Qu'est-ce qu'un auteur ?
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Introduction
-Un auteur, étymologiquement, c'est un "garant" : c'est une entité dont l'identification permet d'assurer la garantie de sa
création propre, c'est-à-dire de cela même qui est issu d'elle sans pourtant être elle.
-Or, un auteur, en tant que tel, n'est rien d'autre que ce qu'il produit, puisque sa fonction même d'auteur dépend en
totalité de cette production.
On peut donc douter de la réalité indépendante de cet auteur, en tant qu'il constituerait en
soi une réalité séparée par rapport à ce qui est issu de lui.
-Comment donc résoudre la contradiction interne que semble recéler la notion même d'auteur ? Une entité qui s'identifie à
sa création propre peut-elle, par la suite, revendiquer une réalité indépendante de cette dernière ? Et la création ne
dépend-elle, d'ailleurs, que de l'auteur ? L'auteur constitue-t-il une entité indépendante, ou bien implique-t-il
nécessairement, pour être qualifié comme tel, qu'intervienne une tierce entité, extérieure à l'auteur et à son oeuvre même
?
I.
L'auteur, c'est avant tout le créateur, en tant qu'auteur indépendant de sa création (conception classique).
Un auteur, c'est une entité réelle, qui préexiste à sa création, et qui constitue la garantie même de cette création.
Ainsi,
une narration donnée ne pourra être identifiée comme telle qu'à partir du moment où elle pourra être rapportée à une
entité réelle qui en assumera la teneur propre : un narrateur suppose un auteur, car la narration même dépend de son
rattachement à un auteur concret.
C'est ainsi que l'on pourra comprendre le jeu, qui a parcouru tout le XVIII° siècle
littéraire, qui consistait à garantir la véracité d'une fiction en la rattachant artificiellement à un auteur réel, depuis Pierre
Bayle jusqu'à Stendhal et même Sartre (par ironie), en passant par toute la tradition épistolaire française et anglaise,
notamment.
Un écrit prenait ainsi de l'épaisseur à partir du moment où il pouvait être garanti par l'identification de son
créateur, qui devait être réel, c'est-à-dire faire partir du même espace-temps que son lecteur même.
II.
L'auteur n'existe pas, car la création devient autonome (conception moderne, thématisée notamment par Foucault
et les structuralistes français).
Puisqu'un auteur n'est défini que comme une fonction, et que cette fonction est intrinsèquement dépendante d'une
création donnée, il n'y a pas lieu de croire que l'auteur soit précisément autre chose qu'une fonction.
L'auteur, en tant
qu'identité réelle préexistant à sa création, constitue une fiction dont il s'agit de démystifier la portée, en reconnaissant à
l'oeuvre produite son indépendance propre.
Cela commence, dans le domaine littéraire, à la fin du XIX° siècle, avec des
poètes comme Mallarmé ou Rimbaud : le langage parle de lui-même, les mots s'appellent entre eux, depuis leur matérialité
même.
L'auteur est transparent à l'épaisseur propre du langage.
Le penseur structuraliste doit saisir cette épaisseur
propre aux structures du langage, qui déterminent totalement une création littéraire, par exemple : c'est là la
démystification de l'idée romantique du "génie" créateur.
Un auteur n'est rien d'extérieur à sa création.
III.
Le processus de création est insuffisant en lui-même pour expliciter la notion d'auteur : le rôle de la figure du
lecteur (Sartre, Qu'est-ce que la littérature ?).
Si l'on ne prend en compte que la figure de l'auteur et de sa création pour rendre compte du processus de la création, on
ne peut que tomber dans une contradiction insoluble : l'auteur c'est son oeuvre, or l'oeuvre n'a pu s'édifier toute seule.
L'auteur est bien une entité extérieure à son oeuvre, en ce qu'il constitue une entité réelle préexistant à son oeuvre ;
néanmoins, cette oeuvre a la même structure ontologique que la conscience créatrice qui en est l'auteur : le pour-soi
néantisant a crée un être dont il ne peut reconnaître que sa propre trace, c'est-à-dire précisément son néant constitutif.
Pour que cette oeuvre soit dite telle, il faut qu'une conscience autre que celle de son auteur entre en scène ; seule cette
conscience, qui sera la conscience lectrice, transformera l'expression d'une conscience néantisante en une oeuvre, c'est-àdire en un en-soi extérieur à son auteur propre.
Ainsi, la lecture constitue le moyen par lequel une oeuvre peut être
distinguée de son auteur : car l'auteur ne saurait par lui-même se distinguer de sa propre oeuvre, et donc donner à celleci, précisément, le statut d'une oeuvre.
Un auteur, c'est un être qui préexiste à son oeuvre, à condition que celle-ci soit
reconnue comme telle par une conscience extérieure à celle de l'auteur.
Conclusion
-Un auteur garantit l'authenticité de sa création.
-Néanmoins, si l'on confond l'auteur à cette seule fonction de garant, il peut se fondre à son oeuvre jusqu'à se confondre
complètement avec elle.
-Pour éviter une telle identification contradictoire, il faut qu'intervienne une tierce entité, à savoir une conscience qui fasse
de l'oeuvre un être en soi extérieur à la conscience qui l'a créée.
Un auteur n'est donc rien en lui-même, c'est-à-dire de son
propre point de vue.
Un auteur, c'est une conscience initiale à laquelle on identifie une création donnée, à condition
néanmoins, et paradoxalement, que cette création soit précisément identifiée comme étant séparée de cette conscience
par son statut ontologique même.
Une oeuvre n'est donc une oeuvre qu'à partir du moment où elle n'appartient déjà plus
à son auteur, mais à celui qui permet à cette oeuvre (et donc aussi à cet auteur) d'être identifiée comme telle.
Un auteur
n'est donc rien en lui-même ; et plus que de garantir l'authenticité de sa création, il garantit en fait l'effectivité même
d'autrui, à travers lequel seulement il peut être identifié comme auteur..
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