical signifie : « un ensemble des phénomènes pathologiques se manifestant de façon brusque et intense, mais pendant une période limitée » (dictionnaire CNRTL) .

En revanche, le sens usuel dans le théâtre désigne : « le nœud de l'action dramatique, caractérisé par un conflit intense entre les passions, qui doit conduire au dénouement ». (dictionnaire CNRTL) On peut aussi parler de crise identitaire, crise de folie, crise de nerfs, crise de jalousie, crise d’adolescence, piquer une crise, crise de la trentaine, crise économique, crise de la civilisation… En outre, le mot crise est utilisé dans le langage soutenu comme dans le langage familier et dans plusieurs domaines dont la littérature pour désigner l’évolution soudaine d’un état psychologique ou d’une intrigue.

De plus, les personnages dans la pièce sont une famille donc la crise est associée à l’état psychique des personnages et leurs relations familiales.

Néanmoins, on sait que Lagarce est sceptique face à la parole.

La crise des personnages se reflète donc aussi dans le langage, la capacité de communiquer.

Ainsi, le sujet nous invite à nous demander si : La pièce Juste la fin du monde de Jean-Luc-Lagarce donne à voir des personnages en crise ? PROBLEMATISATION Nous pouvons nous poser la question suivante : Comment l’œuvre Juste la fin du monde de Jean-Luc-Lagarce illustre-t-elle une crise personnelle et familiale à travers une crise du langage ? ANNONCE DU PLAN Tout d’abord, nous verrons en quoi les personnages subissent des crises personnelles. Puis, nous étudierons la crise familiale et enfin, nous analyserons la parole en crise chez Lagarce. I/ Crise personnelle 1/ Une crise fixe 2/ Une crise en mouvement 3/ Des identités fluctuantes I/ Crise personnelle 1/ Une crise fixe Louis en tant que personne statique choisit le silence plutôt que la parole.

Même s’il veut annoncer sa mort au début de l’œuvre il ne le fait pas car il veut que les autres membres de sa famille puissent parler comme s’il n’allait pas mourir.

En effet, annoncer sa mort aurait biaisé le retour car on ne peut pas s’énerver contre un mourant.

Ainsi Louis même si c’est le personnage principal, choisit de garder le même statut au cours de la pièce : celui du protagoniste mourant silencieux qui écoute pour entendre l’autre, l’aimer et, peut-être, être aimé. Le retour de Louis représente aussi le retour du fils prodigue car Louis est admiré par sa famille.

Cela le limite à l’image de l’enfant avec un don celui de l’écriture, « ce don » qui ne se sent pas aimé, qui est seul et qui est abandonné.

Même si la solitude est son choix.

Par conséquent, il s’agit du retour de la victime, du voyageur de la « bonté même ».

C’est cette image qu’incarne Louis au cours de l’œuvre et c’est pour cela que Catherine Brun dit que « Louis est une figure intouchable ». Largarce insiste sur le paradoxe que crée Louis lorsqu’il parle de sa solitude.

Notamment, dans la scène cinq de la première partie au cours de laquelle Louis fait son deuxième monologue.

Dans ce monologue il exprime ce paradoxe : il souffre car il est seul mais il s’est isolé « on m’abandonna, car je demande l’abandon » il le redit différemment plus tard : « on m’abandonna toujours…. Parce qu’on ne saurait m’atteindre, me toucher ».

Grâce à ce passage on note que les raisons de cette solitude sont : Tout d’abord, il n’est pas en présence physique de sa famille, il a mis de la distance entre eux et lui.

Ensuite, il ne correspond pas au mythe de fusion des corps et des cœurs avec les membres de sa famille.

Enfin, Il éprouve un sentiment de solitude quel que soit le nombre de personnes qui l’entourent.

Cependant, la crise est visible car non seulement il prend conscience de ce paradoxe mais il ne dit même pas pourquoi il recherche cette solitude qui pourtant le fait souffrir « je n’aime personne et je suis solitaire ».

L’homosexualité de Louis qui est l’un des non-dits de la pièce autour duquel tournent certains des échanges est sans doute la cause de cette volonté d’éloignement.

S’éloigner, c’est échapper au jugement de l’autre, c’est se protéger.

On peut le comprendre dans une relation familiale qui peut être pleine d’attente, de tabous et de déceptions.

Louis adopte donc une position fixe loin de sa famille pour plus de douze ans. En effet, cet éloignement a fait que Louis sait qu’il est déjà mort pour les autres car il s’est isolé même si sa famille ne sait pas encore la nouvelle.

Son départ les a forcés à l’aimer, sans le voir, comme l’on ferait d’un défunt.

C’est pour cela qu’au cours de la pièce on a l’impression qu’il est là sans être là.

Notamment pendant l’ « Intermède » lorsque tout le monde le cherche mais il ne répond pas. 2/ Une crise en mouvement Antoine est un des seuls personnages en mouvement dans toute la pièce.

En effet, les personnages ont du mal à être dans le présent, d’où l’abondance du passé composé, ou du futur.

Car on contemple toujours un autre temps, les souvenirs ou l’anticipation de l’avenir. Dans la scène 3 de la deuxième partie Antoine parvient à faire une tirade.

C’est une partie clé de l’œuvre car pour la première fois, l’un des personnages est dans le présent en train de parler à quelqu’un en face de lui, ici Louis Antoine veut toujours fuir, il ne reste jamais en place.

Il est opposé à son frère Louis, silencieux et statique.

Antoine est bruyant, il parle beaucoup car il n’arrive pas comme son frère à rester dans le silence. Antoine est une personne qui ne supporte pas d’être figé sous l’étiquette du frère brutale d’où ses répliques : « brutal », je ne voulais pas être brutal, je ne suis pas un homme brutal, ce n’est pas vrai, c’est vous qui imaginez cela, vous ne me regardez pas, vous dites que je suis brutal, mais je ne le suis pas et ne l’ai jamais été » et « Je suis un peu brutal ? Pourquoi tu dis ça ? Non.

Je ne suis pas brutal.

» lorsque Catherine lui dit « tu es un peu brutal {…} parfois tu es un peu brutal » or ses actions et son langage le sont notamment quand il dit à Louis « Tu me touches : je te tue.

» Le théâtre c’est l’art de montrer.

En effet, le genre théâtral valorise la mimésis que la mise en scène permet de mettre en valeur. La représentation cinématographique de la pièce par Xavier Dolan par exemple permet d’illustrer d’avantage le mouvement d’Antoine qui s’oppose à la fixité de Louis par les paroles et les gestes. Louis ne bouge pas beaucoup il marche lentement et son visage reste figé sauf pour « ces deux ou trois mots » et son « petit sourire ». Antoine parle fort il touche les autres personnages il bouge constamment dans tous les sens et menace même de frapper Louis. On retrouve cette notion de crise personnelle en mouvement dans le film « The Father » (le père) de Florian Zeller. La fille de son père atteint d’une maladie bouscule tout dans sa ville dont sa relation conjugale pour s’occuper de son père en l’accueillant chez elle.

Elle essaye de tout changer pour que son père soit heureux mais il ne l’est jamais. Le père subit malgré lui une crise personnelle.... »

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