Qu'est-ce que le présent ?
Extrait du document
«
Définition des termes du sujet:
PRÉSENT: Comme nom, instant de séparation entre le passé qui n'est plus et le futur qui n'est pas encore.
Comme adjectif, ce qui trouve hic et nunc, s'oppose à absent.
Classiquement, depuis Platon, la pensée philosophique relie la notion de présent à celle du temps (avec sa tripartition :
passé, présent, avenir) et réfléchit au temps dans son rapport à l'éternité.
Platon, Timée, 37c:
« La substance éternelle est (dans un éternel présent).
L'expression était (passé) et l'expression sera (futur) sont des
termes qu'il convient de réserver à ce qui naît et progresse dans le Temps (imitation mobile, changeante et dégradée de
l'éternité qui elle seule est immobile et non changeante).
»
« Est » s'applique à l'Éternel présent, mais l'homme, comme engendré, est pris dans le flux du changement.
De même saint Augustin, dans les Confessions, Livre XI, transcrit dans une perspective chrétienne la problématique
platonicienne.
Pour l'homme, seul existe le présent.
Le passé n'est plus, l'avenir n'est pas encore.
Aussi devrait-on dire, en
parlant du passé, le présent du passé (c'est seulement le souvenir du passé qui est présent), en parlant du présent, le
présent du présent qui n'a point d'étendue (atteint grâce à l'attention de l'esprit), en parlant du futur, le présent du futur
(c'est l'attente du futur qui est présente dans l'esprit et non le futur lui-même).
Aristote, dans la Physique, IV, XIII, souligne la difficulté de définir correctement la
notion de présent (entendu ici comme instant présent).
Subsiste-t-il « un et
identique » ou bien « est-il toujours nouveau »? Il avance une vision dialectique de
l'instant conçu comme limite : à la fois commencement d'une partie, et fin d'une
autre (le passé).
L'instant est à la fois autre que lui-même quand il divise et
identique à lui-même quand il lie.
Gaston Bachelard, dans L'Intuition de l'instant (1932), parce qu'il est nourri des
avancées scientifiques de son temps concernant la physique quantique, privilégie
les notions de discontinuité et de pluralité à l'encontre de la conception d'un temps
linéaire formant un flux continu (selon la vision de Bergson):
« Le temps, dit Bachelard, a plusieurs dimensions, le temps a une épaisseur Il
n'apparaît continu que sous une certaine épaisseur, grâce à la superposition de
plusieurs temps indépendants » (tout comme il y a des espaces indépendants dans
la physique contemporaine).
Mais le temps « n'a qu'une seule réalité, celle de
l'instant.
Autrement dit, le temps est une réalité resserrée sur l'instant et
suspendue entre deux néants ».
Cependant, deux présents peuvent être identifiés.
Le présent de l'instant (« le
temps qu'on utilise ») et le présent de l'intervalle (« le temps que l'on refuse »).
On est toujours sensible aux formulations qui valorisent le présent.
Il peut être considéré comme ce point fixe à partir
duquel on observe le monde autour de nous (Lucrèce, De la nature des choses) ; comme le seul moment du plaisir (Horace
: jouis de l'instant présent); le présent retenu tentant de s'opposer à la fuite irréparable du temps.
Cependant Pascal,
dans les Pensées (172), déclare:
« Nous ne nous tenons jamais au temps présent.
Nous anticipons l'avenir comme
trop lent à venir, comme pour hâter son cours ; ou nous rappelons le passé, pour
l'arrêter comme trop prompt.
» Et d'affirmer : « Nous ne pensons presque point au
présent [...] le présent n'est jamais notre fin : le passé et le présent sont nos
moyens ; le seul avenir est notre fin.
Aussi nous ne vivons jamais, mais nous
espérons de vivre.
»
Ceci est source de notre malheur et explique la fuite dans le divertissement, manière
de nous étourdir (cf.
Pensées, 168: « Les hommes n'ayant pu guérir la mort, la
misère, l'ignorance, ils se sont avisés, pour se rendre heureux, de n'y point penser
»).
L'ennui est hautement insupportable à l'homme, parce qu'alors, l'absence de tout
désir fait place à la considération de soi-même et à la conscience de sa vanité.
Dès
lors, on comprend que tout homme cherche à se divertir, c'est-à-dire à se détourner
de la pensée affligeante de sa misère.
Nos désirs, pour autant qu'ils nous portent à
croire que leur réalisation nous rendrait heureux, sont l'instrument majeur de cette
stratégie.
L'imagination, qui institue des biens comme désirables, en est l'auxiliaire
indispensable.
La vérité du désir n'est donc pas dans son objet mais dans l'agitation
qu'il excite : « nous ne recherchons jamais les choses mais la recherche des choses » (773).
Mais le divertissement n'est
qu'un cache-misère.
Préférable à l'accablement de l'ennui, il s'avère sur le fond tout aussi nuisible.
Faire obstacle à la
considération de sa misère, c'est se priver des moyens de la dépasser..
»
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