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Sachant ce qu'est le bien, peut-on faire le mal?

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« Remarques sur l'intitulé : · Le sujet peut être rapporté à l'adage latin : « meliora proboque deteriora sequor » : je vois le bien et je l'approuve mais je fais le pire (Ovide, Les métamorphoses).

Il s'agit donc d'un problème classique auquel de nombreux philosophes ont tenté de répondre : en effet il s'agit de comprendre ce qui peut pousser certains hommes à mal faire, et donc, de donner sens au mal moral (le mal commis par l'homme par opposition au mal métaphysique ou physique, c'est-à-dire la finitude et la souffrance subie). · « peut-on » renvoie à ce qui est possible 1- de fait (on peut = on dispose des moyens de …) - possible = réalisable indépendamment de toute considération morale 2- de droit (on peut = on dispose des moyens légaux et légitimes de …) – possible = permis. · « bien » et « mal » = couple de contraire auquel fait écho Savoir (« sachant… ») et Agir (« faire »).

Il faudra donc montrer avant tout qu'on affaire à un paradoxe : peut-on faire le contraire de ce que l'on sait ? · Deux positions peuvent néanmoins en rendre compte : soit on fait mal mais parce que l'on croit savoir ce qui est bien, soit parce que la science ne saurait me déterminer à l'action.

Enjeu : la responsabilité. · Dans les deux cas, il s'agira d'articuler ou au contraire de séparer connaissance et action, théorie et pratique, via le concept de volonté. Problématique : Peut-on faire le mal en sachant ce qu'est le bien ou l'ignorance est-elle toujours source des mauvaises actions ? Le mal peut-il être commis sciemment ou bien est-il toujours involontaire ? 1- ON PEUT FAIRE LE MAL TOUT EN SACHANT CE QU'EST LE BIEN a) le plaisir de la transgression Au livre II de ses Confessions, Augustin raconte comment, dans sa jeunesse, il fût amené à commettre un vol « pour le seul plaisir d'avoir commis un acte défendu ».

Ce plaisir de la transgression semble attester que l'on puisse faire le mal en sachant ce qu'est le bien (l'acte est défendu et connu comme tel). Dans cette perspective, Edgar Poe donnera à ce plaisir, lorsqu'il nous incline à agir, le nom de « perversité » [voir dans ses Nouvelles extraordinaires, 1857, « le démon de la perversité » [1]].

La perversité consiste en effet selon Poe, à commettre une action « simplement à cause que nous sentons que nous ne le devrions pas ».

Tel est ce qu'on appelle « tenter le diable » : la perversité consiste en une fascination ou une attirance irrépressible pour l'interdit, pour le danger et la menace du pire à venir.

Poe fait aussi remarquer que ce mouvement peut même aller jusqu'à étonner celui qui en est sujet : il s'agit d'un « mouvement radical, primitif – élémentaire », une « tendance accablante » qui s'apparente à « un motif non motivé », un « mobile sans motif ».

Il donne ainsi des exemples pour prouver que ce penchant est réel : nous avons une tâche à accomplir mais différons son exécution sans cesse et cela, jusqu'à l'échéance fatale ; ou encore, au bord d'un précipice, nous prenons plaisir à contempler le vide meurtrier.

Ainsi, il y a en nous comme une force mystérieuse qui nous pousse à faire ce qu'on sait être contraire au bien.

Pourquoi ?? Une nouvelle fois, parce que nous ne le devrions pas.

L'intérêt de l'analyse de Poe consiste à montrer que l'ignorance de cette « pulsion » a pour conséquence « qu'une foule d'actions humaines n'est pas explicable », donc vouées à l'absurdité.

Faire le mal tout en sachant ce qu'est le bien est paradoxal mais il ne faut pas pour autant s'en étonner : c'est une réalité, c'est possible. Cependant, que cela soit possible est un fait.

Toute la question est alors de savoir comment peut-on y parvenir. b) Faire le mal : le prix de la liberté Descartes explique par l'infinie liberté de la volonté cette capacité que nous avons de refuser ce que l'on sait être bien : « Il nous est possible de nous retenir de poursuivre un bien clairement connu ou d'admettre une vérité clairement évidente, pourvu que nous pensions que c'est un bien d'affirmer par là notre libre arbitre » (Lettre au père Mesland, 09/02/1645).

Pour Descartes, le genre d'actes gratuits tels que les diagnostique Poe relèvent simplement d'un désir de se sentir libre : l'entendement a beau me faire sentir que le bien est là, je peux, du seul fait que ma volonté est infinie, « me retenir » de chercher ce bien tout autan que je peux nier que 2+2=4 (rien ne m'y oblige, rien ne saurait contraindre ma volonté). De même, pour Augustin, le mal manifeste une perfection qu'est la liberté.

Parce que si on veut des hommes toujours vertueux (déterminés au bien), on ne peut les avoir en même temps libres ; Dieu voulant le meilleur, et voulant les hommes libres, permet le péché et l'erreur.

En effet, la liberté est une perfection en ce qu'elle fonde le mérite : si le mal est tentant, on peut choisir le bien librement et non sous la pression d'une inclination divine [voir Traité du libre arbitre, livre 3, chapitre 1er]. Transition · Il semble possible de faire le mal tout en sachant ce qu'est le bien : non seulement parce que l'interdit fascine et donc attractif (et en cela, il incline notre volonté plus que le bien), mais aussi parce que rien ne saurait contraindre la volonté (entre bien et mal j'ai absolument la liberté de faire ou ne pas faire). · Cependant, 2 remarques : Descartes dit « pourvu que nous pensions que c'est un bien … » : le délice ou le plaisir évoqués plus haut ont à voir avec le bien.

Dès lors, même mauvaises, les actions mentionnées nous paraissent bonnes (preuve : on y prend du plaisir).

Bien = condition de l'action. Il emploie le verbe « nous retenir ».

Il s'agit donc de lutter contre le bien connu et l'évidence ; ces dernières sont donc en premier lieu ce qui nous déterminent à agir.. »

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