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Qu'est-ce que prouver ? Comment prouve-t-on ?

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« La difficulté vient ici de ce que la « preuve » s'applique dans toute forme de pensée ou de science (preuve expérimentale, preuve historique, preuve mathémathique...).

Il s'agit donc de découvrir les traits communs, qui peuvent, ou bien être purement formels, ou bien tenir au mécanisme de la preuve. Comment conduire la recherche ? Il paraîtra évident que, si une proposition donne l'impression d'être prouvée, l'état d'esprit, à ce moment, doit toujours présenter les mêmes caractères, quel que soit le procédé de preuve.

Donc, commencer par définir cet état d'esprit.

(On y arrivera plus aisément par comparaison avec des états voisins : persuasion, conviction).

— D'autre part, on prouve avec des matériaux : chercher à quelles catégories ils peuvent être empruntés, et en quel sens. La définition générale ainsi obtenue, il faut déterminer comment on prouve.

Songer à une division classique des problèmes concernant la valeur des procédés de pensée : problème des conditions générales sous lesquelles il est légitime de conclure (fondement) ; problème des moyens de conclusion.

Division à utiliser.

Comme toujours, partir des éléments de définition, et l'on se servira des idées connues sur les différentes formes de preuve, en s'appliquant à déterminer les éléments communs.

Donc, pour trouver l'idée directrice, reprendre le début en essayant de pousser davantage l'analyse.

La satisfaction donnée par la preuve s'oppose au doute ou à l'incertitude qui l'a précédée, ce qui doit donner l'indication essentielle : tandis que le doute est impossibilité d'équilibrer, donc de retrouver une attitude ou un point d'appui connus, le sentiment de valeur qui suit la preuve doit être justement l'équilibre, dans la forme d'une pensée qui se retrouve ou se reconnaît.

On cherchera comment cela se présente dans les différents types de preuve. (D'ailleurs il pourra être intéressant de venir analytiquement à l'idée générale pour l'utiliser en conclusion). Plan.

Introduction.

(Comme il s'agit de préparer une définition, on aura un début convenable par une première délimitation du terme à définir :) opposer les états où la certitude ou la croyance sont immédiatement données et ceux où des raisons ont progressivement agi sur l'esprit, sous la forme discursive; (puis constater que) dans le second cas, l'état de certitude auquel on atteint — à la limite a succédé à un état de doute ou d'incertitude : on appelle « prouver » le passage ainsi décrit. I (Analyse et définition).

— La première caractéristique est donc d'établir un état de certitude ou de croyance ferme, comme conséquence de raisons apportées à un esprit. 1° Mais cet état se distingue de la persuasion ou de la conviction.

On persuade en entraînant l'adhésion, ce qui implique surtout des états de sentiment, une action sur l'individualité; on convainc par des raisons plutôt intellectuelles, mais la conviction garde un caractère individuel.

Par opposition, on aperçoit les caractères les plus nets d'une opération de preuve : l'idée d'une valeur sur laquelle le doute n'aurait plus de prise, et qui serait indépendante de l'individualité, donc universelle.

Opération intellectuelle, par laquelle on amène un esprit à l'idée de la valeur universelle et indubitable d'un jugement. 2° Préciser, A) d'abord en ce sens que la preuve peut utiliser le sentiment, tout en gardant bien son caractère de preuve; par exemple en morale, dans la question du mensonge : si l'on oppose la pitié à l'idée de la valeur en soi de la vérité, ce n'est pas faire appel au sentiment pour entraîner; on en utilise l'idée, ou on en affirme la valeur comme fait significatif d'une réalité, ce qui est l'intégrer dans un système de raisons. B) Ensuite remarquer que si un fait est apporté comme preuve, la preuve n'est pas dans la simple présentation du fait, ce qui serait faire constater : par exemple que « je marche ».

Mais on prouve parce qu'on met le fait en rapport avec l'idée ou le jugement qu'on proposait : par ex.

Diogène prétendait prouver le mouvement en marchant, ce qui est montrer dans la marche le fait suggestif et typique du mouvement.

Prouver, c'est donc raisonner ou organiser des preuves. C) Enfin on ne prouve que si l'on se réfère à un jugement ou à un fait déjà établis ou admis..

La conséquence d'une hypothèse, même rigoureusement déduite, n'est pas prouvée par là; un raisonnement hypothétique ne donne tout au plus que le cadre d'une preuve. On complétera donc ainsi la définition : raisonner ou organiser les représentations pour amener un esprit à l'idée de la valeur universelle et indubitable d'un jugement, en prenant appui sur d'autres jugements,, ou sur des faits (ou des sentiments pris comme faits). II (Mécanisme et appuis).

— 1° (Conditions de légitimité).

— Si l'opération de la preuve vaut pour tout esprit à qui elle s'adresse, elle implique donc des principes fondamentaux sans lesquels elle perdrait toute signification : croyance en une organisation des pensées commune à tous les êtres pensants (= raison).

Elle suppose aussi que l'individualité puisse se dégager de tout préjugé ou parti pris; donc croyance en une expression sincère et libre des idées. 2° (Moyens).

— On prouve en se référant soit à des idées, soit à des faits. A) La preuve par des idées prend l'aspect de la déduction (ou de la démonstration déductive).

On passe d'une idée à une autre qu'on y enchaîne, ou d'une loi à une loi.

Mais si le passage est possible, c'est que, sous un certain aspect, on aperçoit l'identité des idées (ainsi : voir l' « homme » dans « Socrate », et le « mortel » dans l'homme, ce qui fait voir dans « Socrate » le « mortel »).

Prouver, c'est donc ici retrouver une situation définie, et les raisons par lesquelles on prouve ne sont que les formes sous lesquelles on dégage les identités pour enchaîner. B) La preuve par les faits se présente sous deux formes : on veut, ou bien établir une idée (sciences expérimentales) ou bien reconstruire un fait (histoire, pratique judiciaire).

Dans le premier cas, tout revient à créer un dispositif de faits assez clairement présenté ou assez bien délimité pour que, dans les diverses situations passées, ou possibles, on puisse y reconnaître toujours la même relation typique.

Par exemple, dans l'expérience du tube de Newton, parce que l'on a choisi des corps aussi différents que possible, on peut affirmer qu'ils se ressemblent uniquement en ce qu'ils sont des corps pesants; et comme on constate l'égalité des vitesses de chute de ces corps dans le vide, on pourra l'affirmer de tous les corps.

— Dans le second cas, si l'on aboutit à des concordances entre le fait recherché et les données ou faits connus (surtout si la concordance porte sur des faits variés et indépendants), la preuve est satisfaisante; par exemple identité d'empreintes digitales, alors que parmi des milliers d'individus différents on ne trouve pas d'empreintes semblables.

— Mais il n'est pas toujours possible de trouver des termes si bien choisis et si bien définis que le lien apparaisse indubitable.

Alors la preuve se fait par une sorte de filtrage : montrer l'impossibilité d'une autre hypothèse, donc par contraste la nécessité de retrouver la proposée. Conclusion.

— Ainsi, prouver, c'est en définitive identifier, ou donner les moyens d'identifier ou de se retrouver, ou bien, à un degré inférieur, éliminer (toujours par délimitation de situations) les possibilités, sauf une, pour ramener à celle-ci et s'y retrouver.

Et cela même, c'est réaliser la forme de notre intelligence, car penser et croire, c'est toujours assimiler et se retrouver.. »

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