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Tout savoir sur Le STOÏCISME (Zénon de Citium, Epictète, etc.).

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STOÏCISME. n.m. Le nom de stoïcisme vient de l'endroit où cette doctrine fut enseignée pour la première fois, la Stoa poikilè, le portique des Peintures, à Athènes. Ce fut une des écoles les plus vigoureuses de l'Antiquité. Elle ne se définit pas par un contenu doctrinal immuable, mais par une tradition de pensée et de vie. Les maîtres qui ont successivement illustré le stoïcisme au cours de six siècles se sont insérés dans une doctrine héritée, en la reformulant suivant leur génie propre et les circonstances historiques qui ont, diverses fois, provoqué un recours à l'esprit et aux vertus des stoïciens. On distingue trois périodes dans la longue histoire du stoïcisme : l'ancien stoïcisme, avec Zénon, Cléanthe et Chrysippe, (fin du IIIe siècle et IVe siècle avant Jésus-Christ) ; le moyen stoïcisme, dont les représentants les plus connus sont Posidonius et Panetius (IIe et Ie siècles avant Jésus-Christ) ; et le nouveau stoïcisme, dont les grands maîtres furent Sénèque, Épictète et Marc Aurèle (sous l'Empire romain).

« Zénon de Cittium (340-260 av.

J.-C .) fut le fondateur de l'école stoïcienne, ou du Portique, ainsi nommée, de l'endroit où il donnait ses leçons (στοά, portique) ; l'enseignement qu'il avait reçu de C ratès le cynique eut une grande influence sur lui.

Les philosophes qui contribuèrent le plus à répandre la doctrine de Zénon furent d'abord C léanthe, puis Chrysippe.

C e dernier passe même, à juste titre, pour le second fondateur du Portique; « Sans Chrysippe, disait-on, le Portique n'existerait pas.

» Diogène de Babylone, disciple de Chrysippe, ayant été envoyé à Rome en ambassade, avec le péripatéticien C ritolaüs et l'académicien C arnéade, y porta, le premier, les théories de l'école; mais c'est surtout à Panaetius et à Posidonius que les Romains durent la connaissance d'une doctrine qui convenait si bien à leur génie pratique et peu fait pour la spéculation. A Rome, les esprits les plus distingués, les âmes les plus fortes cherchèrent une règle de vie dans les principes du stoïcisme, et donnèrent peu à peu à l'école le caractère d'une véritable secte religieuse.

Comme nous le verrons plus loin, les deux plus grands philosophes romains, C icéron et Sénèque, se firent gloire d'appartenir au Portique; mais ils furent assez indépendants pour en tempérer la rigueur par de nombreux emprunts aux autres écoles.

Epictète semble s'être attaché, plus fortement qu'eux, aux vraies théories stoïciennes. Le grand nombre de philosophes qui ont professé le stoïcisme, le mélange du génie grec et du génie romain, le caractère de secte religieuse qu'elle a revêtu, ont jeté dans la doctrine stoïcienne une obscurité et une variété qui en rendent l'étude difficile.

Voici cependant quels étaient les principaux points de cette doctrine. La philosophie stoïcienne avait trois parties : la logique, la physique et la morale.

Cette dernière passait pour la plus importante.

« La philosophie, disaient les stoïciens, est un jardin dont la logique est l'enclos ; la physique, la terre et les arbres ; la morale, le fruit.

» 1° Logique.

— Les stoïciens plaçaient le commencement de la connaissance dans la sensation; c'est d'eux que vient le principe : Nihii est in intellectu quod non prius fuerit in sensu.

L'âme est comme une tablette sur laquelle se grave tout d'abord l'impression produite par les objets extérieurs.

Toutefois, cette impression n'est pas la connaissance.

L'esprit possède une certaine activité, à l'aide de laquelle il élabore les données des sens. L'activité intellectuelle a plusieurs degrés : 1° l'assentiment donné à la sensation, et par lequel l'esprit saisit l'existence de l'objet; Zénon comparait cette opération à la main qui commence à se fermer en saisissant un objet ; 2° la représentation compréhensive, qui a pour effet de réunir et de comparer les sensations, de manière à en former des notions générales; la main qui se ferme complètement est le type de la représentation compréhensive ; 3° la science, qui réunit et enchaîne toutes les connaissances, et que Zénon figurait en ramenant l'une de ses mains sur l'autre déjà fermée.

Les premiers stoïciens attachaient la plus grande importance à la dialectique (ou art de bien raisonner) ; mais ils se laissèrent aller à de vaines subtilités dont Sénèque se moque dans ses Lettres. 2° Physique.

— Il n'y a pas d'être qui soit purement immatériel.

Dans toute chose il y a un double principe, l'un actif, l'autre passif; une matière et une force inséparables dans la réalité.

Le principe d'où sortent toutes choses et où toutes choses doivent rentrer, c'est Dieu, appelé aussi Raison.

Dieu n'est que l'âme du monde. Il contient en lui toutes les raisons des choses; c'est comme une semence qui contient en germe tous les êtres.

Il se transforme et se développe de manière à produire le monde avec toutes ses variétés.

Ce Dieu qui anime ainsi l'univers est le feu. Notre âme n'est qu'une étincelle du feu divin; elle n'existerait pas sans la matière qu'elle pénètre; aussi, lorsque celle-ci est anéantie, l'âme rentre-t-elle dans l'âme universelle d'où elle était sortie.

C hrysippe corrige la doctrine stoïcienne sur ce dernier point, en admettant que les âmes des sages et des héros qui, d'ailleurs, sont plus parfaites que les autres, survivront quelque temps aux corps qu'elles animaient. C omme il est facile de le voir, la théologie stoïcienne n'est qu'un panthéisme grossier.

C ependant Dieu est P rovidence; il gouverne toutes choses avec sagesse, ordre et harmonie.

Mais il ne faut pas s'y tromper; cette Providence n'est que le Destin ou la Nature ; c'est la Nécessité agissant d'une manière réglée, mais sans conscience et sans liberté. 3° Morale.

— La Nature ou la Raison étant la grande loi du monde, tous les êtres, quels qu'ils soient, doivent vivre conformément à cette loi.

La maxime qui réglera la vie de l'homme sera donc celle-ci : « Vis conformément à la nature, » ou ce qui est la même chose : « V is conformément à la raison.

» Cette maxime a deux sens qui, en réalité;, ne sont pas distincts : vivre conformément à la nature veut dire vivre conformément à l'ordre universel, mettre dans sa vie la régularité qui existe dans le monde; vivre conformément à la nature veut dire encore vivre conformément à la nature humaine, c'est à dire à la raison qui est en nous; mais comme celle-ci n'est qu'une partie de la nature universelle, de la raison divine, la seconde explication se ramène à la première. Toutes les actions conformes à la raison ou à la nature seront bonnes, car le bien d'un être est dans la conformité à sa loi; toutes celles qui seront opposées à la raison seront mauvaises; quant à celles qui ne seront ni conformes ni opposées à la raison, elles seront indifférentes.

V oilà pourquoi le plaisir n'est pas un bien, ni la douleur un mal, quoiqu'il puisse y avoir certains motifs qui, entre les choses indifférentes, rendent les unes préférables, les autres non préférables.

V oilà pourquoi encore toutes les actions bonnes le sont également, et pourquoi il n'y a pas de degrés dans les actions mauvaises; car une chose est conforme à la raison ou elle ne l'est pas, il n'y a pas de milieu.

Quelques stoïciens, entre autres Sénèque, corrigèrent ce point de la doctrine. En agissant conformément à la raison, l'homme trouvera son plus grand bien, par conséquent son plus grand bonheur; car l'un ne saurait être séparé de l'autre.

A ussi l'homme vertueux sera-t-il l'homme le plus heureux; c'est dans la vertu elle-même qu'il trouvera sa récompense : Gratuila est virtus, virtutis praemium ipsa virtus.

Il n'a rien à espérer d'une vie future. C e bonheur de l'homme vertueux existe réellement : il consiste dans la sérénité de l'esprit, dans l'ataraxie.

En effet, le sage est heureux s'il jouit de tout ce dont il peut disposer; or, il ne peut disposer que de lui-même, de sa liberté.

C ette liberté consiste à ne se troubler de rien ; par conséquent à supporter les douleurs physiques et tout ce qu'on regarde vulgairement comme des maux, et à s'abstenir de tout ce qui pourrait enlever le calme et la tranquillité de l'âme, comme les émotions sensibles, la pitié, l'admiration, etc.

Pour cela, il faut savoir distinguer les choses qui dépendent de nous et celles qui n'en dépendent pas; s'abstenir des unes et supporter les autres quand elles ne sont pas conformes à notre nature.

De là cette maxime célèbre : Supporte et abstiens-toi qui devient la principale règle de conduite.

A rrivé au suprême degré de la sagesse, à cette impassibilité parfaite, « le sage l'emporte même sur Dieu, dit Sénèque, à un certain point de vue; car Dieu doit sa sagesse à sa nature et non à lui-même.

» Aussi, pour conserver sa liberté, l'homme peut-il recourir à tous les moyens qui sont en son pouvoir, au suicide même. C elte doctrine, qui va jusqu'à proscrire les affections de famille, en ce qu'elles ont de trop vif et de nuisible à l'impassibilité du sage, proclame cependant l'unité de la nature humaine et l'égalité de tous les hommes.

C 'est que la raison est une et identique chez tous les individus de l'espèce humaine; à ce titre tous sont égaux, et chacun peut dire avec C icéron : Civis sum totius mundi.

Le lien qui unira toute celle société portera le beau nom de caritas generis humani.

A ussi « le droit du maître sur l'esclave est mauvais, » dit Zénon.

« L'esclave est un homme, un compagnon d'esclavage, » dit Sénèque.

C e n'est pas encore la charité chrétienne, mais c'est le relèvement de la dignité humaine : Homo res sacra homini. La morale stoïcienne a un principe d'obligation insuffisant et obscur, la conformité à la nature, principe sur lequel l'épicuréisme prétendait aussi s'appuyer. Elle fausse la notion de la liberté humaine, en n'en faisant que la soumission à la nécessité.

Elle exagère l'importance de la tranquillité du sage, an point de lui permettre le suicide.

La maxime, dans laquelle elle prétend renfermer tous les préceptes, exprime bien quelques-uns de nos devoirs, mais elle est incomplète.

La morale du Portique ne donne pas, d'ailleurs, un motif suffisant de s'abstenir et de supporter, puisque, niant la véritable sanction de la loi morale, elle ne laisse plus aux actions d'autre but qu'une impassibilité souvent gênante pour la nature.

Elle mutile l'âme humaine, en détruisant la sensibilité, sous prétexte de combattre les passions, et elle oublie, par là même, que la nature complète de l'homme comprend la sensibilité et la raison; ou bien, si elle s'en souvient, elle distingue les appétits corporels des sentiments, et elle proclame que les appétits sont indépendants de nous, et que leur satisfaction doit nous être indifférente : par là s'explique l'extrême indulgence de certains stoïciens pour les dérèglements les plus houleux, indulgence qui rappelle parfois les aberrations des cyniques.

Enfin cette morale a donné lieu aux paradoxes les plus étranges : T outes les fautes sont égales; le sage seul est riche; le sage seul est libre, etc. Malgré ces défauts de la morale stoïcienne, on comprend cependant que les âmes fortes aient cherché, dans ses maximes, un refuge contre les funestes effets de l'épicurisme.

En faisant mieux comprendre la dignité humaine, elle a pu relever certains caractères ; mais la grande régénération des âmes était réservée à une autre morale plus pure et plus complète, parce qu'elle était divine : la morale de l'Evangile.. »

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