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Qu'est ce qu'être cultivé

Extrait du document

« Introduction.

On confond souvent instruction et culture.

Mais un homme instruit n'est pas nécessairement un homme cultivé.

Il va de soi cependant qu'il serait absurde de les opposer.

Où réside exactement la différence? I.

L'instruction. « Avoir de l'instruction », c'est posséder un certain nombre de connaissances, peut-être assez précises et assez variées.

Mais ce qui caractérise l'instruction, c'est d'abord qu'elle est un pur savoir.

En outre, ce savoir peut être fait de connaissances simplement juxtaposées, sans aucun lien organique : parfois même, notamment chez ceux qu'on appelle les « autodidactes », c'est un simple entassement de connaissances acquises au hasard et sans ordre. En troisième lieu, ce savoir peut être purement réceptif : il fait alors appel uniquement à la mémoire, sans réaction propre de l'intelligence et souvent sans esprit critique.

Enfin il est généralement tourné vers l'extérieur plutôt que vers la « connaissance de soi ». II.

La culture. A.

— Il n'y a pas lieu, nous l'avons dit, d'opposer instruction et culture.

Un « homme cultivé » est nécessairement un homme instruit, et il faut réagir ici contre l'abus que l'on fait souvent de la célèbre parole de MONTAIGNE : « Mieux vaut une tête bien faite qu'une tête bien pleine.

» L'idée est juste, mais une « tête bien faite » ne saurait être une tête vide.

La culture est plus qu'un savoir, mais elle exige d'abord le savoir.

Sinon, elle serait quelque chose de purement superficiel et verbal.

L'esprit ne se forme qu'aux prises avec le réel et grâce à des connaissances précises. B.

— Mais quel est ce « supplément » qui fait d'un homme instruit un homme cultivé? 1° Le savoir qu'exige la culture est d'abord un savoir organisé où toutes les connaissances sont coordonnées, hiérarchisées, mises à leur place et à leur rang, appréciées selon leur valeur.

C'est un savoir qui, contrairement à la pure érudition, sait s'élever au-dessus du petit détail et qui implique certaines vues d'ensemble, certaines conceptions générales.

Le « général », en effet, n'est nullement le vague, comme on l'entend dire trop souvent de nos jours : la généralité n'exclut nullement la précision et, ainsi que l'a montré A.

BURLOUD, l'idée générale, c'est tout au contraire « l'idée définie ». 2° C'est pourquoi la culture s'oppose à la spécialisation excessive qui étrécit et mécanise l'esprit.

L'homme moderne est souvent contraint à la spécialisation par son métier.

Mais l'homme cultivé sait s'en évader ou plutôt la dominer. 3° La culture est quelque chose de progressif et de dynamique; elle n'est jamais achevée, à tel point qu'on a pu dire : « Il n'existe pas des hommes cultivés une fois pour toutes, mais des hommes qui se cultivent » (H.

BouASSE). L'instruction peut au contraire se contenter parfois d'un savoir arrêté, limité : elle peut être purement statique.

— Aussi le savoir organisé qu'exige la culture est-il tout autre chose que l'esprit de système.

Le système a quelque chose de fermé et de figé.

La culture consiste souvent à dépasser les systèmes. 4° La culture est essentiellement une formation de l'esprit.

— a) C'est pourquoi le savoir et notamment les connaissances scientifiques peuvent y contribuer, à condition qu'ils s'accompagnent d'une réflexion, d'une prise de conscience des méthodes employées, de l'activité de l'esprit qui a servi à les former.

« Des sciences, écrit le professeur PASTEUR VALLERY-RADOT, ce qu'on doit enseigner avant tout, c'est le mode de raisonnement qui permet d'arriver à la connaissance» (Ouv.

cité, p.

91).

Port-Royal (Logique, 1er discours) avait déjà dit : « On se sert de la raison comme d'un instrument pour acquérir les sciences, et l'on devrait se servir au contraire des sciences comme d'un instrument pour perfectionner sa raison, la justesse de l'esprit étant infiniment plus considérable que toutes les connaissances spéculatives ».

— b) La culture implique ainsi un esprit de libre recherche et de travail personnel. L'homme cultivé se forme lui-même au lieu de recevoir du dehors un savoir tout fait.

Il réagit à ce qu'il apprend; il fait preuve de discernement et d'esprit critique.

— c) Enfin ces qualités d'esprit qui constituent la vraie culture sont faites, pour une bonne part, de ce que PASCAL appelait « l'esprit de géométrie » — la « justesse de l'esprit », comme dit Port-Royal — mais aussi et peut-être surtout d'esprit de finesse, c'est-à-dire d'un sens délicat des questions complexes.

Disons plus : les qualités purement intellectuelles ne suffisent pas.

La vraie culture est incompatible avec la sécheresse de coeur : elle implique une certaine sensibilité, une ouverture à tous les grands problèmes humains. 5° L'homme cultivé ne s'intéresse pas seulement, en effet, aux problèmes extérieurs ni surtout techniques.

Il a le sens de l'humain.

Il cherche à se connaître lui-même et à connaître ses semblables.

Selon le mot de TÉRENCE, rien de ne qui est humain ne lui est étranger. Conclusion.

Le savoir n'entrave pas la culture.

Bien au contraire, celle-ci seule peut procurer à l'esprit ce qu'un grand savant a appelé « la joie de connaître ».

Mais, pour faire un homme cultivé, le savoir doit être orienté vers autre chose que la simple accumulation des connaissances.. »

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