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Faut-il éviter les querelles de mots ?

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« [Le langage est un instrument dangereux, car les mots désignent des choses différentes selon les individus; ils peuvent donc porter à confusion et être à l'origine de conflits.] Les mots nous trompent Nous avons parlé durant une bonne heure, puis nous avons fini par nous fâcher, uniquement parce que nous n'avons pas trouvé les mots justes pour nous comprendre.

Dès Platon, l'examen du langage se transforme en méfiance.

Car le langage est du domaine de l'opinion, il n'est pas une science exacte, il n'est pas le reflet de la vérité.

Du point de vue philosophique, il faut s'interroger sur la valeur de l'instrument que nous utilisons.

Les mots peuvent ne pas dire les choses que l'on voulait dire.

Le langage, c'est à la fois un instrument indispensable et un instrument dangereux, car il n'est pas clair.

C'est pour cette raison qu'il faut éviter de se disputer pour des mots, des malentendus, des lapsus ou des quiproquos qui ne recouvrent rien de réel. Relisons Montaigne, car il a tout dit : que le langage ne compte pas, et qu'il n'est rien qui compte davantage. Si, d'une de ces affirmations à l'autre, il y a simplement contradiction nous pouvons passer & n'en retenir aucune.

Si, au contraire, elles doivent être retenues toutes les deux, alors leur tension même peut définir le cadre dans lequel inscrire une réflexion sur le langage. Montaigne est toute méfiance envers les discoureurs.

Deux architectes soumettaient leur projet aux Athéniens, qui devaient choisir entre eux.

« Le premier, plus affété, se présenta avec un beau discours prémédité sur le sujet de cette besogne, et tirait le jugement du peuple à sa faveur.

Mais l'autre, en trois mots : seigneurs Athéniens, ce que celui-ci a dit, je le ferai .» (« Essais », I, XXVI).

Qui préférer ? le beau parleur dont les discours captieux dissimulent peut-être l'incompétence technique sous le faux-semblants des promesses, ou le second, qui sait que l'important est dans ce qu'on fait, non dans ce qu'on dit et qui, du seul fait qu'il déclare qu'il le sait, s'engage à mener à bien le projet qu'il présente ? La préférence de Montaigne en tout cas est claire.

« Je veux, dit-il plus loin, que les choses surmontent, et qu'elles remplissent de [telle] façon l'imagination de celui qui écoute, qu'il n'ait aucune souvenance des mots.

» Le langage remplit sa fonction quand il se fait oublier ; quand il prend l'avantage, quand il « surmonte », le pire peut arriver. De ces réflexions, Montaigne ne conclut toutefois pas que le langage n'a pas d'importance.

Bien au contraire, comme l'indique la vigueur avec laquelle il condamne le mensonge.

« En vérité, le mentir est un vice maudit. Nous ne sommes hommes , et ne nous tenons les uns aux autres que par la parole ». Tel est le langage naviguant entre mensonge & vérité, entre mirage & miracle. Une langue non maîtrisée tourne à vide un discours formellement cohérent n'est pas nécessairement vrai.

Il est possible de parler pour ne rien dire. De prime abord et le plus souvent, en parlant les uns avec les autres, nous nous satisfaisons d'un type de discours qui se caractérise par son absence de solidité.

L'essentiel dans le bavardage quotidien, en effet, n'est pas qu'on sache véritablement de quoi l'on parle.

Nous nous enquérons de « ce qui se dit » de « ce qu'on dit » de ceci ou cela, non de la chose elle-même.

Le bavardage est un discours moyen qui s'étend à des cercles toujours plus larges et prend de ce fait un caractère d'autorité, sans jamais permettre une appropriation véritable de la chose dont on parle.

« Le bavardage est la possibilité de tout comprendre sans appropriation préalable de la chose », écrit Heidegger dans Etre et Temps.

C'est un discours qui ne dit rien dans la mesure où il ne fait rien voir ; bien plus, il envahit l'espace public au point de rendre inaudible toute parole authentique, forcément singulière « le bavardage réprime tout questionnement et tout débat nouveau ».

Il ne dit rien, et empêche que soit dit quelque chose. Il faut donc éviter de se quereller pour ce rien.

Nous avons tous fait l'expérience de relire à tête reposée un discours qui nous avait enthousiasmé et d'être déçu de ne plus y retrouver ce qui avait motivé notre adhésion.

Quelle aurait été l'utilité d'une dispute autour de tels mots ? Fallait-il se battre pour des idées qui n'étaient que des phrases ? Le discours énonce et transcrit sur le plan des mots une réalité qui n'appartient pas au domaine des mots.. »

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