Toute querelles de mots est-elle futile?
Extrait du document
«
La notion de querelle des mots nous fait entrer dans l'ordre du langage.
Une querelle, c'est d'abord un
différend, un désaccord suffisamment vif pour entraîner un échange d'actes ou de paroles hostiles.
La querelle
est donc un échange violent.
S'il s'agit d'une querelle de mots, on assiste encore davantage sur le fait que le
désaccord porte sur le sens qu'il faut attribuer aux mots.
La querelle des mots pose donc le problème de
l'interprétation du langage.
Dès lors on pourrait négliger la querelle des mots en avançant l'argument suivant :
on discute sur des dénominations, l'essentiel est le fond, etc.
Pourtant s'il y a querelle de mots, c'est d'abord
parce que le sens des mots n'est pas univoque mais équivoque.
Ensuite, on découvre que chacun peut donner
à un mot un sens qui lui est propre et singulier.
Dès lors on se querelle parce qu'on ne parvient pas à
comprendre la même chose.
On peut donc se demander si la querelle des mots ne peut pas être féconde.
En
effet, cette querelle implique une réflexion sur le sens des mots et cette dernière n'est pas étrangère à la
pensée.
Ici, vous pouvez montrer en quoi dans les dialogues de Platon, toute réflexion est avant tout la
constitution d'une définition.
Réfléchir sur le beau consiste à se demander « Qu'est-ce que le beau ? »,
réfléchir sur le juste « Qu'est-ce que le juste ? ».
On pourrait alors se demander si la querelle des mots n'est
pas inévitable parce qu'elle est par la même occasion, une querelle de pensée.
Montrez alors en quoi il y a un
lien étroit entre le langage et la pensée.
Mais la querelle des mots peut aussi relever d'un jeu stérile né du
plaisir de la rhétorique (pensez aux sophistes).
Dans ces conditions, ne faut-il pas l'éviter ? Pour autant, la
querelle des mots témoigne du souci des hommes d'être précis, de définir avec exactitude les termes d'une
langue et de découvrir un accord entre les esprits.
La querelle des mots est donc partagée entre la passion et
la raison.
Si les mots sont autre chose que de simples outils et de simples instruments, alors la querelle des
mots est déjà le signe d'un débat critique et d'une recherche du vrai.
[Le langage est un instrument dangereux, car les mots
désignent des choses différentes selon les individus; ils
peuvent donc porter à confusion et être à l'origine de conflits.]
Les mots nous trompent
Nous avons parlé durant une bonne heure, puis nous avons fini par nous fâcher, uniquement parce que nous n'avons
pas trouvé les mots justes pour nous comprendre.
Dès Platon, l'examen du langage se transforme en méfiance.
Car
le langage est du domaine de l'opinion, il n'est pas une science exacte, il n'est pas le reflet de la vérité.
Du point de
vue philosophique, il faut s'interroger sur la valeur de l'instrument que nous utilisons.
Les mots peuvent ne pas dire
les choses que l'on voulait dire.
Le langage, c'est à la fois un instrument indispensable et un instrument dangereux,
car il n'est pas clair.
C'est pour cette raison qu'il faut éviter de se disputer pour des mots, des malentendus, des
lapsus ou des quiproquos qui ne recouvrent rien de réel.
Relisons Montaigne, car il a tout dit : que le langage ne compte pas, et qu'il n'est rien qui compte davantage.
Si,
d'une de ces affirmations à l'autre, il y a simplement contradiction nous pouvons passer & n'en retenir aucune.
Si, au
contraire, elles doivent être retenues toutes les deux, alors leur tension même peut définir le cadre dans lequel
inscrire une réflexion sur le langage.
Montaigne est toute méfiance envers les discoureurs.
Deux architectes soumettaient leur projet aux Athéniens, qui
devaient choisir entre eux.
« Le premier, plus affété, se présenta avec un beau discours prémédité sur le sujet de
cette besogne, et tirait le jugement du peuple à sa faveur.
Mais l'autre, en trois mots : seigneurs Athéniens, ce que
celui-ci a dit, je le ferai .» (« Essais », I, XXVI).
Qui préférer ? le beau parleur dont les discours captieux dissimulent
peut-être l'incompétence technique sous le faux-semblants des promesses, ou le second, qui sait que l'important
est dans ce qu'on fait, non dans ce qu'on dit et qui, du seul fait qu'il déclare qu'il le sait, s'engage à mener à bien le
projet qu'il présente ? La préférence de Montaigne en tout cas est claire.
« Je veux, dit-il plus loin, que les choses
surmontent, et qu'elles remplissent de [telle] façon l'imagination de celui qui écoute, qu'il n'ait aucune souvenance
des mots.
» Le langage remplit sa fonction quand il se fait oublier ; quand il prend l'avantage, quand il « surmonte »,
le pire peut arriver.
De ces réflexions, Montaigne ne conclut toutefois pas que le langage n'a pas d'importance.
Bien au contraire,
comme l'indique la vigueur avec laquelle il condamne le mensonge.
« En vérité, le mentir est un vice maudit.
Nous ne
sommes hommes , et ne nous tenons les uns aux autres que par la parole ».
Tel est le langage naviguant entre mensonge & vérité, entre mirage & miracle.
Une langue non maîtrisée tourne à vide
un discours formellement cohérent n'est pas nécessairement vrai.
Il est possible de parler pour ne rien dire.
De prime abord et le plus souvent, en parlant les uns avec les autres, nous nous satisfaisons d'un type de discours
qui se caractérise par son absence de solidité.
L'essentiel dans le bavardage quotidien, en effet, n'est pas qu'on
sache véritablement de quoi l'on parle.
Nous nous enquérons de « ce qui se dit » de « ce qu'on dit » de ceci ou.
»
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