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Qu'est ce qu'un désir sans fin ?

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« Il nous faut nous demander ce qu'est un désir sans fin et deux hypothèses s'offrent à nous : soit le désir sans fin doit être compris comme continuation éternelle du manque, perpétuelle insatisfaction du sujet.

Ou bien l'absence de fin ne doit pas être entendue comme inachèvement temporel mais comme absence de but, de finalité, c'est-à-dire qu'un désir sans fin est peut-être désir de rien.

Nous examinerons les conséquences à en tirer quant à la nature même de l'homme, qui dans la philosophie, est souvent reliée intimement à la possibilité de désirer. I- Le désirant est comme un tonneau percé. Le besoin se distingue du désir en cela qu'il est rempli et annulé par l'obtention de l'objet sur lequel il portait.

Le besoin s'assouvit, il existe sur le mode nutritif : on a à nourrir nos besoins.

En revanche le désirant, celui qui désire, quoiqu'il semble fixé sur son objet au point que son état psychique, physique et moral paraisse parfois en dépendre, restera insatiable même s'il obtient ce sur quoi son désir portait.

En effet, le propre du désir c'est de renaître en exigeant davantage d'un même objet (être regardé d'une personne aimée, puis s'en faire aimer par exemple) ou alors il se déplace. Le désir est nomade, quoique obnubilant il ne se fixe pas mais glisse et c'est pourquoi il ne peut être satisfait.

Pour Schopenhauer c'est là un drame anthropologique, qui doit être combattu par notre volonté, il faut se donner le moyen de surmonter le cercle vicieux du désir et de l'insatisfaction où il nous renferme. C'est en tant que manque ontologiquement irréductible que le désir est sans fin, c'est-àdire que son existence temporelle est illimitée, le désir ne meurt pas, il est simplement rythmé par les efforts que l'on fait pour atteindre les objets qu'il nous propose.

Il est comme l'horizon qui nous appelle mais recule toujours.

C'est en ayant conscience de ce décalage entre la volition et le réel que Descartes proposait dans Le discours de la méthode de changer ses désirs plutôt que l'ordre du monde ; les changements réclamés par le désir ne sont pas tant impossibles qu'infinis. II-Le désir n'est désir de rien. Mais sous cette impossibilité pour le désirant d'être satisfait ne peut-on pas déceler la nature même du désir ? Celui-ci est en pratique ce qui renaît toujours, négativement il est ce qui ne se satisfait pas, sauf par excès de langage.

Mais positivement il semble que nous devons en tirer la conclusion qui s'impose : si le désir n'est rempli par rien et que rien ne le peut remplir, s'il est nomade et mutant, c'est peut-être qu'il n'est désir de rien, c'est-à-dire qu'il ne se résume pas à sa liaison avec tel ou tel objet. La philosophie de Spinoza ou celle, héritière, d'un Deleuze, en tirent leur parti et refusent de considérer la négativité propre du désir pour le porter au-delà de la relation binaire et finie d'un homme et d'un objet, pour en donner une interprétation psychique et vitale.

Le désir ne porte pas tant sur tel objet qu'il n'est une pure Joie, persévérance du sujet dans son être propre, libre production et affirmation de ce dernier.

Non pas rivé au manque et au défaut mais affirmation vitale d'appétits, de capacités, affirmation de soi dans le monde. Cependant une autre lecture est possible, par exemple celle livrée par Barbaras dans Le désir et la distance (p.136) « Toutefois, affirmer que le désir ne manque de rien ne revient pas à le rabattre sur quelque état de plénitude ou de clôture : c'est reconnaître au contraire que rien ne peut le combler, que la positivité de son affirmation est synonyme d'une insatisfaction absolue qu'aucun objet déterminé ne peut apaiser.

».

Autrement dit il faut reconnaître la négativité inhérente au désir tout en ne le réduisant pas à un simple besoin qui ne trouverait pas satisfaction.

Le désir est au-delà de la logique du remplissement mais il n'est pas pure positivité, affirmation de soi.

Il n'est manque de rien de particulier, ne cherche à rien restaurer ou compléter mais se creuse lui-même en étant sa propre poursuite, il est ouverture sur un indéfini et non clôture de soi sur soi, comme le peut-être le bonheur. III-Le désir sans fin est le révélateur de l'ontologie de l'Homme. Il faut donc reconnaître au désir qu'il est état de manque mais ne pas le réduire à une succession de manques particuliers. Dans L'Etre et le Néant Sartre comprend le désir comme révélant l'être même de l'Homme.

En effet, le désir est un « appel vers » autre chose, or pourquoi ce qui ne manquerait pas de luimême, ce qui serait Etre comblé, tendrait-il vers autre chose, qui d'ailleurs ne se donne jamais puisque le désir est sans fin ? C'est parce que l'homme est un être en défaut de lui-même qu'il peut éprouver du désir. L'animal n'a que des besoins car son être se confond avec son existence physiologique, en revanche l'homme vit comme sa propre séparation, il se poursuit lui-même en désirant, c'est-àdire s'échappe à lui-même.

L'Etre de l'homme est donc excès de soi sur soi, tandis que l'animal se suffit à lui-même : il ne désire pas. L'appel sans cesse déçu du désir c'est donc ce qui nous révèle la part de Néant inhérente à L'Etre, celui là n'est pas un cercle fermé sur lui-même, il manque de lui-même et c'est en cela qu'il est Etre de l'homme. Conclusion : Le désir est certainement toujours sans fin, demander ce qu'est un désir sans fin c'est s'interroger sur le désir lui-même et non sur une figure particulière du désir.

L'absence de finalité est tout autant renaissance temporelle du désir que défaut de finalité, de but, du désir, il n'y a pas alternative entre les deux lectures, elles se complètent. Nous avons vu que deux leçons différentes pouvaient en être tirées : soit le désir pouvait être compris comme pure affirmation, l'infini du désir s'opposant à la finitude des besoins.

Cette lecture vitale passe outre la négativité propre du désir qui peut donc, en tant qu'il est sans fin, être plutôt compris comme l'indice d'une négativité interne à l'Etre même de l'Homme.. »

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