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Y a-t-il un plaisir à gouverner ?

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« Introduction On parle de gouverner comme l'action de diriger une nation.

On conçoit que le fait de gouverner attire fortement les hommes, puisque cela implique la possibilité de commander, de décider pour la multitude.

Mais il importe aussi de souligner que gouverner nécessite une écoute du peuple gouverné, puisque l'on gouverne pour le maintien d'un pays dans son essor tant social qu'économique.

Toutefois l'histoire a montré que certains gouvernements pouvaient être illégitimes puisqu'ils favorisaient les désirs d'un seul ou de quelques uns (la tyrannie).

Dès lors la place du gouvernant renvoyait au plaisir arbitraire et égoïste qui ne tenait pas compte du bonheur des sujets constitutifs de toute nation.

Peut-on alors concevoir un plaisir de gouverner qui marque un progrès total, c'est-à-dire qui se fonde sur des principes républicains inébranlables ? I.

l'équivocité du « plaisir » de gouverner À l'encontre de ce qu'enseigne la loi des hommes, la Nature exige que le pouvoir appartienne aux meilleurs, à ces hommes supérieurs qui sont nés pour le commandement, c'est-à-dire qui sont, par nature, au-dessus des lois : « C omment serait-on heureux quand on est esclave de quelqu'un d'autre » (Platon, Gorgias, 491 e), esclave du pouvoir de la masse des médiocres, esclave d'une loi castratrice, esclave des faibles, des incapables, des envieux ? Contre « ces manières et ces conventions faites par les hommes à l'encontre de la nature » (492 c), la vérité est au contraire de dire que « si la facilité de la vie, le dérèglement, la liberté de faire ce qu'on veut demeurent dans l'impunité, ils font la vertu et le bonheur » (492 c).

Or s'assurer de l'impunité, c'est s'emparer du pouvoir, du pouvoir absolu qui n'a de compte à rendre à personne.

Le modèle de C alliclès, c'est dès lors le tyran.

Celui pour qui les lois n'existent pas, car il n'y a pour lui, comme pour les autres, aucune autre loi que celle de son bon plaisir, et celle de la force pour la faire respecter. C omme Archélaos le tyran qu'enviait Polos dans l'entretien précédent : « il a le pouvoir de faire ce qu'il veut, il peut exiler, tuer et faire tout ce dont il a envie » (469 c).

Il n'y a d'autre droit respectable que celui qui triomphe par la force, il n'y a pas d'autre raison que celle qui parvient à s'imposer.

Rien ne peut justifier que l'on renonce à exercer une force que l'on est capable d'exercer ; rien ne justifie que l'on renonce à un plaisir que l'on peut se procurer.

Seule la peur du châtiment pourrait conduire à un tel renoncement, et c'est bien pourquoi il faut se placer au-dessus de tout châtiment possible en étant soi-même celui qui punit. A l'encontre d'une telle conception d'un gouvernement basé sur la satisfaction des désirs inessentiels vient la conception platonicienne du gouvernement du philosophe.

C'est l'idéal du philosophe-roi.

Le philosophe, extrême antithèse du tyran, est le plus heureux puisque sa conduite est renseignée par la seule raison, faculté insigne en l'homme lui permettant un bonheur suprême.

Platon montrera qu'il y a un plaisir essentiel à gouverner chez le philosophe puisque celui-ci s'efforce de régler la vie sociale selon la raison.

Dès lors, le citoyen juste ne sera possible que dans le cadre d'une cité juste, ou idéale.

Mais il n'en reste pas moins qu'au travers de cette théorie utopique Platon a laissé entendre un gouvernement régi par une forme de dictature philosophique.

De fait, le philosophe-roi s'arroge le droit de mentir, de manipuler le peuple, et ce afin de satisfaire un désir issu du pouvoir, désir dès lors déjà perverti, et qui ne peut prétendre à un plaisir total (cf.

La République).

L'exercice du pouvoir est certainement source de plaisir. L'exemple idéal en est le tyran dont parle Platon dans le "Gorgias".

Mais, l'ivresse du pouvoir est en contradiction avec les charges de l'homme politique en démocratie.

Cependant, pour qu'une action soit bien menée, il faut que nous y trouvions du plaisir. II.

Gouverner : une stratégie politique pour une place hautement sollicitée. C hez Machiavel, le dirigeant efficace doit se faire craindre de ses sujets, pas détester.

L'idéal, bien sûr, est d'être craint et aimé à la fois.

Pour cela, le prince doit savoir promettre quand c'est opportun et manger sa parole lorsque c'est nécessaire.

La trahison et la manipulation ne sont pas graves, car les humains sont ainsi faits qu'ils aiment quelqu'un autant pour le bien qu'ils lui font que pour celui que celui-ci leur fait : « Les amitiés qu'on prétend obtenir à force de ducats et non par une supériorité d'âme et de desseins, sont dues mais jamais acquises, et inutilisables au moment opportun ».

P ar conséquent, l'important n'est pas d'avoir toutes les qualités mais de paraître les avoir : il faut que le peuple croit que son maître est intègre et généreux, et en même temps, parfois, le prince doit être menteur et sans pitié.

La politique est autant affaire d'apparence que d'être.

La diplomatie et le calcul comptent au moins autant que la force brute et les armées : il est plus rentable de conquérir une ville par un mariage arrangé, une trahison ou une corruption que par une sanglante bataille.

Les nobles sentiments ne valent rien, seule compte l'efficacité.

Le vrai prince sait user de la force comme un lion, et de la ruse comme un renard.

Machiavel conseille en même temps d'instrumentaliser la religion quand il entend faire comprendre que la crainte que procure le prince envers ses sujets rappelle à ses derniers la peur du châtiment : « le lien de la crainte est filé par la peur du châtiment, qui ne les quitte jamais ».

Et cette peur est d'autant plus fondée que, profane par nature, les hommes sont enclins à fantasmer la colère divine qui s'abattra sur eux lors de leur jugement. Instrumentaliser ce type de croyance à des fins personnelles de pouvoir et de gouvernement rentre dans la stratégie machiavélienne de maintien de l'unité du pouvoir. On comprend alors, du fait de la conservation individuelle du pouvoir, que gouverner soit un plaisir : « Il faut que le plaisir de gouverner soit bien grand, puisque tant de gens veulent s'en mêler » (Voltaire).

Dès lors gouverner implique au moins deux choses, comme l'a bien remarqué Nietzsche.

Il souligne déjà le fait que l'homme soit au départ réticent devant l'idée de devoir obéir.

Désir de pouvoir ou haine du commandement, voilà ce qui peut pousser les hommes à vouloir être au commande : « Les uns gouvernent pour le plaisir de gouverner, les autres pour ne pas être eux-mêmes gouvernés : – Entre deux maux ils ont choisi le moindre (Nietzsche, Aurore, §181).

Gouverner indique alors la possibilité pour l'individu de réaliser sans contrainte extérieure ses désirs les plus enfouis.

Au principe de réalité peut se substituer celui de plaisir, pour reprendre une terminologie freudienne, et cela du fait qu'étant au-dessus de la société, l'individu gouvernant peut se défaire de cette oppression quotidienne pour les gouvernés, le monde extérieur.

Il résulte de cela enfin qu'à l'angoisse provoquée devant la réalité extérieur se substitue un plaisir quasi-absolu (du moins ressenti par le gouvernant), une prise de conscience d'un pouvoir absolu qu'on a entre les mains.

Toutefois, ce plaisir reste pathologique puisqu'il ne porte encore que sur un seul, sans véritable dévouement pour le bonheur de tous. Conclusion On voit que selon la manière dont est compris le plaisir la façon de gouverner diffère.

Il y a bien plusieurs manières de gouverner avec plaisir, mais certaines restent indifférentes, voire hostiles au bonheur et à la liberté du peuple.

Gouverner est étroitement lié à pouvoir, ce qui attise le désir des hommes de se voir à la place de celui qui contrôle et qui commande.

M ais il apparaît que cette pratique, aussi puissante soit-elle, recouvre le sujet de ses faiblesses, pouvant le conduire à des attitudes qui ne relèvent que de sa propre subjectivité.

Et même si la démocratie doit être fondamentalement un gouvernement par le peuple, elle n'empêche pas non plus des dérives qui menacent le peuple lui-même.

S'il y a peut-être un plaisir de gouverner, il y a d'abord et avant tout la nécessité d'un art de gouverner.. »

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