Sans autrui puis-je être humain ?
Extrait du document
«
Analyse du sujet : La notion d'humanité pourrait-elle s'appliquer à une conscience solitaire ou suppose-t-elle au
contraire l'intersubjectivité et l'appartenance à une société ? Autrement dit, l'individu isolé peut-il être autre chose
qu'une abstraction ? Un Dieu ou une bête comme le dit Aristote.
Conseils pratiques : Mettez en lumière le caractère relationnel de l'existence humaine tant au niveau de la
conscience qu'à ceux du langage, du travail, ou des échanges par l'exemple.
THESE
[Sans autrui, je peux être humain.
J'ai l'intuition immédiate de mon humanité.
Le solipsisme cartésien.]
Le Larousse définit le solipsisme comme venant du latin solus, seul, et ipse, soi-même.
En philosophie, le
solipsisme est une "doctrine, conception selon laquelle le moi, avec ses sensations et ses sentiments,
constitue la seule réalité existante.".
On trouve cette idée chez Descartes qui affirme qu'on parvient à
prendre conscience de son humanité au prix d'une formidable ascèse solitaire.
Ainsi chez Descartes, la
conscience est un sujet qui se réfléchit lui-même en dehors du monde et à l'écart d'autrui.
C'est en niant le
monde que la conscience se découvre.
Elle se pose dans la réflexion comme nature simple, absolue.
Elle jaillit
directement et immédiatement dans sa résistance à tous les efforts du doute.
Chez Bergson la conscience de
soi est aussi immédiate, elle est l'objet d'une saisie intuitive qui met l'homme de plain-pied au contact de son
être.
La démarche qu'a suivie Descartes est passée par le solipsisme, c'est-à-dire la réfutation de l'existence
d'autrui et plus généralement du monde extérieur en tant qu'il existe en soi.
C'est l'attitude de Hegel déclarant
: « le monde est ma création », c'est-à-dire que le monde extérieur n'est qu'une création projetée de mon
esprit qui est ma certitude essentielle.
Mais, selon Descartes, le solipsisme n'est qu'une étape dangereuse et qu'il faut dépasser.
Le danger venant
de ce que le solipsisme étant irréfutable ne fait pas réellement face aux nécessités extérieures.
C'est ce que
Schopenhauer exprima en déclarant : « le solipsiste est un fou enfermé dans un blockhaus imprenable ».
ANTITHESE
[L'homme est un animal politique (Aristote)]
C'est au second chapitre du premier livre de la « Politique » que l'on retrouve en substance la formule
d'Aristote.
On traduit souvent mal en disant : l'homme est un « animal social », se méprenant sur le sens du
mot « politique », qui désigne l'appartenance de l'individu à la « polis », la cité, qui est une forme spécifique
de la vie politique, particulière au monde grec.
En disant de l'homme qu'il est l'animal politique au suprême degré, et en justifiant sa position, Aristote, à la
fois se fait l'écho de la tradition grecque, reprend la conception classique de la « cité » et se démarque des
thèses de son maître Platon.
Aristote veut montrer que la cité, la « polis », est le lieu spécifiquement humain, celui où seul peut s'accomplir
la véritable nature de l'homme : la « polis » permet non seulement de vivre mais de « bien vivre ».
Il affirme de
même que la cité est une réalité naturelle antérieure à l'individu : thèse extrêmement surprenante pour un
moderne, et que Hobbes & Rousseau voudront réfuter, puisqu'elle signifie que l'individu n'a pas d'existence
autonome et indépendante, mais appartient naturellement à une communauté politique qui lui est « supérieure
».
Enfin Aristote tente de différencier les rapports d'autorité qui se font jour dans la famille, le village, l'Etat,
et enfin la cité proprement dite.
La cité est la communauté politique au suprême degré et comme elle est spécifiquement humaine, « L'homme
est animal politique au suprême degré ».
En effet la communauté originaire est la famille : c'est l'association
minimale qui permet la simple survie, la reproduction « biologique » de l'individu et de l'espèce.
Composée du
père, de la mère, des enfants et des esclaves, elle répond à des impératifs vitaux minimaux, à une sphère «
économique » comme disent les Grecs.
« D'autre part, la première communauté formée en vue de la
satisfaction de besoins qui ne sont pas purement quotidiens est le village.
»
Il faut comprendre que famille et village sont régis par le besoin, par la nécessité naturelle de la vie, et ne
sont pas propres à l'humanité.
Le cas de la « polis » est différent.
« Ainsi, formée au début pour satisfaire les besoins vitaux, elle existe pour
permettre de bien vivre.
» Dans la « polis » se réalise tout autre chose que la simple satisfaction des besoins :
sa fonction initiale (satisfaire les besoins vitaux) découvre autre chose de beaucoup plus important : non plus
le vivre mais le bien vivre.
Non plus la simple vie biologique mais l'accès à la vie proprement humaine, qui
dépasse la sphère économique pour atteindre la sphère morale.
« Car c'est le caractère propre de l'homme par rapport aux autres animaux d'être le seul à avoir le sentiment
du bien et du mal, du juste et de l'injuste, et des autres notions morales, et c'est la communauté de ces
sentiments qui engendre famille et cité.
»
Seule la cité, la « polis », transcende les simples nécessités vitales et animales et permet à l'homme d'accéder
à sa pleine humanité.
Elle naît de la mise en commun de ce qui est spécifiquement humain : la raison et les
sentiments moraux.
Ainsi les modernes ont-ils tort de parler « d'animal social » : ce qu'Aristote désigne est
moins l'appartenance à une communauté quelconque, ou encore régie par des intérêts « économiques », que
l'accès à une sphère autre, seulement politique, et qui permet à l'homme de s'épanouir en tant qu'homme, de
viser le bonheur, d'entretenir avec les autres hommes des liens libres, libérés de tout enjeu vital.
Plus étranges peuvent paraître les deux autres thèses, liées, d'Aristote, affirmant que la cité est une réalité.
»
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