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Qu'est-ce qu'une connaissance objective ?

Extrait du document

« Position de la question.

L'objectivité est généralement reconnue comme un des caractères de la pensée scientifique.

En un sens à peine différent, mais surtout laudatif, on parlera de l'objectivité d'un jugement, d'un récit, etc.

Après avoir retracé la genèse de cette idée d'objectivité, nous essaierons de déterminer sa nature et de répondre à, la question : qu'est-ce qu'une connaissance objective? Nous examinerons ensuite son rôle et sa valeur dans ses applications aux différentes sciences et nous aurons à nous demander si elle s'applique aussi bien ou aussi aisément à toutes les sciences.

Nous étudierons enfin son rôle en métaphysique. I.

Genèse de l'idée d'objectivité. A.

— L'objectivité n'est pas une qualité naturelle de la pensée et l'idée d'objectivité n'est pas une idée spontanée. Celle-ci est à peu près ignorée de l'enfant qui, enfermé dans son égocentrisme, est incapable de distinguer entre le subjectif et l'objectif.

D'où la fréquence, chez lui, de la fabulation.

— Chez le primitif même, ce que nous appelons réalité objective est mêlé à toutes sortes de représentations « mystiques » (LEVY-BRUHL) OU, plus exactement, mythiques qui, pour nous, relèvent de l'imaginaire.

De l'un comme de l'autre, il est à peu près impossible d'obtenir un témoignage objectif. B.

— L'idée d'objectivité commence à poindre dans la pensée, lorsque se fait jour le souci de l'accord avec le réel. L'esprit de l'enfant passe par toute une série d'étapes, qu'a retracées PIAGET, avant de parvenir à constituer la représentation d'un réel objectif.

Dans cette constitution progressive, certains facteurs tels que la concordance des expériences, la systématisation logique et aussi l'accord avec autrui jouent un rôle essentiel. II.

Qu'est-ce que l'objectivité ? Quel est maintenant le contenu de l'idée d'objectivité? Qu'est-ce qui définit une connaissance objective ? A.

— La première définition qui vient à l'esprit est très simple.

L'objectivité, ce serait la conformité à l'objet, l'objet étant lui-même conçu comme une réalité « possédant une existence en soi, indépendante de la connaissance ou de l'idée que des êtres pensants en peuvent avoir» (LALANDE).

C'est en ce sens que KANT écrit, par exemple, que «l'espace n'est pas quelque chose d'objectif ou de réel..., mais de subjectif et d'idéal, issu de la nature de l'esprit par une loi fixe » (Diss.

de 1770, § 15, où il est fait allusion à l'hypothèse selon laquelle « cette vie n'est qu'une simple image...

qui, ainsi qu'un songe, n'a pas de réalité objective »).

Cette acception s'est longtemps maintenue dans la langue de la philosophie classique.

C'est ainsi qu'Ad.

FRANCK, dans son Dictionnaire des se.

philosophiques (p.

1090, cité par Lalande), parle des philosophes qui refusent à nos idées « toute similitude et toute communauté d'essence avec les choses, c'est-à-dire toute valeur objective. B.

— Mais cette conception ne saurait être maintenue.

Du point de vue métaphysique, la notion de l'objet-chose en soi est inacceptable.

Comme l'observait LACHELIER, l'objet, « ce n'est pas ce qui est en soi, hors de notre esprit et de tout esprit ; car ce qui ne serait pour personne serait nul et non avenu pour tout le monde et même, ce me semble, totalement inexistant : je ne peux concevoir une existence qui ne soit pas posée, affirmée par un esprit ». Du point de vue épistémologique, on le verra plus loin, la notion d'un objet posé, abstraction faite de la connaissance que nous en prenons et des procédés de connaissance par lesquels nous l'approchons, devient, dans la science en particulier, de plus en plus insoutenable.

Du point de vue psychologique enfin, l'objet apparaît toujours comme plus ou moins construit par l'esprit.

B- — Une autre définition consisterait à caractériser l'objectivité par l'accord entre les esprits et, à la limite, par l'universalité.

C'est ainsi que KANT, tout en affirmant l'idéalité de l'espace, affirme aussi sa « valeur objective » (R.

pure, trad.

citée, p.

70) en tant qu'il est la forme universelle de notre perception des objets sensibles ; de même, les principes pratiques, subjectifs quand ce qu'ils stipulent est considéré par le sujet comme valable seulement pour sa volonté, sont déclarés par Kant « objectifs quand cette stipulation est reconnue comme objective, c'est-à-dire valable pour la volonté de tout être raisonnable » (R. pratique, trad.

Picavet, p.

27).

En un sens analogue, H.

POINCARE écrit, dans La valeur de la science, p.

9 : « Une réalité complètement indépendante de l'esprit qui la conçoit, la voit ou la sent, c'est une impossibilité...

Mais ce que nous appelons la réalité objective, c'est, en dernière analyse, ce qui est commun à plusieurs êtres pensants et pourrait être commun à tous.

» De même, lorsqu'à la fin du livre, il s'interroge sur «la valeur objective de la science », il répond à la question : les rapports que dégage la science ont-ils une valeur objective? «ils sont objectifs parce qu'ils sont, deviendront ou resteront communs à tous les êtres pensants » (Ouv.

cité, p.

267 et 271).

— Toutefois, ainsi que l'a encore observé LACHELIER, l'accord entre les esprits n'est lui-même qu'un signe de l'objectivité ; il ne définit pas sa nature.

Ce n'est pas cela, dit-il, « primitivement et directement ; car des esprits qui rêveraient tous en même temps le même rêve, n'en rêveraient pas moins pour cela ; on peut, à la rigueur, s'accorder dans le faux aussi bien que dans le vrai, et cela arrive même souvent sur bien des points » (cité par Lalande, p. 696).. »

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