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Saint Augustin et l'idée de temps de l'âme

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Qu'est-ce donc que le temps ? Quand personne ne me le demande, je le sais; dès qu'il s'agit de l'expliquer, je ne le sais plus... Saint Augustin

« Qu'est-ce donc que le temps ? Quand personne ne me le demande, je le sais; dès qu'il s'agit de l'expliquer, je ne le sais plus... Aurelius Augustinus (354-430) est né en Afrique romaine à Thagaste, petite ville de Numidie (l'actuelle Souk-Ahras, aux confins de l'Algérie et de la Tunisie).

Il s'installe comme professeur de rhétorique à Thagaste (373), puis à Carthage (374-383).

C'est là qu'il adhère au manichéisme dont il reste adepte pendant près de dix ans, faisant sienne la doctrine de Manès (216-277) selon laquelle deux principes distincts, le Bien (oeuvre de la lumière) et le Mal (oeuvre des ténèbres et surtout du corps), s'affrontent dans le monde.

De passage à Milan (384), il entend les discours de saint Ambroise qui le bouleversent et lui font découvrir Plotin et les néoplatoniciens.

Et, deux ans plus tard, en 386, c'est la conversion.

Il est ordonné prêtre en 391, et sacré évêque d'Hippone (ville située à l'ouest de Carthage) en 395, à l'âge de 41 ans. Saint Augustin est, aujourd'hui, surtout connu pour ses Confessions.

Avec fougue, il y raconte son enfance, sa jeunesse insouciante, sa vie dissolue et ses errements intellectuels jusqu'à sa conversion.

Avec le livre X commence la partie spéculative de cette oeuvre, qui porte sur le problème de la connaissance de Dieu.

Que faisait Dieu avant la création ? C'est pour répondre aux objections de ce type que saint Augustin se livre à une réflexion sur le temps. Et au livre XI, chap.

XIV (trad.

Pierre de Labriolle, Les Belles Lettres), on peut lire : « Qu'est-ce donc que le temps ? Quand personne ne me le demande, je le sais; dès qu'il s'agit de l'expliquer, je ne le sais plus.

» Quoi de plus familier, en effet, que le temps ? N'est-il pas intimement lié à toute notre expérience ? Ne revient-il pas souvent dans nos conversations ? Quand nous en parlons, ne comprenons-nous pas ce que nous disons ? Pareillement, lorsque c'est un autre qui en parle ? Et pourtant le temps, apparemment si facile à concevoir, reste un mystère à qui cherche à l'expliquer.

Pourquoi ? D'abord, que sais-je à propos du temps ? Je sais qu'il y a trois dimensions temporelles : le passé, le présent, l'avenir.

Partant de là, je peux affirmer « hardiment » que : « Si rien ne se passait, il n'y aurait point de temps passé; que si rien n'arrivait, il n'y aurait point de temps à venir; que si rien n'était, il n'y aurait point de temps présent.

» Mais que puis-je dire de ces deux temps : le passé et l'avenir, sinon que l'un n'est plus et que l'autre n'est pas encore ? Ce qui n'est plus, ce qui n'est pas encore, ne sont-ce pas là deux purs néants ? Ainsi le temps, considéré dans ces deux dimensions du passé et du futur, est privé d'être.

Et le présent ? Je serais tenté de répondre que c'est le seul temps qui soit.

Mais notre présent ne se transforme-t-il pas, sans cesse, en passé ? Sa seule raison d'être, n'est-ce pas de n'être plus ? Le présent n'existe donc pas comme tel puisqu'il ne saurait demeurer présent.

Et si le présent était toujours présent, alors il ne serait plus une dimension du temps, mais il serait éternité : « Le présent même, s'il était toujours présent, sans se perdre dans le passé, ne serait plus temps; il serait éternité.

Donc si le présent, pour être temps, doit se perdre dans le passé, comment pouvons-nous affirmer qu'il est aussi, puisque l'unique raison de son être, c'est de n'être plus ? » Ainsi, dès que nous cherchons à comprendre et à saisir en pensée ce qu'est le temps, nous découvrons son étrangeté. C'est que rien de déterminé, de réel ne semble se manifester en lui.

Le temps est privation d'être.

Et pourtant nous parlons de « temps long » ou de « temps court », comme si le temps était une réalité.

Cent ans, dirons-nous, c'est un temps long.

Mais comment peut être long ce qui n'est pas, c'est-à-dire ce qui n'est plus ou ce qui n'est pas encore ? Quel est le temps que nous pourrions qualifier de long ? Est-ce le passé ? Mais : « Ce long temps passé, fut-il long quand il était déjà passé ou quand il était encore présent ? Il ne pouvait être long que quand il était quelque chose susceptible d'être long.

Une fois passé, il n'était plus : il ne pouvait donc être long puisqu'il n'était absolument plus.

Ne disons donc plus "le temps passé a été long" [...] Disons plutôt "le temps présent a été long ", car c'est en tant que présent qu'il était long.

Il ne s'était pas encore perdu dans le non-être; il était donc quelque chose qui pouvait être long.

Mais aussitôt qu'il a passé, il a, du même coup, cessé d'être long, en cessant d'être.

» Mais un temps présent peut-il être long, puisque le présent n'est que le passage même du « n'être pas encore » au « n'être déjà plus » ? Autrement dit, le présent est emporté si rapidement de l'avenir au passé « qu'il n'a aucune extension de durée ».

Dirons-nous alors que le seul temps que nous puissions qualifier de long est l'avenir ? «Alors quand le sera-t-il ? Si, pour l'instant, il est encore l'avenir, il ne peut être long, rien en lui n'étant encore susceptible d'être long.

S'il ne doit être long qu'au moment où, de l'avenir qui n'est pas encore, il aura passé à l'être et sera devenu le présent, afin de devenir susceptible d'être long, — voici que le présent même nous crie, nous l'avons entendu tout à l'heure, qu'il ne peut être long ! » Lorsque nous mesurons le temps, que mesurons-nous ? On ne peut mesurer ce qui n'est pas.

Or le passé et l'avenir ne sont pas.

Et le présent ? Comment pouvons-nous le mesurer puisqu'il n'a pas d'étendue, qu'il n'est, au fond, que le passage évanescent d'un non-être à un autre ? Et pourtant, nous mesurons les intervalles du temps, nous les comparons entre eux.

Nous déclarons tel temps plus long, tel autre plus court.

Que mesurons-nous, au juste, sinon le temps dans un certain espace ? « Quand nous parlons de durées simples, doubles, triples, égales et d'autres rapports analogues, c'est d'espaces temporels qu'il s'agit.

» Mais dans quel espace mesurons-nous donc le temps en train de s'écouler ? « Est-ce dans l'avenir d'où il vient pour passer ? Mais ce qui n'est pas encore ne saurait être mesuré.

Est-ce dans le présent par où il passe ? Mais là où il n'y a pas d'espace toute mesure est impossible.

Est-ce dans le passé, où il va se perdre ? Mais comment mesurer ce qui n'est plus ? ». »

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