Qu'est-ce que l'empirisme ?
Extrait du document
«
Introduction.
Dans l'histoire des doctrines philosophiques, l'empirisme s'est affirmé comme l'adversaire du
rationalisme.
Mais il s'est présenté, dans la philosophie contemporaine, sous des formes nouvelles qu'il nous faudra
essayer de classer et de juger.
I.
L'empirisme classique.
A.
— DEFINITION.
Au sens classique, l'empirisme est la doctrine selon laquelle toute la connaissance dérive de
l'expérience, en entendant par expérience le pur donné sensible.
L'empirisme nie donc non seulement toute « idée
innée », toute donnée a priori, mais même toute activité propre de l'esprit.
Celui-ci est purement réceptif : c'est une
« table rase » sur laquelle viennent seulement s'inscrire au fur et à mesure les données de l'expérience.
B.
— L'EMPIRISME DE HUME.
La forme la plus typique de cette doctrine est
celle que lui a donnée HUME à propos du principe de causalité.
Lorsqu'un
événement est constamment suivi d'un autre événement, nous prenons «
l'habitude » d'attendre cet autre et de « croire » qu'il y a une « connexion »
entre l'un et l'autre.
Le principe de causalité n'est rien de plus que cette «
habitude » ou cette « croyance ».
J.
Stuart MILL modifiera à peine cette
doctrine en ajoutant que la cause est l'antécédent, non seulement constant,
mais inconditionnel (c'est-à-dire suffisant) de l'effet et que l'association entre
celle-là et celui-ci devient, à la longue, « inséparable ».
Hume: Expérience et Causalité
1.
La notion d'expérience : impressions et idées
Pour Hume, sont données à l'esprit d'abord des impressions, à savoir des
perceptions vives, et en second lieu les idées qui en sont les copies affaiblies
(Traité de la nature humaine).
Au point de départ de sa philosophie, nous
rencontrons donc, non seulement des données élémentaires, mais encore des
données qui ne se distinguent que par la manière dont nous en faisons
l'expérience.
Il n'y a pas d'extériorité, celle des choses* dont nous instruisent
les sens, ni d'intériorité, celle de l'esprit quand il réfléchit sur lui-même : il n'y
a que l'expérience et ses critères, la vivacité ou la faiblesse du senti.
2.
La critique de la causalité : la raison comme habitude
Toute la pensée relève alors des relations entre ces données et de la manière dont nous les éprouvons.
C'est dire
qu'il n'y a aucune relation, si ce n'est celles que l'esprit établit.
Ainsi, l'idée de causalité, qui signifie qu'il y a une
connexion nécessaire entre deux choses, la cause et l'effet, n'est pas perçue dans les choses mêmes, mais vient de
ce que l'esprit prend l'habitude de les lier (Enquête sur l'entendement humain).
C'est une simple tendance de l'esprit,
une association spontanée entre ses idées, qui nous fait croire à une causalité que nous n'observons jamais.
C.
— L'EMPIRISME DE SPENCER.
Cette doctrine un peu simple ne pouvait guère être maintenue avec le progrès des
sciences expérimentales, qui nous montre combien l'esprit est actif dans la recherche des causes et des lois.
Aussi, vers la fin du XIXe siècle.
H.
SPENCER la corrigera-t-il en abandonnant l'hypothèse de la « table rase » et en
précisant que les principes rationnels sont le fruit de l'expérience, non pas de l'individu, mais de toute l'espèce,
et en faisant intervenir l'évolution qui a peu à peu modifié le cerveau humain en fonction du nombre immense
d'expériences reçues.
D.
— DISCUSSION.
Quelles que soient ses formes, l'empirisme présente toujours deux aspects.
Il est à la fois une
théorie psychologique et une théorie gnoséologique (une théorie de la connaissance).
Or, ni sous l'un ni sous l'autre
aspect, l'empirisme classique n'est satisfaisant.
— Comme théorie psychologique, il méconnaît le fait fondamental de
l'activité propre de l'esprit, dont il fait un simple miroir des choses.
L'expérience brute n'est qu'un chaos
d'impressions, ainsi que l'a reconnu J.
S.
MILL lui-même.
Quel est donc le principe organisateur qui fait de ce chaos
une expérience élaborée, une représentation cohérente de l'univers ? C'est cette difficulté qu'a bien sentie SPENCER
: « S'en tenir, écrit-il, à l'assertion inacceptable qu'avant l'expérience l'esprit est une table rase, c'est ne pas voir le
fond de la question : d'où vient la faculté d'organiser les expériences ? » (Princ.
de Psychologie, t.
I, p.
504).
Mais
sa théorie évolutionniste se borne à reporter à l'origine de l'espèce la difficulté que rencontraient déjà HUME et MILL
en attribuant la formation des principes rationnels à l'expérience de l'individu, et l'attribuer, comme il le fait, à
l'accumulation de l'expérience ancestrale ne fait pas davantage place à l'activité de l'esprit.
— Comme théorie
gnoséologique, l'empirisme est encore plus insuffisant.
Il fait des principes rationnels de simples habitudes
subjectives dont rien ne garantit qu'elles seront encore valables demain, de sorte que ces principes ne sont
nullement fondés en valeur : ce sont de simples faits, et la nécessité logique se trouve ainsi ramenée à une
nécessité physique imposée à l'esprit par l'expérience.
L'empirisme de HUME apparaît ainsi comme une sorte de prépositivisme, qu'il qualifie lui-même de « scepticisme ».
Chez SPENCER, le fait est simplement plus énorme puisqu'il est
étendu à toute l'histoire de l'espèce humaine; mais la validité des principes n'est pas mieux fondée.
— On peut
même dire que, de ce point de vue, l'empirisme repose sur un véritable cercle vicieux.
Philosophie de l'objet pur, il
consiste en effet à admettre que la rationalité est déjà donnée dans les choses et qu'elle imprègne peu à peu
l'esprit du dehors.
Or c'est justement l'applicabilité des principes rationnels au réel qui est ici le problème
fondamental..
»
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