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Qu'est ce qu'un bon livre?

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« Qu'est-ce qu'un bon livre ? Définition des termes du sujet La question « qu'est-ce que » demande que l'on définisse un objet, que l'on en détermine les caractéristiques.

La difficulté ici est que l'on demande de définir un objet sur lequel un jugement de valeur est déjà porté – un bon livre.

Un livre, c'est une oeuvre écrite, que ce soit une oeuvre littéraire, philosophique, scientifique, historique... La question est donc plus générale que si l'on avait demandé « qu'est-ce qu'un bon roman ?».

A quelles conditions peut-on déclarer qu'un livre est bon ? Ce jugement sera-t-il fondé par une appréciation de son contenu ? de son efficace ? de l'esthétique qu'il met en oeuvre ? de sa réception par un public ? Un livre semble en effet pouvoir être jugé sous plusieurs aspects différents.

Il faudra à la fois poser la question du mode de jugement de ces différents aspects, mais aussi de l'identité de ceux qui jugent – celui qui peut déclarer qu'un livre est bon est-il le simple lecteur, ou le critique littéraire ? Cela devra passer par une définition générale de l'essence de l'art d'écrire des livres, et du rôle de cet art pour les hommes. Proposition de plan I.

La fonction expressive du bon livre Cette première partie peut se fonder sur l'expérience que chacun peut avoir de la lecture : quelle est la nature du plaisir que provoque un bon livre ? Ce plaisir réside-t-il dans sa force émotive, dans l'efficacité de son histoire, dans les idées qu'il transmet, ou encore dans une identification du lecteur avec les personnages (au sens où l'on dit que l'on aime tel livre parce que l'on « s'y reconnaît ») ? On pourrait ainsi poser que le premier des éléments qui fait que l'on dit qu'un livre bon réside dans le fait que ce livre a une force expressive, qu'il nous laisse une forte impression, quelles que soient les raisons de cette impression. II.

La fonction révélatrice du bon livre On peut maintenant interroger la dimension proprement créatrice, artistique, du livre, qui se manifeste surtout dans la littérature : on considère alors l'auteur comme un artiste, et on mesurera la qualité du livre à la qualité de sa teneur artistique.

Dans ce cas, on peut envisager que la qualité du livre vient de la vocation qu'a l'art de révéler, de rendre visibles pour les non-artistes, certains aspects de la réalité : c'est la perspective choisie par Bergson. Bergson A quoi vise l'art, sinon à nous montrer, dans la nature et dans l'esprit, hors de nous et en nous, des choses qui ne frappaient pas explicitement nos sens et notre conscience? Le poète et le romancier qui expriment un état d'âme ne le créent certes pas de toutes pièces; ils ne seraient pas compris de nous si nous n'observions pas en nous, jusqu'à un certain point, ce qu'ils nous disent d'autrui.

Au fur et à mesure qu'ils sous parlent, des nuances d'émotion et de pensée nous apparaissent qui pouvaient être représentées en nous depuis longtemps, mais qui demeuraient invisibles : telle, l'image photographique qui n'a pas encore été plongée dans le bain où elle se révélera.

Le poète est ce révélateur.

Mais nulle part la fonction de l'artiste ne se montre aussi clairement que dans celui des arts qui fait la plus large place à l'imitation, je veux dire la peinture.

Les grands peintres sont des hommes auxquels remonte une certaine vision des choses qui est devenue ou qui deviendra la vision de tous les hommes.

Un Corot, un Turner, pour ne citer que ceux-là, ont aperçu dans la nature bien des aspects que nous ne remarquions pas.

Dira-t-on qu'ils n'ont pas vu, mais créé, qu'ils nous ont livré les produits de leur imagination, que nous adoptons leurs inventions parce qu'elles nous plaisent, et que nous nous amusons simplement à regarder la nature à travers l'image que les grands peintres nous en ont tracée? C'est vrai dans une certaine mesure; mais s'il en était uniquement ainsi, pourquoi dirions-nous de certaines oeuvres - celles des maîtres - qu'elles sont vraies? III.

Le bon livre est celui qui donne accès à une forme d'universalité et d'indépendance à l'égard de l'objet « livre » Si l'on pousse plus loin cette vertu révélatrice de l'art littéraire, on peut envisager le bon livre comme celui qui dépasse son statut de livre, d'objet littéraire, pour accéder à une forme d'expression de l'universel, si bien que le bon livre est celui qui continue à « travailler » le lecteur après sa lecture, parce qu'il lui a permis de toucher certaines réalités indépendantes du contenu même du livre.

Le bon livre se définit alors comme un lieu d'élaboration d'affects ou de concepts qui dépassent le livre pour atteindre l'universalité. Nietzsche, Humain trop humain C'est pour l'écrivain une surprise toujours renouvelée que son livre continue à vivre de sa vie propre dès qu'il s'est détaché de lui ; il a l'impression qu'aurait un insecte dont une partie se serait séparée pour aller désormais son chemin à elle.

Il se peut qu'il l'oublie presque complètement, qu'il s'élève audessus des idées qu'il y a mises, qu'il ne le comprenne même plus et qu'il ait perdu ces ailes dont le vol l'emportait du temps qu'il méditait ce livre : celui-ci cherche cependant ses lecteurs, allume la vie, inspire la joie, l'effroi, engendre de nouvelles oeuvres, devient l'âme de quelques desseins, de certains actes - il vit comme un être doué d'âme et d'esprit et n'est pourtant pas une personne. Platon, Phèdre SOCRATE.

- Celui qui pense laisser après lui un art consigné dans un livre, comme celui qui le recueille dans la pensée qu'il sortira de cette écriture un enseignement clair et durable, fait preuve d'une grande simplicité [...].

S'il pense que des discours écrits sont quelque chose de plus qu'un mémento qui rappelle à celui qui les connaît déjà les choses traitées dans le livre.

PHÈDRE.

- C'est très juste.

SOCRATE.

- C'est que l'écriture, Phèdre, a un grave inconvénient, tout comme la peinture.

Les produits de la peinture sont comme s'ils étaient vivants ; mais pose-leur une question, ils gardent gravement le silence.

Il en est de même des discours écrits.

On pourrait croire qu'ils parlent en personnes intelligentes, mais demande-leur de t'expliquer ce qu'ils disent, ils ne répondront qu'une chose, toujours la même.

Une fois écrit, le discours roule partout et passe indifféremment dans les mains des connaisseurs et dans celles des profanes, et il ne sait pas distinguer à qui il faut, à qui il ne faut pas parler.

S'il se voit méprisé ou injurié injustement, il a toujours besoin du secours de son père ; car il n'est pas capable de repousser une attaque et de se défendre lui-même [...].

Mais si nous considérions un autre genre de discours, frère germain de l'autre, et si nous examinions comment il naît, et combien il est meilleur et plus efficace que lui ? PHÈDRE.

- Quel discours ? et comment naît-il ? SOCRATE.

- Celui qui s'écrit avec la science dans l'âme de celui qui étudie, qui est capable de se défendre lui-même, qui sait parler et se taire suivant les personnes.

PHÈDRE.

- Tu veux parler du discours de celui qui sait, du discours vivant et animé, dont le discours écrit n'est à proprement parler que l'image ?. »

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