Qu'est-ce que travailler ?
Extrait du document
«
Termes du sujet:
TRAVAIL: Du latin populaire tripalium, «machine à trois pieux » destinée à immobiliser les chevaux pour les ferrer, d'où «
instrument de torture ».
Toute activité visant à la production d'une oeuvre utile.
Spécialement, ensemble des activités accomplies par l'homme pour produire
des biens et des services en contrepartie desquels il est rémunéré.
• Le travail est souvent associe a la peine et a la souffrance.
Dans la Bible d'ailleurs, Dieu punit le premier péché en chassant Adam du
jardin d'Eden et en l'obligeant à cultiver désormais une terre stérile : « Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front ».
• Pour Marx, le
travail humain contribue à transformer l'homme tout autant que la nature.
En effet, contrairement à l'animal, qui agit par pur instinct,
l'homme détermine dans sa conscience le but qu'il veut atteindre avant de le réaliser.
« Ce qui distingue dès l'abord le plus mauvais
architecte de l'abeille la plus experte, écrit Marx, c'est qu'il a construit la cellule dans sa tête avant de la construire dans la ruche.
» •
Le travail salarié constitue, selon Nietzsche, « la meilleure des polices » : « il tient chacun en bride et s'entend à entraver puissamment
le développement de la raison, des désirs, du goût de l'indépendance ».
Un concept récent
« On ne trouve pas, dans la Grèce ancienne, une grande fonction humaine, le travail, couvrant tous les métiers, mais une pluralité de
métiers différents, dont chacun constitue un type particulier d'action produisant son ouvrage propre.
De plus, l'ensemble des activités
agricoles, qui sont à nos yeux intégrées aux conduites de travail, reste pour le Grec extérieur au domaine professionnel.
»
Cette analyse de Jean-Pierre Vernant, historien de l'Antiquité, nous invite à penser que le concept de travail est relativement récent,
même si les activités qu'il désigne ont toujours existé.
En fait, dans la Grèce ancienne, chaque activité est désignée par un mot
particulier et sous son aspect concret.
Il n'y a pas d'équivalent de notre mot « travail », qui désignerait ce que ces activités ont en
commun.
Il faut d'importantes transformations historiques et sociales pour que des activités concrètement hétérogènes puissent être
seulement pensées sous un même concept et désignées par le même terme.
Que peut-on donc voir de commun à toutes ces activités
que nous nommons travail ?
Le travail comme médiation
La première caractéristique du travail humain en général est que, s'il permet par la diversité de ses produits d'assurer la satisfaction
des besoins, cette satisfaction est différée : il faut attendre que le blé pousse, que la maison soit construite...
; et la différence entre le
chasseur primitif et le fauve, c'est que le premier ne mange sa proie qu'après l'avoir préparée.
Il n'y a travail que lorsque le « produit
» de la nature n'est pas immédiatement utilisé tel qu'il se donne.
En ce sens, la satisfaction humaine d'un besoin vital par le travail se
distingue de la satisfaction animale qui est instantanée.
On le remarquera, cette caractéristique inscrit le travail dans le temps.
Cette dimension temporelle est essentielle pour une autre raison : sous l'angle de la consommation elle signifie que la satisfaction est
différée, mais sous l'angle de la production elle suppose qu'il existe un projet.
Le travail est Une activité finalisée ; il exige qu'on se
représente le but à atteindre, avant de mettre en oeuvre les moyens pour le réaliser.
En cela encore le travail dépasse le présent
immédiat.
Ce but qui sera réalisé dans le futur n'a dans le présent qu'une existence « virtuelle ».
Il n'existe que « dans la tête » de
celui qui travaille, qui a l'idée de ce qu'il va réaliser.
Le travail est donc une activité consciente et se distingue aussi par là de l'activité instinctive des animaux, même de celle qui lui
ressemble le plus : la construction de la toile par l'araignée ou celle des cellules de la ruche par l'abeille sont des activités
stéréotypées, immuables, propres à une espèce donnée et ne supposent aucunement un projet conscient commun, ou une volonté.
Troisième caractéristique, le travail est une activité transformatrice.
Le travail est l'activité au moyen de laquelle une matière première,
donnée par la nature est rendue utile, propre à la consommation humaine.
Cette transformation est possible grâce aux intermédiaires que sont les outils*.
Fabriqués en vue du travail à accomplir, conservés une
fois la tâche accomplie, perfectionnés et transmis aux générations suivantes, les outils ne sont pas des « auxiliaires » occasionnels
comme le morceau de bois, utilisé une fois et aussitôt abandonné.
L'outil, au contraire, est un capital technique virtuellement
disponible, et il constitue, une fois le produit consommé, la seule trace du travail humain.
Enfin, le produit du travail n'est pas toujours consommé par le producteur.
Au contraire il peut être échangé.
Le produit du travail est
un moyen essentiel d'échange entre les hommes.
Si l'on reprend un à un tous ces caractères du travail : activité qui impose une satisfaction différée et non immédiate, qui suppose un
projet, l'utilisation d'intermédiaires et permet la fabrication de produits d'échange, l'idée de médiation semble la plus propre à
caractériser le travail.
Le propre de l'homme ?
Pourtant si le travail fait échapper à l'immédiateté et inscrit l'activité humaine dans le temps, il doit être sans cesse recommencé : le
produit du travail est destiné à disparaître, à être consommé, donc oublié.
Et si nous voulons caractériser le travail dans son rapport à
d'autres activités humaines, c'est ce dernier aspect qu'il faut considérer.
On opposera alors le travail à l'oeuvre (l'ouvrage d'artisanat,
l'oeuvre d'art ou le monument), soulignant que l'oeuvre, au contraire du produit du travail, doit demeurer, ne serait-ce que dans le
souvenir.
Le statut du travail est en jeu dans cette comparaison, et il nous faut distinguer les différents niveaux d'analyse :
Une chose est d'affirmer, en se référant aux critères énumérés ci-dessus que le travail est spécifiquement humain.
Une autre, de
caractériser le travail comme « formateur » d'humanité.
Une troisième enfin, de voir dans le travail l' « essence » de l'humanité.
La
première affirmation donne une définition.
La deuxième suppose au moins un point de vue historique, et même une philosophie de
l'histoire.
La troisième exprime un jugement de valeur sur l'activité.
On peut souligner la spécificité humaine du travail, jusqu'à en faire l'essence de l'homme.
On peut, au contraire, penser que le travail
est ce en quoi l'humanité est encore soumise au règne de la nécessité (la satisfaction des besoins) et se rapproche de l'animalité..
»
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