Tout conflit est-il nécessairement mauvais ?
Extrait du document
«
VOCABULAIRE:
CONFLIT (n.
m.) Violente opposition matérielle (conflit social), morale (conflit des devoirs) ou rationnelle (KANT :
conflit de la raison avec elle-même) ; contrairement à la concurrence, le conflit suppose divergence de but entre les
protagonistes.
MAUVAIS: 1) Opposé à bon.
2) Mauvaise conscience: état de celui qui doute de la légitimité de ses actes ou
éprouve du remords.
NÉCESSAIRE:
Est nécessaire ce qui ne peut pas ne pas être, ou être autrement.
S'oppose à contingent.
Sur le plan logique, est nécessaire ce qui est universellement vrai, sans remise en cause possible.
Tout conflit est mauvais, ou peut-il être fécond ? Le terme "conflit" appartient au champ lexical de la guerre.
Le
sens premier du conflit est guerrier, et cette notion étend la guerre à tous les champs auxquels elle s'applique.
Qu'est-ce qui fonde le rejet de ou l'attraction envers le conflit ? La guerre, tout simplement.
S'opposent donc une
conception belliqueuse et une conception pacifique de la vie, de la pensée, de l'être.
Des développements
ontologiques de ces deux conceptions sont fournis par les présocratiques : certains posent que c'est l'Amour et
l'harmonie (la paix) qui sont à l'origine de l'univers ; d'autres accordent une place à la Discorde : la guerre
participerait à la création du monde (Aristote, Métaphysique, I, 4).
De même que la notion de conflit est applicable à
un grand nombre de domaines, le clivage entre posture guerrière et pacifique traverse de très nombreux enjeux.
Comment concevoir cette opposition guerre/paix dans le cadre de la pensée ? Penser, est-ce se mettre en harmonie
avec soi-même et convaincre les autres à force de justes raisons ou bien est-ce vaincre les autres et laisser la
tension entre idées concurrentes s'installer en soi ? Deleuze analyse les dialogues platoniciens sous cet angle, dans
l'introduction à Qu'est-ce que la philosophie ?, ainsi que Nietzsche dans la préface au Gai savoir.
[Une société heureuse et juste est une société sans conflits.
Tous les gouvernements tentent d'établir la
paix et la justice sociales.
Les individus peuvent éviter les conflits en se soumettant à la volonté générale
et en oeuvrant pour le bien commun.
La société sans classes mettra fin aux conflits en supprimant les
inégalités.
Le but de tout bon gouvernement est de résoudre les conflits.]
La volonté générale doit s'imposer
Pour les théoriciens de la volonté générale, comme Rousseau, une
société sans conflits est concevable.
Elle est d'ailleurs la seule société
authentiquement juste.
Les conflits, en effet, proviennent de ce que
les individus sont naturellement égoïstes et défendent leurs intérêts
avant l'intérêt général.
Le problème de la création de l'Etat légitime peut donc s'énoncer ainsi :
« Trouver une forme d'association qui défende et protège de toute la
force commune la personne et les biens de chaque associé, et par
laquelle chacun s'unissant à tous n'obéisse pourtant qu'à lui-même et
reste aussi libre qu'auparavant.
»
Or, comment créer des lois et n'obéir à personne ? La réponse de
Rousseau est apparemment simple : « Le peuple soumis aux lois doit
en être l'auteur.
»
Chaque individu promet d'obéir à la « volonté générale ».
La « volonté
générale » est ce qu'il y a de commun dans toutes les volontés.
Par
exemple, au moment où un groupe d'individus veut s'associer, il existe
en chacun de ses futurs membres une volonté commune : créer cette
association, quelles que soient par ailleurs leurs volontés particulières
et différentes, singulières.
En promettant d'obéir à la « volonté générale », je ne promets en fait que d'obéir à
moi-même, qu'à une partie de ma volonté, qui se trouve coïncider avec celle des autres.
Sans doute, en
obéissant à la « volonté générale », ne réaliserai-je pas toutes mes volontés, je ne satisferai pas tous mes
intérêts.
Mais je me réaliserai que ce que je veux, que mes intérêts.
En aucun cas je ne serai soumis à la
volonté d'un autre.
Bref, je resterai libre..
»
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