Tout peut-il être démontré ?
Publié le 26/05/2022
Extrait du document
«
Peut-on tout démontrer ?
«Le cœur a ses raisons que la raison ignore » nous dit Blaise Pascal dans ses Pensées,
ainsi il reconnaît un autre ordre de connaissance que la raison.
Selon le philosophe, les
principes premiers ne sont pas le fruit de la raison ou de n’importe quelle forme de
démonstration, mais du cœur, l’instinct.
C’est le cœur qui donne à la raison le point initial de
toutes ses démonstrations, auxquelles elle ne saurait accéder par elle seule.
C’est alors que la
pensée commune affirme ce qu’elle tient pour vrai sans chercher à le prouver avec un
examen critique, la pensée rationnelle, elle, s’efforce de rendre raison de ce dont elle parle
mais aussi de sa justesse.
Pour ce faire, la pensée rationnelle montre que son affirmation
correspond à l’état des choses ou démontre qu’elle correspond à ce qui a déjà été vérifié,
c’est ce qu’on nomme : la démonstration.
La démonstration est d'ordre rationnel, elle vise la
vérité absolue de la conclusion et s'appuie sur des allégations certaines.
Cependant, tout
peut-il être vérifié par une démonstration ? La démonstration est-elle la seule manière de
vérifier une chose ou une hypothèse ? Existe-il des failles à ce mode de justification ? Tout
peut-il être démontré ? L’enjeu de cette réflexion vise à savoir si la démonstration peut
s’appliquer à toutes nos vérités et toutes nos hypothèses et si raisonner correctement suffit à
ne pas omettre d’erreurs.
Il semblerait que l'on puisse tout démontrer mais peut-être de manière plus ou moins
efficace même s'il est possible d'élaborer une démonstration pour toutes choses: ainsi
Gorgias dans le dialogue de Platon prétend pouvoir persuader un auditoire sur toutes choses
et auprès de n'importe qui.
Tous les sujets seraient ainsi démontrables.
Il peut démontrer par
exemple qu'il est meilleur médecin qu'un vrai médecin et que par son art oratoire les malades
le choisiraient lui plutôt que le praticien reconnu.
Par le pouvoir de la rhétorique, l'homme
pourrait tout démontrer, rien ne serait indémontrable pour un bon rhéteur comme Gorgias.
Cependant, cette approche n’est pas tout à fait juste, elle ne prend pas en compte la question
essentielle: le lien entre la démonstration à la vérité.
En effet, «Démontrer» implique d'établir
de façon rigoureuse la vérité d'un énoncé ou d'une idée par la déduction, en rattachant.
La
démonstration vise la vérité de manière incontournable.
Démontrer suppose un raisonnement
et une conclusion à partir d’affirmations véridiques.
Aristote nous rappelle dans son Organon ce qu'est un raisonnement démonstratif: «
certaines choses étant posées, quelque chose d´autre suit nécessairement, par le seul fait
que ces choses sont telles ».
C’est le principe du syllogisme, un outil de démonstration et de
rhétorique.
La formule qu’il utilise est celle-ci : tout homme est mortel (majeure), Socrate est
homme (mineure), donc Socrate est mortel (conclusion).
Avec ce modèle, on observe qu’on
peut démontrer une hypothèse à partir de deux vérités vérifiées pour arriver à une conclusion
véridique.
Ce modèle formel nous amène à un autre problème : comment distingue-t-on vrai
et faux syllogismes ? Le risque de confusion est souligné par Guillaume d’Occam.
Il suffirait
de s'en tenir au seul syllogisme, sans le contrôler par des règles logiques, pour se tromper :
“ ceux qui ignorent cette science prennent de nombreuses démonstrations pour des
sophismes, et inversement, accueillent à titre de démonstrations bien des sophismes, faute
de savoir distinguer entre le syllogisme sophistique et le démonstratif.
Leibniz se refuse
d’ailleurs à ce modèle de démonstration pour ses risques de confusion.
Si nous avons montré que la démonstration relève d’une habilité des mots et que de
cette manière l’art rhétorique servait à démontrer n’importe quel énoncé ou idée, il est
essentiel de constater des limites s’impose à cette recherche : ce qui est premier ne peut être
démontré.
«Sont vraies et premières les choses qui tirent leur certitudes, non pas d’autres choses,
mais d’elles-mêmes» définit Aristote.
On ne peut pas a priori démontrer les affirmations de la
démonstration, elles sont évidentes par elles-mêmes, ce sont des vérités intuitives.
Descartes.
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