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ROUSSEAU: On ne commença pas par raisonner, mais par sentir...

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On ne commença pas par raisonner, mais par sentir. On prétend que les hommes inventèrent la parole pour exprimer leurs besoins ; cette opinion me paraît insoutenable. L'effet naturel des premiers besoins fut d'écarter les hommes et non de les rapprocher. Il le fallait ainsi pour que l'espèce vînt à s'étendre, et que la terre se peuplât promptement ; sans quoi le genre humain se fût entassé dans un coin du monde, et tout le reste fût demeuré désert. De cela seul il suit que l'origine des langues n'est point due aux premiers besoins des hommes ; il serait absurde que de la cause qui les écarte vînt le moyen qui les unit. D'où peut donc venir cette origine ? Des besoins moraux, des passions. Toutes les passions rapprochent les hommes que la nécessité de chercher à vivre force à se fuir. Ce n'est ni la faim, ni la soif, mais l'amour, la haine, la pitié, la colère, qui leur ont arraché les premières voix. Les fruits ne se dérobent point à nos mains ; on peut s'en nourrir sans parler ; on poursuit en silence la proie dont on veut se repaître : mais pour émouvoir un jeune coeur, pour repousser un agresseur injuste, la nature dicte des accents, des cris, des plaintes. Voilà les plus anciens mots inventés, et voilà pourquoi les premières langues furent chantantes et passionnées avant d'être simples et méthodiques.ROUSSEAU

Dans ce texte Rousseau tente d'éclaircir la question de la nature du  langage. En effet, la faculté du langage définissant à l'époque l'humain, il  en va de notre humanité de savoir si le langage est rationnel, comme le  croient les idéalistes, ou si nous l'avons bâti à partir de nos sensations,  comme le disent les empiristes. Rousseau ici traite le problème du langage  en imaginant un état de nature, et en tentant de réfléchir aux raisons qui  ont pu causer l'apparition de la parole humaine.

« "On ne commença pas par raisonner, mais par sentir.

On prétend que les hommes inventèrent la parole pour exprimer leurs besoins ; cette opinion me paraît insoutenable.

L'effet naturel des premiers besoins fut d'écarter les hommes et non de les rapprocher.

Il le fallait ainsi pour que l'espèce vînt à s'étendre, et que la terre se peuplât promptement ; sans quoi le genre humain se fût entassé dans un coin du monde, et tout le reste fût demeuré désert.

De cela seul il suit que l'origine des langues n'est point due aux premiers besoins des hommes ; il serait absurde que de la cause qui les écarte vînt le moyen qui les unit.

D'où peut donc venir cette origine ? Des besoins moraux, des passions.

Toutes les passions rapprochent les hommes que la nécessité de chercher à vivre force à se fuir.

Ce n'est ni la faim, ni la soif, mais l'amour, la haine, la pitié, la colère, qui leur ont arraché les premières voix.

Les fruits ne se dérobent point à nos mains ; on peut s'en nourrir sans parler ; on poursuit en silence la proie dont on veut se repaître : mais pour émouvoir un jeune coeur, pour repousser un agresseur injuste, la nature dicte des accents, des cris, des plaintes.

Voilà les plus anciens mots inventés, et voilà pourquoi les premières langues furent chantantes et passionnées avant d'être simples et méthodiques." ROUSSEAU Dans ce texte Rousseau tente d'éclaircir la question de la nature du langage.

En effet, la faculté du langage définissant à l'époque l'humain, il en va de notre humanité de savoir si le langage est rationnel, comme le croient les idéalistes, ou si nous l'avons bâti à partir de nos sensations, comme le disent les empiristes.

Rousseau ici traite le problème du langage en imaginant un état de nature, et en tentant de réfléchir aux raisons qui ont pu causer l'apparition de la parole humaine. De "on prétend que les hommes..." jusqu'à "...le moyen qui les unit." (la première phrase n'étant que l'exposition générale de la thèse de l'auteur.) Dans un premier temps, Rousseau s'oppose à la thèse classique voulant que le langage humain soit apparu pour exprimer nos besoins matériels.

En effet, pour A ristote, par exemple, le langage témoigne de la prédisposition des hommes à se rassembler en communauté pour survivre.

Rousseau considère que cette opinion est contradictoire, puisqu'elle assigne à une cause anti-sociale, la concurrence devant les biens matériels, un effet social, la communauté d'une langue.

Son argument pour justifier l'éloignement des hommes les uns des autres du fait des besoins matériels, est la présence des hommes sur toute la surface de la terre, et non sur un seule portion de territoire. Rousseau rejette comme incompréhensible l'explication de l'apparition du langage par les "nécessités économiques", qui auraient d'après lui bien plus eu tendance à faire s'éloigner les hommes les uns des autres. De "d'où peut bien venir..." jusqu'à "...simples et méthodiques." Ensuite, Rousseau présente sa propre théorie de l'apparition du langage.

Il est apparu, selon lui, par les mêmes causes qui ont forcé les hommes à se rassembler, c'est à dire par les pulsions sociales d'amour et de haine, et non par les besoins corporels.

Deuxième argument, après celui des mouvements opposés, Rousseau explique que la cueillette ou la chasse n'ont pas besoin de paroles, alors que la séduction ou la supplique ne peuvent s'en dispenser. C e n'est qu'à ce moment que l'on peut comprendre la première phrase du texte : le langage fut avant tout utile pour manifester des émotions, et non pas pour organiser rationnellement la répartition des biens d'une société. Rousseau conclut en affirmant que les premières langues étaient expressives et émotives, et non pas logiques et pragmatiques. Rousseau dans ce texte se situe clairement comme sensualiste et non comme rationaliste.

Est-il pour autant du côté des empiristes contre les idéalistes ? Non.

Pour Rousseau, l'apparition du langage n'est pas la résultante des contraintes de survie du milieu naturel, mais le signe de la présence en l'homme d'une tendance "morale" à se socialiser.

Il n'oppose pas tant la logique à la sensation, que le besoin corporel (faim, soif), aux "besoins spirituels" : amour, haine, pitié, colère. C 'est précisément dans cette notion de "besoins moraux" que Rousseau paraît ambigu, et qu'il y aurait moyen de le critiquer : la morale est-elle de l'ordre du besoin ? Il est difficile de prouver la nécessité de l'existence de sentiments moraux, alors même que les hommes n'ont aucune raison de se rapprocher, à moins précisément de les transformer en besoins. Mais en quoi les tendances des hommes à se rassembler : se reproduire, s'unir contre un agresseur, sont-elles nécessairement morales ? Il semble au contraire que la sauvegarde de notre vie, et l'instinct de procréer pour sauvegarder l'espèce, soient des besoins corporels au même titre que le besoin de manger ou de boire.

Donc l'argument selon lequel tous les besoins corporels feraient s'écarter, alors que seuls les sentiments moraux feraient se rapprocher, semble bien faible. C ela dit, l'idée que le langage était dès l'origine sensible et pas seulement utilitariste apparaît comme indiscutable. ROUSSEAU (Jean-Jacques).

Né à Genève en 1712, mort à Ermenonville en 1778. Il n'est pas dans notre propos de résumer la vie de Rousseau, sou séjour aux C harmettes chez Mme de Warens, à M ontmorency chez Mme d'Épinay, ses travaux de musique, sa persécution par les catholiques comme par les protestants, son voyage en A ngleterre après sa fuite de Suisse ou l'hospitalité du marquis de Girardin à Ermenonville.

Non plus que la mise à l'A ssistance Publique des cinq enfants qu'il eut de Thérèse Levasseur, ou sa brouille avec Grimm et Diderot.

Jean-Jacques Rousseau fut seul, chassé de partout, et c'est en méditant sur son existence malheureuse, qu'il a pu énoncer sa doctrine de philosophe.

Sa philosophie n'est pas un système, mais une vision de la condition humaine.

— C ontrairement aux Encyclopédistes, l'homme, pour Rousseau, est naturellement bon et juste.

Il fut heureux lorsqu'il vivait sans réfléchir, au milieu de la nature, uniquement préoccupé des soins matériels de la vie quotidienne.

Puis, il a cherché à paraître, à dominer.

Il a inventé la propriété.

Sont venus l'inquiétude d'esprit, le goût du luxe, l'ambition, l'inégalité, les vices, la philosophie.

La société a corrompu l'homme, en l'élevant à la moralité.

La vie idéale n'est pas le retour à l'état de nature ; mais elle doit se rapprocher le plus possible de la vie naturelle.

C 'est le coeur qui fournit à l'homme la preuve des vérités morales et religieuses, qui lui permet de goûter aux plaisirs de la générosité, de la bienfaisance, de l'amitié.

L'enfant, naturellement bon, doit être éduqué de façon« négative».

Il faut laisser libre cours à son propre développement.

Rousseau prône les vertus de l'intuition et de l'émotion.

— Le fondement de toute société, c'est le contrat social, par lequel chaque contractant renonce à sa propre liberté au profit de la communauté, et se soumet à la volonté générale.

Rousseau pose ainsi le principe de la souveraineté populaire.

T ant en littérature qu'en philosophie ou en politique (la Révolution française le revendiqua), l'influence de Rousseau fut considérable.

Il a véritablement transformé la sensibilité humaine.. »

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