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Travail, servitude et liberté

Extrait du document

« A.

Travail et souffrance • L'origine du mot suggère l'idée d'un assujettissement pénible.

Travail vient en effet du latin populaire tripalium, qui désigne d'abord un appareil formé de trois pieux servant à maintenir les chevaux difficiles pour les ferrer, puis un instrument de torture.

De même, le latin labor, d'où sont issus les mots «labeur» et «labour », évoque tout à la fois le travail et la peine.

C'est que le travail est d'abord une nécessité vitale.

Il exprime le dénuement originel de l'homme, qui ne parvient à survivre dans la nature qu'au prix d'un effort douloureux.

Rien de ce dont il a besoin pour vivre ne lui est donné.

Pour manger, pour se chauffer, pour se vêtir, il doit se dépenser sans compter.

Abandonné au sein d'une nature indifférente ou hostile, l'homme est en quelque sorte condamné à transformer sans relâche son milieu pour subvenir à ses besoins les plus impérieux. • Ainsi, dans la tradition judéo-chrétienne, le travail est un châtiment.

L'Éternel punit le premier péché en chassant Adam du jardin d'Éden et en l'obligeant à cultiver désormais une terre maudite qu'envahissent les épines et les chardons.

« Tu mangeras ton pain à la sueur de ton front », dit Dieu à Adam (Genèse, III, 19). B.

Travail et aliénation Il faut distinguer ici « exploitation » et « aliénation ».

Ce ne sont pas des termes équivalents : le mot « exploitation » désigne la réalité économique d'un travail non payé, au moins en partie.

Le mot « aliénation » renvoie à une situation où le travailleur ne se « reconnaît » plus dans son travail.

Il ne s'agit plus seulement de la dimension économique.

La dénonciation se fait en fonction d'une certaine idée de ce que devrait représenter le travail pour l'homme : permettre la réalisation de l'individu en étant la manifestation, l'extériorisation de lui-même.

La critique de l'aliénation fait référence à une « essence » de l'humanité, dont le travail est censé accomplir la réalisation.

Cette critique suppose donc un point de vue « philosophique », en quoi elle se distingue de la problématique plus « économique » qui analyse l'exploitation du travail. Cette réflexion sur l'aliénation implique en effet que le travail, non seulement comme rapport à la nature, mais aussi comme rapport à autrui, met en jeu la définition et la réalisation de l'humanité. La production capitaliste entraîne d ‘abord l'appauvrissement continu de toute une partie de la population : « L'ouvrier s'appauvrit à mesure qu'il produit la richesse, à mesure que sa production gagne en puissance et en volume.

» Mais ce n'est là encore que l'aspect le plus extérieur, et en quelque sorte quantitatif, du phénomène.

En réalité, l'ouvrier se perd lui-même dan le processus de production.

« Plus il crée de marchandises, plus l'ouvrier devient lui-même une marchandise vile.

La dévalorisation des hommes augmente en raison de la valorisation directe des objets.

Le travail ne produit pas seulement des marchandises, il se produit lui-même et il produit l'ouvrier comme des marchandises dans la mesure même où il produit des marchandises en général.

» L'ouvrier se perd comme homme et devient chose dans l'acte économique de production.

Cette aliénation se présente sous un double aspect, que Marx caractérise brièvement comme suit : « 1.

Le rapport entre l'ouvrier et les produits du travail comme objet étranger et comme objet qui le domine.

Ce rapport est en même temps son lien avec le monde environnant sensible, avec les objets de la nature, monde sensible hostile à l'ouvrier. 2.

Le rapport du travail avec l'acte de production à l'intérieur du travail.

C'est la relation de l'ouvrier avec son activité propre comme avec une activité étrangère, qui ne lui appartient pas, une activité qui est souffrance, une force qui est impuissance, une procréation qui est castration.

» C'est donc à la fois le rapport du travailleur avec le produit de son travail et son rapport avec ce travail lui-même qui portent la marque de l'aliénation.

Le premier a d'ailleurs pour corollaire un rapport aliéné à la nature. Précisons.

L'ouvrier est d'abord aliéné par rapport à son produit.

Celuici lui échappe.

Aussitôt qu'il est créé, l'ouvrier en est dépossédé : « L'objet que le travail produit, le produit du travail, vient s'opposer au travail comme s'il s'agissait d'un être étranger, comme si le produit était une puissance indépendante du producteur.

» L'ouvrier ne perd pas seulement son produit, mais son produit se présente en face de lui comme une puissance hostile : transformé en capital, il devient l'instrument d'exploitation de sa force de travail.

Plus le capital s'accroît du fruit de son travail, et plus il se pose face à l'ouvrier en maître, plus l'ouvrier doit en passer par ses conditions, car, une fois que le capital domine le système économique tout entier ou presque tout entier, l'ouvrier ne peut plus vivre qu'en se louant à lui.

Le produit du travail devient ainsi, en face de l'ouvrier, objet, il se tient en face de lui comme une chose qui ne lui appartient pas et à laquelle il se trouve opposé comme sujet. Situation contradictoire tant du capital, qui ne peut subsister comme capital qu'en accroissant la misère de l'ouvrier, que de l'ouvrier, qui ne peut subsister comme ouvrier qu'en accroissant le capital.

Richesse et misère à la fois.

Et la richesse croît dans la même proportion que la misère : « Certes, le travail produit des merveilles pour les riches, mais pour le travailleur il produit le dépouillement.

Il produit la beauté, mais pour l'ouvrier c'est l'infirmité.

Il. »

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