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René Descartes: La conscience de soi est-elle la première des certitudes ?

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Ainsi, à cause que nos sens nous trompent quelquefois, je voulus supposer qu'il n'y avait aucune chose qui fût telle qu'ils nous la font imaginer... Je rejetais comme fausses toutes les raisons que j'avais prises auparavant pour démonstrations... et me résolus de feindre que toutes les choses qui m'étaient jamais entrées en l'esprit n'étaient non plus vraies que les illusions de mes songes. Mais, aussitôt après, je pris garde que, pendant que je voulais ainsi penser que tout est faux, il fallait nécessairement que moi, qui le pensais, fusse quelque chose. Et remarquant que cette vérité : Je pense, donc je suis, était si ferme et si assurée que toutes les plus extravagantes suppositions des sceptiques n'étaient pas capables de l'ébranler, je jugeai que je pouvais la recevoir sans scrupule pour le premier principe de la philosophie que je cherchais.

« PRESENTATION DE L'OUVRAGE "DISCOURS DE LA METHODE DE DESCARTES Premier texte philosophique paru en langue française, préfaçant les Essais scientifiques, le Discours de la méthode retrace le parcours intellectuel de son auteur, depuis l'incertitude de l'école et de ses livres jusqu'à la fondation inébranlable du cogito et des fruits qui en découlent.

Descartes (1596-1650) prend ses distances avec le long héritage aristotélicien véhiculé par la philosophie scolastique : cela se lit aussi bien dans la méthode défendue que dans la conception mécaniste de la nature révélée en cinquième partie.

Si le but avoué du texte est de « représenter sa] vie comme en un tableau » (I), on s'aperçoit vite que la « fable » contient une morale : elle pourrait être qu'il faut s'efforcer de cultiver sa raison pour bien vivre, ce que Descartes montre en cheminant à travers des champs aussi variés que la physique, la métaphysique et la morale.

Cinq ans avant les Méditations métaphysiques, le Discours témoigne de cette recherche de fondements assurés pour la connaissance, fondements que le sujet ne saurait trouver qu'en lui-même et qui s'inaugure dans une décision : « bâtir dans un fonds qui est tout à moi ».

C'est tant par ce geste que par la défense d'une science articulée aux progrès de la technique que cette oeuvre marque l'entrée dans la modernité. "Ainsi, à cause que nos sens nous trompent quelquefois, je voulus supposer qu'il n'y avait aucune chose qui fût telle qu'ils nous la font imaginer...

Je rejetais comme fausses toutes les raisons que j'avais prises auparavant pour démonstrations...

et me résolus de feindre que toutes les choses qui m'étaient jamais entrées en l'esprit n'étaient non plus vraies que les illusions de mes songes. Mais, aussitôt après, je pris garde que, pendant que je voulais ainsi penser que tout est faux, il fallait nécessairement que moi, qui le pensais, fusse quelque chose.

Et remarquant que cette vérité : Je pense, donc je suis, était si ferme et si assurée que toutes les plus extravagantes suppositions des sceptiques n'étaient pas capables de l'ébranler, je jugeai que je pouvais la recevoir sans scrupule pour le premier principe de la philosophie que je cherchais." René Descartes, Discours de la méthode (1637) VOCABULAIRE: DÉMONSTRATION : C’est un raisonnement conduisant à une conclusion certaine car nécessaire (aucune autre n’étant possible).

La démonstration est une preuve ne reposant que sur la raison.

Le sceptique demande généralement alors ce qui prouve la raison… Ce que défend ce texte: Descartes cherche une raison de douter de tout ce que nous connaissons par le témoignage de nos sens, à savoir nos perceptions.

Or il apparaît que nos sens nous trompent quelquefois, comme n'ont pas manqué de le faire remarquer les sceptiques, en parlant de toutes ces illusions d'optique et autres mirages qui abusent tous les hommes. Descartes en tire prétexte pour passer du particulier au général: puisque nos sens nous trompent quelquefois, faisons comme s'ils nous trompaient toujours, ce qui nous permet alors de supposer «qu'il n'y avait aucune chose qui fût telle» que nos sens nous la représentent. On objectera que cette généralisation est abusive, mais quel raisonnement pourrait en réfuter le principe? Descartes s'attaque ensuite aux vérités obtenues par le raisonnement.

La tâche est plus difficile encore car les vérités des démonstrations mathématiques semblent indubitables.

Descartes imagine alors qu'il existe un «Dieu trompeur», « qui se plaît à [le] tromper à chaque fois [qu'il fait] un calcul ».

Mais ce motif est peu satisfaisant car il suppose un Dieu «méchant», ce qui est une contradiction dans les termes. Pour Descartes, l'idée de Dieu contient en effet celle de sa bonté.

Il faut donc lui en substituer une autre. Descartes imagine alors l'existence d'un «malin génie», «qui se plairait à [le] tromper en tout et tout le temps».

Cette idée n'est pas contradictoire, car un malin génie peut être conçu sans contradiction comme malicieux.

Ainsi cette «hypothèse» lui permet-elle de faire comme si(«feindre») «toutes les choses qui [lui] étaient jamais entrées en l'esprit n'étaient non plus vraies que les illusions de [ses] songes». Quelle valeur peut avoir cette dernière supposition qui semble extravagante? En réalité, cela importe peu si cette idée, dans sa cohérence interne, peut réussir à porter le doute jusqu'à ses ultimes conséquences.

Ce qui importe à Descartes, c'est de savoir si, dans une telle hypothèse, une vérité peut subsister, droite et ferme, après qu'il a fait «table rase» de toutes ses anciennes opinions. Or une telle vérité existe : «pendant que je voulais ainsi penser que tout est faux, il fallait nécessairement que moi, qui le pensais, fusse quelque chose.» Car douter est un acte de la pensée et penser, c'est être.

Au coeur même du doute s'affirme donc la réalité de la pensée et de l'être, et cette vérité – «je pense, donc je suis», qui a résisté au doute, qui a surgi du doute même – «était si ferme et si assurée que toutes les plus extravagantes suppositions des sceptiques n'étaient pas capables de l'ébranler». Cette vérité n'est pas d'ordre général.

Elle s'actualise et s'effectue à chaque fois que, dans la singularité de son être, on effectue ce travail de doute.

Elle signifie qu'à chaque fois que l'on remet en question la totalité du savoir, ici et maintenant, on affirme en même temps la réalité de sa pensée et la certitude de son être.

C'est pourquoi Descartes peut la recevoir comme «le premier principe», le plus indubitable, de sa philosophie. Ce à quoi s'oppose cet extrait: Ce texte de Descartes constitue le moment-clef du Discours de la méthode.

Dans cet ouvrage, l'auteur cherche à fonder une vérité indubitable qui résiste aux assauts des sceptiques, auxquels il s'oppose.

Ces derniers représentent une école philosophique qui remonte à l'Antiquité et qu'on appelle aussi les «pyrrhoniens» du nom de leur fondateur, Pyrrhon.

Les sceptiques affirment, en effet, que rien n'est certain et que nous ne pouvons rien connaître de sûr. L'ambition de Descartes, au contraire, consiste à déterminer une vérité si solide qu'elle puisse servir de fondement à toute autre connaissance humaine, et de modèle de clarté et de solidité à toute autre vérité. Avec beaucoup d'audace, Descartes va utiliser la propre arme des sceptiques, pour arriver à ses fins : le doute, c'est-à-dire l'acte par lequel on remet en question la valeur de vérité de ses opinions et de tout ce que l'on croit être vrai. Cette démarche est méthodologique, c'est-à-dire qu'il s'agit d'un artifice conceptuel qui doit nous faire examiner si une vérité peut résister à une telle épreuve.. »

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