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Y a-t-il une morale ou des morales ?

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Ce sont là, comme on le voit, autant d' « impératifs hypothétiques ». Ce qu'on présente comme une norme morale tient sa qualité « normative » de la logique avec laquelle elle est déduite et de la certitude des circonstances conditionnelles à l'intérieur desquelles elle s'inscrit. Il n'y a pas l'ombre d'une norme morale dans de tels exemples ; on y trouvera des exigences biologiques (par exemple, être en bonne santé, survivre...), psychologiques (satisfaire ses tendances, ses aptitudes, ses ambitions...), sociales (gagner sa vie, triompher dans sa profession, s'intégrer à un groupe défini...) qui sont impliquées dans la proposition conditionnelle à partir de laquelle on calcule la conduite à tenir. Les normes morales apparaissent au contraire au moment précis où l'on met en question les conditions et les actions, et où l'on prend la responsabilité personnelle de l'évaluation, séparément, des moyens et des buts. En conclusion, il faut constater que du point de vue objectif, il n'y a que des hommes en situation dans un « monde » tout plein de déterminations particulières et que, comme tout le reste, les règles de l'action sont aussi diverses que ces ensembles situationnels eux-mêmes... donc il y a des morales. D'autre part cependant, ces ensembles différents se situent à leur tour dans un horizon plus lointain, un ensemble plus général qui est la condition humaine.

« Y a-t-il une morale ou des morales ? Toute tentative de définition de la morale aboutit à poser ce problème préliminaire et c'est le premier problème que rencontre la réflexion philosophique, la première question qui agite l'esprit des adolescents lorsque leur discernement critique commence le procès des valeurs admises. D'une part en effet nous constatons que la morale, c'est-à-dire l'ensemble des règles et des valeurs qui s'imposent à la conduite humaine, varie selon les groupes, les milieux, les classes sociales, les époques.

D'autre part, nous éprouvons dans le jugement moral, dans le conflit des devoirs, dans la hiérarchie des morales, l'existence de certains principes moraux qui se présentent comme des impératifs de la conscience commune, et par là sous l'aspect de l'absolu, en tout cas du généralisable. — I — La relativité de la morale.

Les règles dont nous venons de parler, principes régulateurs de notre conduite, se présentent à l'observateur comme variables et variées. 1 — Variation selon l'âge.

Pour le bambin de trois ans, la conservation de l'amour maternel est le principe purement affectif et personnel qui est sa première morale.

L'éloignement de la mère (dans l'espace ou dans la fâcherie) est un mal menaçant qu'il cherche instinctivement à éviter et, au contraire, l'encouragement maternel une sécurité qu'il cherche à faire durer. A sept ans, la conduite morale est surtout fondée sur l'imitation du père.

Démiurge omniscient aux yeux du garçonnet, le père détient le secret du bien et du mal et la bonne conduite est celle qui a son approbation. A douze ans, âge héroïque, la morale est fondée sur les qualités des héros et sur l'admiration des camarades. L'enfant s'identifie par l'imagination aux champions du courage ; il est' celui qui brave, qui tient tête.

L'ennemi public n° 1 l'intéresse autant que le chevalier Bayard. A quatorze ans, notre garçon a pris définitivement conscience de la « présence » de la société avec ses forces de sanction et de récompense, il est à l'âge où le conformisme social lui paraît la règle de la vie morale mais où la contrainte qu'elle représente pour ses pulsions en pleine croissance devient plus ou moins intolérable suivant la vigueur de son originalité. A la crise d'originalité juvénile, qui se situe normalement entre quinze et dix-huit ans, le système de valeurs admises semble étouffant ; l'adolescent crée ses propres valeurs dont les racines sont le scandale et la révolte.

Il est sûr de découvrir seul sa voie et il brûle de « faire sa vie ».

Les rapports se tendent, l'équilibre se réalise difficilement et dépend de l'histoire des stades précédents.

L'adolescent vit la contradiction ; de cette épreuve, de la force de sa personnalité, des réactions du milieu, des découvertes et des rencontres, doit sortir l'adulte avec son style de vie et ses idées morales. 2 — Variation selon les -cultures.

C'est le thème le plus facile de la relative des morales.

Chaque âge de la civilisation, chaque peuplade a sa morale.

Le bien pour les Athéniens de l'époque classique, ses qualités physiques et intellectuelles en font le modèle moral, il est bien-né, bien-bâti, athlète, musicien et discoureur.

Pendant ce temps, l'esclavage et l'homosexualité sont des coutumes consacrées par la conscience morale commune ; le « bonus vir » de la Rome antique est un autre genre de modèle moral, il est « citoyen romain ».

Être « citoyen romain », quel idéal et quelle consécration pour tant de gens à cette époque, et comme c'était loin pour l'esclave ou l'étranger dépourvus de tous les droits ! Tous les exemples montrent que la moralité paraît à la limite semblable à une mode. La coutume ne diffère de la mode que par sa durée, par sa concrétisation dans des rites ou des institutions sociales. La vie morale s'identifiant à la vie sociale, on perd le droit de juger une culture du point de vue d'une autre culture : la règle de vie du Pygmée, ou du Bantou, les cérémonies d'initiation chez les Papous, par exemple, qui nous semblent à la fois grotesques et tragiques, sont des devoirs moraux pour les postulants et pour les organisateurs ; le code moral du guerrier dans les cultures dites de la grande chasse n'est pas celui du matriarcat, ni celui des tribus agricoles. De même, il y aurait une morale de « l'homme moderne » ou même des hommes modernes, si l'on veut bien considérer que le style de l'existence n'est pas le même pour un Américain, un Français, un Russe ou un Hindou d'aujourd'hui. 3 — Variation selon les milieux et les classes sociales.

C'est une idée marxiste que de mettre l'accent sur la dépendance des idées morales par rapport au milieu social.

La morale « bourgeoise » fondée sur la propriété, l'héritage et la libre entreprise, n'est pas celle des prolétaires fondée sur la solidarité de classe.

Un même acte peut être qualifié d' odieux sabotage dans tel milieu et d' « expression d'un juste mécontentement » dans tel autre milieu. On peut chercher des exemples parmi les différents milieux historiques (les premières communautés chrétiennes dans leur opposition avec les principes moraux et religieux des païens ou des barbares de leur temps, ...le code de la Chevalerie au Moyen Age, ...les libertins au XVIIe siècle, ...) et actuels (la « loi du milieu » chez les mauvais garçons qui pour être anti-sociaux n'en ont pas moins un code impératif,...

« l'esprit de corps » et ses devises morales etc., etc.). La variation des morales peut même être constatée dans des milieux professionnels différents : par exemple, le sensationnel, la publicité sont des valeurs pour les journalistes, et n'en sont pas pour les universitaires ; chaque profession organisée a un code moral .sous le nom de « déontologie », qui représente l'ensemble des règles morales de la profession (tels les médecins, les avocats etc.). Tous les arguments précédents signifient que « l'homme n'existe pas en-soi, dans l'absolu ; la condition humaine ne. »

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