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Sommes-nous gouvernés par notre inconscient ?

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« Au cogito cartésien, transparent à lui-même, la philosophie, à partir de Schopenhauer et de Nietzsche, a commencer de thématiser une conscience plus opaque ; loin d'être à elle-même claire et distincte, elle s'avère ignorante des motifs qui la gouvernent.

L'entreprise psychanalytique menée par Freud souligne que le moi n'est plus maître dans sa propre maison, ce serait donc l'inconscient qui régirait notre vie psychique.

Nous verrons que les indices ne manquent pas pour abreuver la thèse de la puissance de l'inconscient, toutefois nous commencerons par nous demander ce que signifie philosophiquement d'adopter la thèse de l'inconscient psychique. I-L'inconscient n'est que l'autre nom de la mauvaise foi. L'hypothèse de l'inconscient psychique, que Freud légitime à partir de la nécessité d'expliquer les manifestations rationnellement inexplicables de la conscience, comme le rêve ou le lapsus, ne se présuppose t-elle pas elle-même ? En effet, il peut sembler que Freud voit partout du sens, y compris dans ce qui en est dénué. L'hypothèse d'un inconscient présuppose la nécessité d'interpréter le sens caché de manifestations psychiques.

Or, en quoi ce qui est incompréhensible devrait nécessairement faire sens ? N'y a-t-il pas une part d'errance, de raté, de gratuité au sein du psychisme et qui n'a pas à être saisi par une herméneutique ? Comme on le sait, le thème de l'inconscient a alimenté bien des débats au-delà du cadre de la philosophie de la conscience.

La philosophie morale s'est vue ainsi enrichie et bouleversée par l'irruption de la notion d'inconscient.

La folie d'un sujet pouvant désormais être rapportée, par une herméneutique psychanalytique, à une histoire personnelle, le sujet coupable pouvait bénéficier de nouvelles circonstances atténuantes.

En effet, en reconnaissant l'existence de l'inconscient, on reconnaissait par là même son efficacité.

La faute n'est donc plus synonyme du mal, mais, curieusement reprend son aspect grec de fatalité ; curiosité éclairée par l'intérêt portée à la tragédie grecque par la psychanalyse. Alain puis Sartre notamment se sont démarqués en réduisant l'inconscient à un autre nom de la mauvaise foi.

Autrement dit, loin de permettre le dévoilement de l'histoire réelle d'un sujet, l'inconscient ne ferait que masquer au sujet sa responsabilité.

En lui retirant sa liberté, l'inconscient déresponsabilise et permet d'excuser des actes répréhensibles.

L'inconscient ne serait donc pas la Parole vraie du sujet, enfin mise à jour, mais un recul philosophique, en deçà de la raison, une animalisation de l'humanité.

Dire que l'homme est gouverné par l'inconscient n'est-ce pas lui retirer précisément ce par quoi il est homme, c'est-à-dire sa capacité d'auto-determination ? II-Le moi n'est plus maître dans sa propre maison. Toutefois, on peut se demander si les contradicteurs de l'inconscient ne sont pas illusionnés par une image trop idéale de l'homme.

En effet, être homme ce n'est peut-être pas être de part en part un individu rationnel et toujours conscient des motifs qui animent son action.

L'homme n'est-il pas traversé par une part d'irrationalité ? Il nous semble que le psychisme est soudainement plus riche et vrai lorsqu'on le conçoit avec une part d'ombre. Celle-ci est déjà mise en évidence par Nietzsche, dans La volonté de puissance il caractérise la conscience comme un organe secondaire et mal développé ; auparavant dans Humain trop humain il arguait que la part d'irrationnel dans notre vie, supérieure à celle qui découle d'une logique rationnelle, permettait d'attester de la faiblesse de la conscience. Cette dernière serait donc gouvernée par l'inconscient, ce déplacement fut mis au rang, par Freud lui-même, des révolutions scientifiques que constituèrent l'abandon du géocentrisme au profit de l'héliocentrisme et la mise en évidence d'une parenté de l'homme avec le singe par Darwin.

Ces déplacements sont autant de blessures narcissiques ; cette analyse permet d'interpréter les critiques développées dans la première partie comme autant de réactions de défense face à la découverte freudienne. Schopenhauer, dans Essai sur le libre arbitre établissait un parallèle entre les motifs psychologiques et les forces physiques.

Ainsi il montrait comment nous ne pouvions nous auto-déterminer, puisque les motivations psychiques, analogues aux forces physiques, agissent indépendamment de notre volonté.

Lorsque nous avons le sentiment de faire un choix, ce n'est qu'une illusion, en réalité nous ne faisons que céder à un motif psychique qui s'est avéré plus puissant qu'un autre. Dans un livre méconnu, Le mystère de la mémoire, François Ellenberger thématise « l'illusion d'intention », celle-ci consiste à se croire libre du choix non seulement de ses actions mais également de ses pensées ; selon l'auteur cette illusion nous dispense de l'effort que nous coûterait une interrogation sur le pourquoi de nos pensées, de nos désirs, bref du contenu manifeste de notre vie consciente. Freud va être amené à concevoir que bon nombre de maladies, mais aussi d'actes quotidiens s'expliquent si l'on admet l'hypothèse de l'inconscient.

Il y aurait en nous u « réservoir » de forces et de désirs (ou pulsions) dont nous n'aurions pas conscience, mais qui agiraient sur nous..

Pour le dire brutalement, en ce sens, l'homme n'agirait pas (ne choisirait pas ses actes e toute connaissance de cause, dans la clarté), mais serait agi (c'est-à-dire subirait, malgré lui, des forces le contraignant à agir) : il ne serait pas « maître dans sa propre maison », il ne serait pas maître de lui. Empruntons à Freud un exemple simple.

Un président de séance, à l'ouverture dit « Je déclare la séance fermée » au lieu de dire « Je déclare la séance ouverte ».

Personne ne peut se méprendre sur ses sentiments ; il préférerait. »

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