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Y a-t-il une morale de l'histoire ?

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Par morale, on entend l’ensemble de règles en vigueur dans une société. La morale désigne également la réflexion sur les normes et les fins de la vie et de l’action humaines.
Le mot « Histoire » désigne toute connaissance basée sur l’observation, la description de faits advenus dans le passé. Il y a lieu de distinguer entre l’histoire, récit véridique du passé, et l’Histoire, comme réalité historique, totalité de ce qui a eu lieu et de ce qui aura lieu dans l’avenir. Lorsque nous parlons de cours de l’histoire, nous faisons référence à l’histoire conçue dans sa continuité, dans sa capacité à évoluer avec le temps : il s’agit dans ce cas de l’évolution historique. 
En posant la question « y-a-t-il une morale de l’histoire ? » nous nous demandons s’il est possible de tirer un enseignement de l’histoire concernant les valeurs de bien et de mal et les règles qui doivent être en vigueur au sein de la société. A première vue, une telle thèse ne saurait que nous surprendre, dans la mesure où il peut nous sembler que l’histoire nous donne davantage une leçon de relativisme moral qu’il ne nous permet de tirer une morale. Pourtant, s’il est impossible de définir une morale de l’histoire, ne serait-il pas possible de faire une histoire de la morale, de manière à montrer que la morale, loin d’être le fruit d’un sentiment inné dans l’individu, est en vérité un produit de l’histoire, un système bâti au cours du temps. Néanmoins, nous verrons que par morale, nous entendons aussi un enseignement pratique pour l’individu, qui puisse lui servir dans la conduite de son existence quotidienne.
La question au centre de notre travail sera donc de déterminer s’il existe une morale de l’histoire ou si la morale est elle-même un produit historique.

« Par morale, on entend l'ensemble de règles en vigueur dans une société.

La morale désigne également la réflexion sur les normes et les fins de la vie et de l'action humaines. Le mot « Histoire » désigne toute connaissance basée sur l'observation, la description de faits advenus dans le passé.

Il y a lieu de distinguer entre l'histoire, récit véridique du passé, et l'Histoire, comme réalité historique, totalité de ce qui a eu lieu et de ce qui aura lieu dans l'avenir.

Lorsque nous parlons de cours de l'histoire, nous faisons référence à l'histoire conçue dans sa continuité, dans sa capacité à évoluer avec le temps : il s'agit dans ce cas de l'évolution historique. En posant la question « y-a-t-il une morale de l'histoire ? » nous nous demandons s'il est possible de tirer un enseignement de l'histoire concernant les valeurs de bien et de mal et les règles qui doivent être en vigueur au sein de la société.

A première vue, une telle thèse ne saurait que nous surprendre, dans la mesure où il peut nous sembler que l'histoire nous donne davantage une leçon de relativisme moral qu'il ne nous permet de tirer une morale.

Pourtant, s'il est impossible de définir une morale de l'histoire, ne serait-il pas possible de faire une histoire de la morale, de manière à montrer que la morale, loin d'être le fruit d'un sentiment inné dans l'individu, est en vérité un produit de l'histoire, un système bâti au cours du temps.

Néanmoins, nous verrons que par morale, nous entendons aussi un enseignement pratique pour l'individu, qui puisse lui servir dans la conduite de son existence quotidienne. La question au centre de notre travail sera donc de déterminer s'il existe une morale de l'histoire ou si la morale est elle-même un produit historique. I. a. Il n'y a pas de morale de l'histoire car l'histoire nous donne avant tout une leçon de relativisme Une morale variable en fonction des périodes historiques Nous commencerons par dire qu'il n'y a pas une morale de l'histoire, car l'histoire ne produit nullement un discours univoque sur les règles de vie en société.

Bien au contraire, l'histoire est bien plus un puissant moyen de produire ce que l'on nomme le relativisme moral.

Par relativisme moral, on parle de la pluralité des opinions, contradictoires souvent, sur les mêmes objets.

Il se peut en effet que ce que nous appelons crime en France, aujourd'hui, ne soit pas considéré comme tel à l'étranger ou à une autre époque.

Personne mieux que le marquis de Sade n'a théorisé la diversité des opinions morales.

Voici ce que l'un des personnages du roman libertin intitulé Histoire de Juliette déclare à ce sujet : « On appelle crime, toute contravention formelle, soit fortuite, soit préméditée, à ce que les hommes appellent les lois ; d'où, tu vois que voilà encore un mot arbitraire et insignifiant ; car, les lois sont relatives aux mœurs, aux climats, elles varient de deux cent lieues, en deux cent lieues, de manière, qu'avec un vaisseau, ou des chevaux de poste, je peux me trouver, pour la même action, coupable de mort le dimanche matin à Paris, et digne de louanges, le samedi de la même semaine, sur les frontières d'Asie, ou sur les côtes d'Afrique ». Le problème abordé par Sade sous l'angle de l'espace, il y revient ailleurs sous celui du temps.

De même qu'il existe un relativisme moral géographique (celui qu'illustre le passage que nous venons de citer) il existe un relativisme moral temporel.

L'histoire nous montre en effet que la morale d'un peuple éloigné de nous de plusieurs centaines d'années (même s'il a vécu sur la même terre) est parfaitement différente de la notre : les français du XVIe siècle tenaient pour légitimes des comportements qui nous sembleraient intolérables.

Nous dirons donc qu'il n'y a pas de morale de l'histoire, mais au contraire, que l'histoire nous donne une leçon de relativisme moral. b. L'histoire nous délivre moins une morale qu'une conscience de l'immoralité générale des hommes au travers des siècles Allant, plus loin nous pouvons dire qu'il n'y a effectivement pas de morale de l'histoire, dans la mesure où l'histoire nous délivre la conscience de l'immoralité des hommes au travers des siècles.

Lisons à ce propos le texte suivant de Locke : « Quant à savoir s'il existe le moindre principe moral qui fasse l'accord de tous, j'en appelle à toute personne un tant soit peu versée dans l'histoire de l'humanité, qui ait jeté un regard plus loin que le bout de son nez.

Où trouve-t-on cette vérité pratique universellement acceptée sans doute ni problème aucun, comme devrait l'être une vérité innée ? La justice et le respect des contrats semblent faire l'accord du plus grand nombre ; c'est un principe qui, pense-t-on, pénètre jusque dans les repaires de brigands, et dans les bandes des plus grands malfaiteurs ; et ceux qui sont allés le plus loin dans l'abandon de leur humanité respectent la fidélité et la justice entre eux.

Je reconnais que les hors-la-loi eux-mêmes les respectent entre eux ; mais ces règles ne sont pas respectées comme des lois de nature innées : elles sont appliquées comme des règles utiles dans leur communauté ; et on ne peut concevoir que celui qui agit correctement avec ses complices mais pille et assassine en même temps le premier honnête homme venu, embrasse la justice comme un principe pratique.

La justice et la vérité sont les liens élémentaires de toute société : même les hors-la-loi et les voleurs, qui ont par ailleurs rompu avec le monde, doivent donc garder entre eux la fidélité et les règles de l'équité, sans quoi ils ne pourraient rester ensemble.

Mais qui soutiendrait que ceux qui vivent de fraude et de rapine ont des principes innés de vérité et de justice, qu'ils acceptent et reconnaissent ? » John LOCKE, Essai sur l'entendement humain Le premier argument de Locke dans ce texte consiste à opposer l'histoire à l'universalité.

Il suffit de parcourir les siècles passés pour se rendre à l'évidence : la diversité, non des mœurs, mais des biens, est la règle.

Il n'y a donc pas de morale de l'histoire, puisque le bien nous apparait parfaitement variable au cours du temps.

Pensons, par exemple, aux Grecs qui considéraient la concurrence comme un bien, ou aux Spartiates qui vantaient l'habileté de leurs jeunes à voler… Puis Locke consolide son premier argument au moyen du deuxième, en montrant que le doute prévaut au travers du temps sur la nature du bien.

Nul besoin d'être fin connaisseur de l'histoire : si le bien était universel, s'il devait être partagé par tous, il commencerait par être évident pour chacun.

Or c'est loin d'être le cas, ce dont nous pouvons tirer avec Locke qu'il n'y a pas un bien qui soit reconnu par tous les hommes de la même manière.

A la lumière de cette argumentation de Locke, nous dirons une fois encore qu'il n'y a pas de morale de l'histoire, puisque cette dernière nous montre qu'il n'y a pas de consensus intemporel sur une définition du bien : ce dernier fait toujours l'objet d'un doute. II. En revanche, il existe une morale produite par l'histoire a. La morale est-elle innée ou un produit de l'histoire ? Certes, nous venons de voir qu'il n'y a pas de morale de l'histoire… Mais n'y aurait-il pas une histoire de la morale, au sens où celle-ci serait un produit du temps ? A première vue il peut nous sembler que non, puisque la conscience morale est une voix absolument naturelle.

C'est précisément la thèse de Rousseau dans sonEmile : la morale résulte de la conscience, qui est un sentiment inné dans l'individu. « Je ne crois donc pas, mon ami, qu'il soit impossible d'expliquer par des conséquences de notre nature le principe immédiat de la conscience, indépendant de la raison même.

Et quand cela serait impossible, encore ne serait-il pas nécessaire : car, puisque ceux qui nient ce principe admis et reconnu par tout le genre humain ne prouvent point qu'il n'existe pas mais se contentent de l'affirmer : quand nous affirmons qu'il existe, nous sommes tout aussi bien fondés qu'eux, et nous avons de plus le témoignage intérieur, et la voix de la conscience qui dépose pour elle-même.

(…) Conscience ! conscience ! instinct divin, immortelle et céleste voix , guide assuré d'un être ignorant et borné, mais intelligent et libre ; juge infaillible du bien et du mal, qui rends l'homme semblable à Dieu, c'est toi qui fais l'excellence de sa nature et la moralité de ses actions ; sans toi je ne sens rien en moi qui m'élève au-dessus des bêtes, que le triste privilège de m'égarer d'erreurs en erreurs à l'aide d'un entendement sans règle et d'une raison sans principe ».

Emile ou de l'éducation, Livre IV. b. La morale est un produit de l'histoire humaine dont il est possible de faire la « généalogie » Cependant, nous n e p o u v o n s en res ter à c ette thès e défendue par Rous s eau.

Bien au c ontraire, il peut nous s embler qu'il y a bien une his toire de la morale, qu'il es t pos s ible d'en faire c e que Nietz s c h e n o m m e l a « g é n é a l o g i e » .

L i s o n s c e texte extrait de la G é n é a l o g i e d e l a m o r a l e : « Comment former dans l ' a n i m a l - h o m m e u n e m é m o i r e ? Comment imprimer quelque c h o s e d'ineffaç a b l e à c et entendement du moment prés ent, à la fois étourdi et obtus , à c et oubli inc arné ? " ...

Comme on s e l ' i m a g i n e a i s ément, c e problème très anc i e n n ' a p a s été rés o l u a v e c une grande délic ates s e : peut-être même n'y a-t-il rien de plus effrayant et de plus s i n i s tre dans toute la préhis toire de l'homme que s a m n é m o t e c hnique.

"On grave quelque c h o s e au fer rouge pour le fixer dans la mém Nietzsche montre bien que nous ne sortons de cet état d'enfance de la conscience qui ne vit que dans le moment présent, que pour autant que la douleur et la crainte de celle-ci nous ont contraints à développer notre capacité à nous souvenir.

Le philosophe recense dans ce texte l'ensemble des moyens qui ont permis l'émergence et la solidification de la mémoire au cours du temps : les supplices, les martyrs, les sacrifices.

Par conséquent, nous dirons qu'a la question centrale de la deuxième dissertation de la Généalogie de la Morale : comment se peut-il que l'homme soit un animal qui puisse promettre ? Nietzsche répond : « Parce que l'homme a compris que la douleur infligée, et le souvenir de cette douleur, étaient les meilleurs moyens pour faire émerger, et lentement renforcer, comme un muscle que l'on fait travailler, les capacités mémorielles de l'homme.

La morale est donc un produit de la conscience, qui résulte elle-même d'une longue et pénible, douloureuse édification au cours du temps.

S'il n'y a pas de morale de l'histoire, il est néanmoins possible de faire l'histoire de la constitution de la morale.

La morale est donc un produit historique, à défaut d'être un produit de l'histoire elle-même. III.

Mais n'existe-t-il pas une morale de l'histoire humaine comme enseignement tiré de la connaissance historique ? a. Une morale de l'histoire comme enseignement pratique : l'analogie du conte et de l'histoire Pour répondre à la question « y-a-t-il une morale de l'histoire ? » nous quitterons un instant le terrain de la discipline historique elle-même pour nous interroger sur l'histoire, entendue comme récit d'évènements fictifs.

Nous verrons en effet qu'il est possible d'établir une analogie entre le conte et l'histoire.

Pour Charles Perrault, auteur important pour le genre du Conte et théoricien de celui-ci, le conte n'est nullement un simple moyen de divertissement, mais il possède au contraire une fonction d'instruction pour le lecteur, il a pour rôle de diffuser un savoir d'ordre moral.

En effet, pour Perrault, le conte en lui-même n'a pas de valeur éducative, mais il est l'enveloppe plaisante qui permet la transmission d'un message éducatif.

C'est ainsi que chez Perrault, dans la préface à sesContes en vers et en prose, nous trouvons cette métaphore alimentaire qui explique sa capacité à délivrer un message éducative, d'autant mieux assimilé par l'enfant que celui-ci est d'abord plus attentif à l'histoire qui lui est contée : « N'est-il pas louable à des pères et à des mères, lorsque leurs Enfants ne sont pas encore capables de goûter les vérités solides et dénuées de tous agréments, de les leur faire aimer, et si cela se peut dire, les leur faire avaler, en les enveloppant dans des récits agréables et proportionnés à la faiblesse de leur âge». L'histoire (c'est le récit fictif que nous désignons ici) produit donc une morale, à savoir un enseignement pratique, utile aux hommes dans la conduite de leurs vies. b. La morale de l'histoire : le respect de la personne humaine est nécessaire, tout acte ou tout discours le niant est dangereux A la lumière de cette argumentation, nous pouvons dire en un nouveau sens qu'il y a bien une morale de l'histoire : à savoir un enseignement pratique qui peut servir aux hommes pour savoir comment se comporter dans les circonstances de leur existence.

Certes, l'histoire nous montre que la morale est variable, qu'elle évolue, qu'elle se modifie au cours du temps.

Mais elle nous offre aussi cet enseignement : toutes les fois où la considération de l'homme n'a pas été prise en compte, toutes les fois où la dignité de la personne humaine a été niée, ce sont des catastrophes effroyables qui sont advenues.

Brecht disait : « l'homme est condamné à revivre ce qu'il a oublié ».

L'histoire nous délivre cet enseignement moral fondamental : le respect de la personne humaine doit être farouchement défendu, toutes limitations de celle-ci comprenant en puissance un danger, une menace : pensons à ce propos aux lois discriminatoires sur les juifs en Allemagne, qui se sont de plus en plus aggravées avant de mener à la Shoah.

Nous dirons donc que l'histoire (comme récit des évènements passés) est semblable aux histoires (comme récits d'évènements fictifs) : elle offre bien une morale, c'est-à-dire un savoir qui peut servir à l'institution des individus. Conclusion A première vue, il nous a semblé qu'il n'y a pas de morale de l'histoire, puisque l'histoire nous donne avant tout une leçon de relativisme moral : la morale est variable, non seulement localement, mais géographiquement.

Pourtant, nous avons montré que s'il n'y avait pas de morale de l'histoire, il est possible de faire l'histoire de la morale, de montrer comment elle s'édifie au cours du temps, à savoir sur le fondement de la conscience qui est elle-même un produit historique.

Mais nous avons montré dans un dernier temps que l'histoire est semblable aux histoires, en ce sens qu'elle comprend au même titre que ces dernières une morale, entendue comme enseignement pratique pour les hommes.. »

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