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A une passante Baudelaire

Publié le 26/06/2023

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« Baudelaire, Les Fleurs du Mal « À une passante » Commentaire linéaire Introduction Le texte que nous nous proposons d’étudier est le poème A une passante dans la deuxième section intitulée Tableaux Parisiens du recueil de poèmes Les Fleurs du mal publié en 1857 par Charles Baudelaire, un des plus grands poètes français du 19e siècle. Ce que vous ne savez peut-être pas, c’est que Baudelaire a été critique d’art.

Il a notamment beaucoup admiré un artiste de son époque, Constantin Guys.

Ce peintre capte des instants éphémères, représente ses contemporains, dans les costumes de l’époque, dans la rue, au théâtre, accoudés au rebord des fenêtres.

Cette rencontre change sa vie à jamais.

Mais surtout sa conception de l’art.

Et il en profite pour définir sa propre conception de la beauté moderne, une conception qu’il emprunte au peintre : Le Beau est toujours composé [...] d’un élément éternel et d’un élément relatif, circonstanciel. Ici, présentation du parcours vite fait : Dans l’Ébauche d’un épilogue pour la deuxième édition des Fleurs du mal (1861), il affirme : Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or.” Comme l’alchimiste qui cherche à retrouver les secrets enfouis, Baudelaire voit dans la poésie non pas le moyen d’extraire les fleurs du mal, mais d’idéaliser la réalité grâce à la magie des mots afin de transfigurer le réel corrompu en parole poétique. La deuxième partie des Fleurs du Mal, après Spleen et Idéal, s’appelle « Tableaux Parisiens »: le poète va chercher dans la ville cette sorte de beauté qui peut seule le sauver du spleen.

La passante devient alors une allégorie de cette beauté paradoxalement éternelle et transitoire, atemporelle et circonstanciée, dans un poème qui constitue un véritable manifeste esthétique. Problématique Comment Baudelaire met-il en scène cette rencontre impossible, de manière à illustrer sa propre conception de la recherche esthétique ? Annonce du plan : Dans un premier temps, nous parlerons… Tu mets le plan de ta prof Premier mouvement : La mise en scène d’une rencontre La rue assourdissante autour de moi hurlait. Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse, Une femme passa, d'une main fastueuse Soulevant, balançant le feston et l'ourlet ; Agile et noble, avec sa jambe de statue. C’est un sonnet canonique : deux quatrains, deux tercets, qui font en tout 14 vers.

Les rimes féminines sont celles qui se terminent avec un -e muet.

D’abord les rimes masculines embrassent les rimes féminines, puis c’est l’inverse… Cela évoque bien la rencontre entre deux personnages, et en même temps, un basculement de situation ! Pour les tercets, nous avons une rime croisée et une rime plate : vous verrez que cela correspond à un moment de basculement pour le premier tercet et une pointe pour le deuxième tercet : Baudelaire utilise cette forme du sonnet pour mieux mettre en scène cette rencontre fugace. Le premier vers nous met tout de suite dans une situation en mouvement avec la première personne au cœur d’un complément circonstanciel de lieu : « la rue assourdissante autour de moi hurlait ».

C’est une hypotypose : donner à voir une scène animée et frappante. Cette rue n’est pas décrite, pas nommée, elle est tout de suite comme gonflée par l’adjectif très long « assourdissante » et personnifiée par le verbe « hurler » : une chose inanimée devient un personnage.

« Autour de moi » Baudelaire crée une sorte de monstre moderne qui engloutit le poète : cet engloutissement nous donne bien à voir, à entendre, à sentir. « Une femme passa » c’est le seul passé simple du poème, pour une action unique et soudaine dans le passé.

Tous les autres verbes convergent vers elle : « Hurlait » est un imparfait de description.

Tandis que les deux participes présents « soulevant, balançant » inscrivent les actions dans la durée.

C’est un mouvement figé dans le temps, comme un cliché photographique. Le rythme de la syntaxe accentue cet effet de ralentissement, avec des adjectifs, « longue, mince » puis un complément circonstanciel « en grand deuil » et carrément une incise « douleur majestueuse », qui renvoient à la même chose « Une femme » le sujet du verbe « passer », qui est ainsi retardé pendant un vers entier.

L’effet d’attente est frappant. L’adjectif « Longue », en première position, est étrange pour décrire une femme.

C’est une hypallage : il devrait qualifier plutôt la rue, ou le passage lui-même.

Cette confusion met en scène le déplacement du regard, la silhouette de cette femme est comme distendue par le mouvement.

Baudelaire s’intéresse beaucoup à la photographie, qui connaît un grand essor en ce milieu de XIXe siècle. Dans cette deuxième partie des Fleurs du Mal, « Les Tableaux Parisiens », Baudelaire insiste sur des images modernes Il n’hésite pas à prendre la rue comme cadre d’un poème.

On est loin des Méditations Poétiques de Lamartine, avec les paysages état-d’âme du Lac et du Vallon, qui représentent les thèmes privilégiés du romantisme. Regardez le lexique utilisé : « le feston et l’ourlet » ce sont deux détails du manteau, qui esquissent comme une gravure de mode.

On retrouve bien ici les motifs du peintre de la vie Moderne, les fameuses aquarelles de Constantin Guys. « douleur majestueuse » c’est presque déjà un nom propre, il manque juste la majuscule, mais on rejoint l’allégorie (la représentation personnifiée d’une idée abstraite) : elle incarne une forme de beauté à la fois éternelle et fugace, proche et lointaine… Comme le peintre de la vie moderne, ou le photographe, le poète essaye à sa manière de tirer l’éternel du transitoire. Les adjectifs « grand … majestueuse » encadrent les noms communs « deuil, douleur » c’est un chiasme : une structure en miroir, joue aussi souvent sur le contraste.

Le deuil introduit le thème de la mort : le passage du temps, le transitoire.

La douleur touche au registre pathétique, qui la rapproche de nous.

Les adjectifs au contraire la mettent hors de notre portée, et hors du temps. Regardez les rimes féminines : on entend le même mot revenir deux fois « -tueuse ».

Elles annoncent déjà le « plaisir qui tue » à la fin du deuxième quatrain.

On rejoint bien le titre des Fleurs du Mal, les fleurs, du côté de la beauté, le Mal, du côté de la souffrance.

C’est en même temps tout un projet poétique que Baudelaire nous révèle. L’assourdissement du poète va redonner toute son importance à la vue.

« Une main fastueuse » c’est une beauté généreuse : ce mouvement de la main crée un jeu érotique, entre ce qui est montré et ce qui est caché.

On a d’ailleurs la jambe qui apparaît au début du quatrain suivant... Le complément circonstanciel de manière « d’une main fastueuse » est étrangement placé juste derrière le verbe « passer », comme s’il attendait un complément d’objet direct « passer quelque chose d’une main fastueuse ».

Mais ici le verbe « passer » est bien intransitif.

La beauté donne sans donner, sa présence est généreuse et annonce déjà son absence inéluctable. Avez-vous remarqué la proximité sonore entre les mots fastueux et feston ? Le feston est un détail de mode, et un ornement qui indique une certaine richesse.

Les allitérations en F et en S de ces deux mots imitent le froissement du manteau.

Le rythme binaire de ce passage représente bien la démarche rapide de la passante. Avec ce détail pratiquement inaudible, Baudelaire signifie que le bruissement du manteau a complètement éclipsé le vacarme de la rue.

Symboliquement, l’allégorie de la beauté a pris le pas sur le cadre circonstanciel du décor. La noblesse atemporelle et figée de la beauté classique est mêlée à la fugacité du mouvement de la jambe qui l’emmène au loin.

L’enjambement qui prolonge la phrase du premier au deuxième quatrain permet de créer rythmiquement ce mouvement suspendu. Baudelaire nous donne à voir une statue en mouvement.

On peut y voir une modernisation du mythe de Pygmalion, ce sculpteur tombé amoureux de sa propre création.

Dans Les Métamorphoses, Ovide raconte comment Vénus donne vie à la statue, Galatée, que Pygmalion peut alors épouser. Deuxième mouvement : Une allégorie de la beauté Moi, je buvais, crispé comme un extravagant, Dans son œil, ciel livide où germe l'ouragan, La douceur qui fascine et le plaisir qui tue. L’image de l’ouragan n’est pas anodine, on se souvient, dans l’Albatros, que « le poète hante la tempête », ce lieu tourmenté d’où il tire la matière de son art. Mais ici Baudelaire parle d’un « ciel livide » c'est-à-dire très pâle.

C’est une métaphore : l'œil est comparable à un ciel vide et calme, et leur point commun, c’est justement leur beauté paradoxale : ils recèlent tous les deux la possibilité d’un orage.

Il remotive une expression toute faite : « le calme avant la tempête » désigne bien un moment suspendu entre l’avant et l’après. On a trois verbes au présent « germe … fascine … tue » :.... »

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