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Qu'est-ce que l'inhumain ?

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« Introduction -L'homme est à soi-même son propre centre de référence.

Tout ce qui dépasse ce cadre peut être considéré comme "inhumain". -Or, ce qui est caractérisé comme "inhumain", donc ce qui n'entre pas dans la norme anthropologique d'existence, est irrémédiablement qualifié comme tel selon une connotation fortement péjorative : l'inhumain, c'est ce qui ne serait pas digne d'être humain.

En ce sens, l'inhumain, c'est ce qui, ne partageant pas les normes d'existence d'un centre de référence donné, serait disqualifié dans son humanité même : l'inhumain, c'est ainsi l'inadéquation à une norme donnée. -Or, l'inhumain ne serait-il précisément pas lié à cette normativité oppressive des modes d'existence humains ? Si l'inhumain consiste à ne pas partager les modes d'être essentiels à l'humain, qu'est-ce donc que l'humain ? Est-ce l'inhumain qui se définit par rapport à l'humain, ou, à l'inverse, l'humain qui se définirait par référence à son effort propre d'autodépassement de ce qui est inhumain en lui ? I.

L'inhumain, c'est ce qui est asocial (Aristote). -Dans Politique (I, 2), Aristote définit l'homme comme "animal politique", c'est-à-dire comme être vivant ne pouvant accomplir son essence qu'au sein de la cité.

En effet, c'est par et à travers cette organisation politique des individus que les besoins de chacun des membres de la cité pourront être pourvus.

L'individu humain ne parvient au plein épanouissement de son être qu'à travers l'établissement d'une cité autarcique. Vivre en communauté est naturel* et nécessaire à l'homme.

Nécessaire à son existence, mais aussi à son bonheur.

L'homme ne s'associe pas avec d'autres seulement pour assurer sa survie, mais pour accomplir son essence. L'individu est en effet un être inachevé, qui a pour fin et perfection la relation à autrui.

Si la famille et le village existent en vue de la satisfaction de besoins élémentaires (alimentation, sécurité), ils sont subordonnés à la communauté politique, la cité, dont la fin propre est le « bien vivre », le bonheur.

Celui-ci implique la visée commune d'un bien commun, dans une relation d'amitié réglée par la justice.

Là seulement se trouve la vraie liberté'. Et c'est parce qu'il est un animal parlant que l'homme est un animal politique : alors que la « voix » des animaux (qui ne sont pas politiques, mais grégaires) se limite à l'expression des passions, le langage permet la formulation de jugements objectifs sur le juste et l'injuste, règles de la vie commune. -Or, l'être qui se situe au dehors de la cité, selon Aristote, est soit un Dieu, soit une bête, mais dans les deux cas il se situe en dehors de l'humanité, puisqu'il se trouve en dehors de ce par quoi cette humanité peut s'épanouir comme telle chez un individu.

Le dieu comme la bête vivent en dehors de la communauté politique, c'est pourquoi ils constituent l'inhumain : leur subsistance propre ne dépend pas d'une communauté politique donnée. II.

L'inhumain acquiert une connotation fortement péjorative au sein du monde humain : l'inhumain dans sa synonymie avec la "barbarie". -Perspective grecque : un "barbare" est un homme qui n'articule pas correctement son langage, c'est celui qui s'exprime davantage par des cris que par un langage articulé.

Un barbare est donc un "sauvage" (au sens latin de silva, forêt), c'est-à-dire un animal qui n'a de l'homme que l'apparence physique.

L'inhumain, c'est l'être qui ne partage pas les modalités d'existence de l'homme socialement constitué à travers la civilisation.

Et un tel être est immédiatement perçu comme un sous-homme, comme un être n'ayant pas la dignité de l'humanité. -Néanmoins, le sauvage n'est pas si étranger à l'humanité que l'on pense : l'historien grec Hérodote a exorcisé le "chauvinisme" grec en relativisant la culture hellène par sa comparaison avec d'autres coutumes étrangères.

L'esprit grec a compris que l'hellénisme ne constitue qu'une forme particulière de culture, et que les "barbares" ont bien plus de points communs que l'on pense avec les peuples qui se disent "civilisés".

L'inhumain est donc bien humain, mais pas selon les mêmes modes d'existence que le centre de référence d'abord considéré. III.

L'inhumain, c'est le jugement de barbarie (Lévi-Strauss). -Toute civilisation, toute culture particulière est naturellement portée à juger une culture étrangère à la sienne comme barbare, en tant précisément qu'étrangère.

Un village peut considérer les habitants d'un village étranger mais situé à proximité comme des nonhommes, en raison de leur caractère d'extériorité : l'inhumain, c'est ce qui est extérieur à une communauté donnée comme unique centre de référence. -Tout jugement de barbarie révèle une vision extrêmement ségrégative et exclusive, en ce qu'elle rejette comme nulle toute perspective étrangère à la sienne ; en ce sens, le vrai barbare, c'est celui qui accuse l'étranger de barbarie.

La tolérance constitue la médiation par laquelle on peut faire le deuil de notre tendance naturelle à la barbarie.

L'inhumain, c'est juger que ce qui est extérieur à soi a un statut axiologique inférieur à l'humanité. Conclusion -L'inhumain est d'abord caractérisé par rapport à ce qui est humain : c'est donc ce qui ne vit pas dans une communauté politique donnée, et ce qui ne communique pas à travers un langage articulé. -Mais dans un cadre plus large, l'inhumain constitue tout ce qui est extérieur à un cadre de référence donné, identifié a priori à ce qui est digne d'être humain.

Or, c'est précisément cet a priori anthropologique qui est source d'inhumanité, et qu'il faut savoir dépasser pour atteindre à la civilisation et à l'humanité. -En définitive, c'est donc l'humain qui se définit par rapport à l'inhumain, puisque l'homme ne devient tel qu'en faisant l'apprentissage de la tolérance, c'est-à-dire qu'en dépassant en lui tout ce qui peut porter un jugement dépréciatif sur tout ce qui lui est extérieur. L'inhumain, c'est donc l'homme qui déprécie son humanité en dépréciant celle de celui qui lui est extérieur : l'autre nous fait donc faire l'épreuve de notre humanité propre.. »

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