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Saint Augustin

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Lorsqu'on déclare voir l'avenir, ce que l'on voit, ce ne sont pas les événements eux-mêmes, qui ne sont pas encore, autrement dit qui sont futurs, ce sont leurs causes ou peut-être les signes qui les annoncent et qui les uns et les autres existent déjà : ils ne sont pas futurs, mais déjà présents aux voyants et c'est grâce à eux que l'avenir est conçu par l'esprit et prédit. Ces conceptions existent déjà, et ceux qui prédisent l'avenir les voient présentes en eux- mêmes. Je voudrais faire appel à l'éloquence d'un exemple pris entre une foule d'autres. Je regarde l'aurore, j'annonce le proche lever du soleil. Ce que j'ai sous les yeux est présent, ce que j'annonce est futur : non point le soleil qui est déjà, mais son lever qui n'est pas encore. Pourtant si je n'avais pas une image mentale de ce lever même, comme à cet instant où j'en parle, il me serait impossible de le prédire. Mais cette aurore que j'aperçois dans le ciel n'est pas le lever du soleil, bien qu'elle le précède ; pas davantage ne l'est l'image que je porte dans mon esprit : seulement toutes les deux sont présentes, je les vois et ainsi je puis dire d'avance ce qui va se passer. L'avenir n'est donc pas encore ; s'il n'est pas encore, il n'est pas et s'il n'est pas, il ne peut absolument pas se voir, mais on peut le prédire d'après les signes présents qui sont déjà et qui se voient. Saint Augustin

« " Lorsqu'on déclare voir l'avenir, ce que l'on voit, ce ne sont pas les événements eux-mêmes, qui ne sont pas encore, autrement dit qui sont futurs, ce sont leurs causes ou peut-être les signes qui les annoncent et qui les uns et les autres existent déjà : ils ne sont pas futurs, mais déjà présents aux voyants et c'est grâce à eux que l'avenir est conçu par l'esprit et prédit.

Ces conceptions existent déjà, et ceux qui prédisent l'avenir les voient présentes en eux-mêmes. Je voudrais faire appel à l'éloquence d'un exemple pris entre une foule d'autres.

Je regarde l'aurore, j'annonce le proche lever du soleil.

Ce que j'ai sous les yeux est présent, ce que j'annonce est futur : non point le soleil qui est déjà, mais son lever qui n'est pas encore.

Pourtant si je n'avais pas une image mentale de ce lever même, comme à cet instant où j'en parle, il me serait impossible de le prédire.

Mais cette aurore que j'aperçois dans le ciel n'est pas le lever du soleil, bien qu'elle le précède ; pas davantage ne l'est l'image que je porte dans mon esprit : seulement toutes les deux sont présentes, je les vois et ainsi je puis dire d'avance ce qui va se passer.

L'avenir n'est donc pas encore ; s'il n'est pas encore, il n'est pas et s'il n'est pas, il ne peut absolument pas se voir, mais on peut le prédire d'après les signes présents qui sont déjà et qui se voient.

" SAINT AUGUSTIN 1.

Ceux qui disent voir l'avenir ne disent pas la vérité : on ne voit pas l'avenir, on le prédit (“ Lorsqu'on déclare ... en eux-mêmes ”). Certains déclarent “ voir l'avenir ”.

On pourrait penser par exemple au phénomène de la “ voyance ”, qui porte en effet bien son nom.

Les “ voyants ” croient saisir par avance un événement qui arrivera dans le futur, de telle manière que cette saisie s'apparente à la perception sensible. En réalité, ce qu'ils voient effectivement, ce sont les prémisses des événements futurs.

L'auteur désigne ces prémisses par deux noms : cause et signe.

Une cause implique la réalisation assurée de son effet.

Lorsque l'on s'assure de la présence d'une cause, il est impossible que son effet ne suive pas, à moins qu'on l'empêche.

La présence d'une cause permet donc de prévoir de manière très sûre l'événement qui doit suivre. Il en va un peu autrement d'un signe : souvent, telle chose accompagne telle autre, et nous pouvons dire qu'elle en est un signe.

Mais avant de saisir la raison (la cause) pour laquelle telle chose suit ou précède telle autre, on ne peut jamais affirmer qu'à chaque fois que telle chose se présente, l'autre chose doit nécessairement se présenter également.

Au-delà de cette nuance, on comprend pourquoi la cause et le signe peuvent être considérés comme des prémisses de l'événement à venir. Confondant les prémisses et les événements eux-mêmes, ils confondent voir et concevoir, ils croient voir ce qui n'est que conçu.

En prenant ces signes ou ces causes (par exemple les nuages qui s'amoncellent dans le ciel), pour les événements qu'ils annoncent (l'orage) ; ou encore, dans le cas de la voyance, telle ou telle disposition de l'individu dont on cherche à connaître l'avenir, pour des événements qui pourraient lui arriver, ils se trompent sur l'acte de leur esprit. Ils croient percevoir l'événement futur, alors que leur esprit se livre à une opération complexe, qui consiste à percevoir un signe qui existe, ici et maintenant, à imaginer ce dont il est le signe, et à anticiper sur la réalisation de cet événement qu'ils forgent dans leur esprit.

L'avenir est le résultat d'une opération mentale, c'est pourquoi on peut dire qu'il est conçu.

“ Prédire ” signifie l'ensemble de l'opération par laquelle nous remplissons l'avenir des possibilités qu'annoncent les prémisses actuelles.

Par opposition, “ voir ” désigne l'acte simple par lequel nous percevons directement ce qui est présent “ devant nos yeux ”.

Nous voyons les prémisses et nous prédisons l'avenir. À la fin de ce premier moment, qui a permis de bien indiquer les raisons de la méprise, demeurent deux zones obscures, que l'exemple qui suit doit s'attacher à éclairer : l'auteur affirme que nous ne voyons pas l'avenir. Pourtant la fin du paragraphe laisse entendre que nous voyons, “ présentes en nous-mêmes ”, les conceptions qui constituent l'avenir.

Comment comprendre cela ? Que voyons-nous exactement, et pourquoi est-ce pour nous impossible de voir directement l'avenir ? La deuxième zone d'ombre est liée à celle-ci : pourquoi l'auteur insiste-t-il sur le verbe “ être ”, dès la deuxième ligne du texte ? 2.

Lorsque nous prédisons un événement futur, nous ne voyons pas cet événement, mais ensemble le signe qui l'annonce et l'image en nous de ce qu'il annonce (“ Je voudrais ...

ce qui va se passer ”) L'auteur se place à présent dans la situation concrète que le paragraphe précédent évoquait, mais de manière abstraite et générale.

Il cherche à montrer précisément ce qui se passe lorsque nous prédisons l'avenir : “ Je regarde l'aurore, j'annonce le proche lever du soleil.

” La différence entre le signe et ce qu'il annonce tient à ce que l'un est “ présent ”, c'est-à-dire “ devant nos yeux ”, tandis que l'autre est seulement annoncé et “ n'est pas encore ”.

L'auteur cherche à présent à mieux déterminer ce qui est présent, par opposition à ce qui est futur.

Ce qui est présent, c'est ce que nous pouvons percevoir directement, ce qui est “ devant nos yeux ”.

Le futur, lui, n'est pas devant nos yeux. La suite répond à une objection implicite que l'on pourrait formuler ainsi : “ Pourtant nous croyons bien que le futur est là, j'ai bien l'impression que lorsque je regarde l'aurore, c'est comme si je pouvais voir ce qui va suivre, le. »

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