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Suis-je responsable de mes goûts ?

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« Le goût, en effet, désigne, d'une part, un « don » personnel, d'autre part un phénomène collectif, l'orientation d'une société ou d'un milieu vers certaines formes d'art nettement déterminées ; c'est la faculté d'éliminer, de choisir, de créer des associations heureuses, qui naît d'une certaine intuition de la qualité, de la « saveur » des choses, parallèle en somme à celle qui s'exerce sur le plan sensoriel et gastronomique.

Au sens de phénomène collectif, le goût n'a pas ce caractère subjectif : il est parfois une adhésion aux préférences et aux choix de personnalités marquantes d'un milieu, plus souvent le contrecoup d'événements historiques, d'une découverte ou d'une création dans le domaine de la culture ou même de la technique.

Le goût d'une époque est fréquemment une réaction contre celui de l'époque précédente.

Les différentes étapes de l'histoire du goût ne sont pas les phases successives d'une évolution continue, mais recèlent en elles-mêmes leur point de départ et leur terme.

Celui-ci est marqué d'abord par la création d'un style, plus ou moins éphémère et, parallèlement, par l'apparition de modes, de « manies », d'engouements, qui s'épuisent par leur excès même.

On comprend que dans la définition même du goût, il n' y a pas uniquement des prérogatives subjectives, mais le goût est façonné par l'entourage proche ou par la société.

Je ne serais pas entièrement responsable de mes goûts. 1) Je suis responsable de mes goûts : c'est une faculté personnelle. Le goût personnel est, en quelque sorte, un sixième sens, la faculté de déceler la beauté d'une forme, au-delà d'adjonctions extérieures disparates et en faisant abstraction de l'opinion d'autrui.

Cette lucidité de l'œil, cette pénétration visuelle immédiate peut s'exercer dans des domaines très différents selon le genre de vie, les curiosités, les activités de chacun : le choix d'objets de collection ou celui d'un vêtement, l'arrangement d'un vase de fleurs ou la présentation d'une exposition font appel, pour une part, à une même intuition de l'harmonie, à un même sens des couleurs et des rythmes.

L'art de susciter des accords satisfaisants, de mettre en valeur les éléments rares ou précieux d'un ensemble à première vue sans accents particuliers, dépend en partie de la formation reçue, de l'orientation adoptée sous l'influence du milieu familial ou social et en fonction des aptitudes intellectuelles de chacun.

Mais ces facteurs extérieurs interviennent à des degrés divers selon la nature et l'orientation du goût. D'une même éducation, d'un même milieu, des tempéraments divers reçoivent des impulsions différentes.

Chaque personnalité établit spontanément une sélection dans le « matériel » intellectuel ou visuel mis à sa portée.

La mémoire enregistre, élimine, crée des hiérarchies.

Et ce choix, déterminé par le goût, modifie l'environnement individuel, influence les choix ultérieurs et développe les tendances majeures de la personnalité. 2) l'influence du milieu. Selon Bourdieu, dans les Héritiers, il manque aux étudiants, pour être un groupe homogène et intégré, une expérience commune dont l'absence est à rechercher pour chacun dans la détention ou non d'un ensemble d'attitudes, de dispositions et de capitaux culturels reçus, en quantité et en qualité, de la famille.

Le caractère très formel de l'égalité des chances scolaires tient à cette inégalité devant la culture que renforce l'école elle-même en utilisant comme critères pédagogiques de jugement de son public les traits distinctifs du rapport à la culture entretenu par les classes aisées : le dilettantisme cultivé, le détachement affecté et le maniement aisé et subtil de la lettre et de l'esprit savant.

Aussi le goût est à la fois quelque chose qui s'apprend et quelque chose qui est transmis par la famille et l'entourage, ce qui a la faculté de transformer des données culturels en don innés.

C'est là qu'il peut y avoir l'illusion que le goût est don inné, et non comme quelque chose que la culture aurait créer. 3) Le goût comme phénomène social. En tant que phénomène collectif, le goût est largement déterminé par des circonstances extérieures, tenant à l'évolution économique et sociale, qui peuvent sembler, à première vue, ne pas devoir entraîner de répercussion sur le plan esthétique.

Le rôle des artistes demeure pourtant capital.

Il n'est pas question ici, naturellement, des orientations qui s'affirment dans tel ou tel milieu, de la vogue des tableaux d'une certaine période qui se dessine à un moment donné, des cotes qui montent, de l'attrait soudain exercé par certains genres, par certaines écoles de peinture.

Dans ces différents cas, seuls les marchands, les collectionneurs, les spéculateurs sont concernés.

Il n'en reste pas moins que l'œuvre des peintres, des sculpteurs, des architectes peut exercer une influence décisive sur le goût, soit que les artistes s'imposent d'eux-mêmes et imposent leur propre conception de la beauté, soit qu'ils se trouvent mis en vedette, protégés, imposés par les puissants du jour.

Citons encore une fois Voltaire : « Le goût se forme insensiblement dans une nation qui n'en avait pas parce qu'on y prend peu à peu l'esprit des bons artistes.

On s'accoutume à voir les tableaux avec les yeux de Le Brun, du Poussin, de Le Sueur ; on entend la déclamation notée des scènes de Quinault avec l'oreille de Lulli, et les airs, les symphonies, avec celle de Rameau.

On lit les livres avec l'esprit des bons auteurs.

» Quant à l'art de cour, des palais minoens aux salons de la princesse Mathilde, certes il impose un style, mais il oriente aussi le goût, d'abord dans le pays où il est né, puis partout où s'exerce l'influence de celui-ci. Conclusion. On ne peut être entièrement responsable de son goût.

L'homme est essentiellement un être de culture, surtout en ce qui concerne les sentiments esthétiques.

Le goût sera alors dépendant du conditionnement social, de l'éducation, de la société dans son ensemble.

Chaque individu est libre, il peut alors avoir des goûts déviants, il peut avoir un mauvais goût et ne pas aimer ce que son entourage lui propose, cette personne est alors jugé marginale.

La société juge du bon ou du mauvais goût.. »

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