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Suffit-il de s'observer pour se connaitre?

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« Souvent l'acquisition d'une connaissance commence par une observation, ou en nécessite au cours de sa formation.

La connaissance des astronomes conjugue l'observation des corps célestes aux calculs complexes de leurs trajectoires, la connaissance géométrique peut nécessiter l'appui de figures, comme le montre le cas de l'esclave dans le Ménon.

Mais qu'en est-il pour la connaissance de soi ? Quelle est la part de l'auto-observation dans la connaissance que j'ai de moi-même ? Il semble douteux que s'observer suffise à me procurer un savoir de moi-même, nous verrons dans quelle mesure cela y participe et quelles sont les limites de l'auto-observation. I- Le mythe de l'introspection. Si se connaître passe par ou se résume à l'observation de nos états de conscience, de notre moi intérieur, encore faut-il pouvoir observer de soi-même notre moi.

Or l'opération est contradictoire, impossible comme Kant le montre en détail dans les « paralogismes » (Critique de la raison pure).

Le sujet ne peut se dédoubler pour s'observer lui-même.

Dans la première moitié du XXIIIe siècle Comte reprend le mot de scientifiques à propos de l'introspection, dans une leçon du Cours de philosophie positive : les psychologues recommandent au sujet de cesser toute activité, de ne plus penser à rien, et alors d'observer ce qui se passe en soi.

Évidemment les scientifiques ont beau jeu de répartir qu'en de telles conditions il ne se passe plus rien dans notre tête. L'auto-observation du moi pour réussir peut alors prendre deux voies : soit l'analyse psychanalytique, mais il ne s'agit plus à proprement de s'observer, si ce n'est par la médiation d'un tiers.

Soit peut-être l'analyse de ses propres rêves, encore faut-il croire que ceux-ci révèlent quelque chose de nous même, les transcrire fidèlement et savoir les analyser. Autrement dit la tâche paraît vaine, comment pourrions nous nous analyser objectivement, acquérir une connaissance non tronquée de nous-même par ce biais ? S'observer paraît déjà délicat à réaliser même si c'est une observation décalée dans le temps.

Dès lors il faut se demander si l'auto-observation peut prendre un autre objet que le moi ou les rêves afin que j'apprenne à me connaître moi-même. II- S'observer est en deçà de se connaître. Pour connaître la psychologie de l'animal observer son comportement suffit en gros, la zoologie est avant tout une étude descriptive des techniques et du vivre animal.

Mais comment penser que s'observer suffise pour l'homme à se connaître ? Pour le dire d'une façon très schématique, comment le dehors nous donnerait-il le dedans ? Certes le corps par des manifestations psychosomatiques, des ratages, des hésitations, laisse transparaître notre état interne, mais nous ne sommes pas toujours attentif à de tels indices.

De plus la connaissance de soi ne peut se résumer à celle que nous acquérons de nos défaillances. Dans Paradoxes de la conscience et limites de l'automatisme (p.77) Ruyer distingue observation et connaissance en ce que la première est toujours rivée à un « ici », ce que j'observe est toujours localisé, or connaître n'est-ce pas transcender l'étendue ? La connaissance que j'ai de la psychologie d'un autre, celle de l'atmosphère du cinéma américain d'avant guère ou de la voix d'un ami figurent-elles dans l'espace au moment ou je les ai, étaient-elles même seulement spatiales au moment où je les acquis ? Il semble que connaître ce soit toujours prendre ses distances par rapport à l'observation, observer ce n'est pas intégrer, comprendre, ni donc connaître.

Observer une partie d'échecs ne suffit pas à connaître la façon dont les joueurs ont pensé leur plan durant la partie, de même qu'écouter une symphonie ne nous apprends rien sur la façon dont marchent les instruments.

Pour connaître le fonctionnement d'un instrument il faut déjà apprendre à en jouer, on peut dire que la connaissance de soi passe également par l'expérience, c'est en faisant que je me connais, en me réalisant que j'apprends qui je suis.

C'est pourquoi l'action me révèle souvent qui je suis, a minima dans le jeu, a fortiori à la guerre. III- Le rôle positif de l'auto-observation dans la connaissance de soi. S'il est clair que s'observer ne suffit pas à se connaître il faut néanmoins affirmer que la connaissance de soi reste impossible si aucune observation sur soi n'est possible.

Se connaître est en partie une observation de soi sur soi corrélée à une interprétation. Celle-ci peut être personnelle : c'est en interprétant leur comportement vu et ressenti que le sportif ou l'acteur peuvent mieux se connaître. Les résultats de la psychanalyse (ses adversaire diront sa seule réputation) semblent témoigner en faveur de ce qu'elle est le meilleur moyen pour un sujet de se connaître.

Or l'analyste ne travaille pas à partir de rien, certes il observe lui aussi le sujet (ses tics, intonations, silences, gestes…) mais compte tout autant sur l'auto-observation que ce dernier lui fournit pour exercer ses interprétations. Bien sûr la cure psychanalytique, nous l'avons dit, ne se fait pas en première personne, ce n'est pas tant s'observer pour se connaître que s'observer (soi au quotidien, ses rêves et tout autant se souvenir) afin d'obtenir par l'intermédiaire de l'analyste une meilleure connaissance de soi.

Et encore, si l'on interrogeait des patients ceux-ci répondraient sans doute qu'ils sont davantage motivé par un mieux vivre que par l'obtention d'une meilleure connaissance de soi. Conclusion : L'observation de soi est déjà en elle-même difficile lorsqu'on vise le moi, elle est insuffisante pour se connaître car le soi n'est pas une substance statique, spatialisée.

Le fonds de mon être se révèle peut-être plus que jamais dans mes actions, c'est-à-dire, mes décisions et initiatives, lesquelles sont invisible à l'auto-observation. Cependant la connaissance de soi la plus aboutie est obtenue par le biais de la cure psychanalytique et celle-ci nécessite des données que seule l'auto-observation peut fournir.

Le discours du patient sur lui-même est en effet constitué par un regard de soi sur soi.

Toutefois dans ce cadre, observation et connaissance de soi ne sont pas des fins mais fourbissent les moyens d'une amélioration de l'existence.. »

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