Qu'est-ce que comprendre autrui ?
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I - LES TERMES DU SUJET
La notion centrale ici est évidemment autrui, et les termes dérivés : altérité, altruisme, les autres, etc.
A - COMPRENDRE
Comprendre, ce n'est pas sentir, ressentir (phénomène de sympathie ou d'antipathie).
La compréhension suppose
l'intelligence, la réflexion, l'analyse.
B - AUTRUI
Autrui, ce n'est pas un animal, ni une pierre, ni une idée.
Autrui désigne une autre conscience, un autre moi-même.
Autrui est "ce moi que je ne suis pas" (Lévinas).
Il y a donc un paradoxe : autrui est moi-même en tant qu'autre,
c'est un autre qui vit comme moi-même.
II - L'ANALYSE DU PROBLEME
A l'heure d'Internet et des portables, le sujet propose de réfléchir au-delà de la communication et de ses techniques
toujours plus sophistiquées.
Être "branché" sur autrui, est-ce le comprendre ? Nous avons besoin des autres, nous vivons en société, mais
souvent les autres sont inaccessibles, ou bien nous les utilisons à notre profit, ou bien nous ramenons autrui à
nous-mêmes en refusant son altérité.
Le problème posé n'est donc pas seulement celui de la compréhension intellectuelle d'autrui, car autrui n'est pas un
objet de connaissance comme un problème de mathématique ou un texte espagnol : la compréhension d'autrui
suppose sa reconnaissance, une communication par des signes, enfin un respect de sa liberté.
Autrui n'est pas un objet comme les autres, sa compréhension est problématique parce qu'en le comprenant c'est
moi-même que je comprends.
III - UNE DEMARCHE POSSIBLE
A - LA DECOUVERTE D'AUTRUI - LE MEME
1) Le mystère d'un autre moi-même
L'homme, spontanément, a un rapport instrumental avec le monde.
Nous nous servons des choses, nous considérons
le monde comme un ensemble d'outils à notre disposition.
Le plus souvent, nous commençons par traiter autrui comme un avantage ou un inconvénient, selon nos besoins
propres.
Le bébé, l'enfant "comprend"-il ses parents ? Non, il bénéficie de leur amour et de leur protection.
Il serait incapable
de comprendre que ses parents ont eux aussi, un jour, été des enfants ! Imaginer autrui est la première étape vers
sa compréhension : il faut dépasser l'égocentrisme naturel de la conscience et des instincts.
2) L'identification avec autrui
L'approche première d'autrui passe par une sympathie avec lui, c'est-à-dire sa reconnaissance comme être sensible,
d'une même sensibilité que moi.
Ne serait-ce pas plutôt l'expérience de l'amour, de l'amitié, de la sympathie qui serait susceptible de nous procurer
une communication authentique avec d'autres consciences ? Déjà, Saint-Augustin notait qu'on ne «connaît
personne sinon par l'amitié» et Max Scheler a développé la thèse selon laquelle la sympathie serait la forme
privilégiée de la communication des consciences.
Distinguons bien l'amitié de la camaraderie.
Sans doute, dans la camaraderie y a-t-il une communication, mais
l'origine de la communication est extérieure aux personnes des camarades (c'est la participation à une même classe
au lycée, ou à un même groupe de combat, ou à un même parti politique).
Comme dit très bien Jean Lacroix : « Les
camarades s'oublient...
dans leur oeuvre...
Le but de la camaraderie c'est ce que l'on fait ensemble, non ceux qui le
font ; on pourrait dire en un sens de l'univers de la camaraderie qu'il est purement public.
La vie privée n'y a aucune
part».
Au contraire, l'amitié n'est plus participation à une oeuvre extérieure au moi, mais don véritable de personne à
personne (ce qui n'exclut pas la recherche commune d'un dépassement de soi ; « ils s'aiment non pour ce qu'ils sont
mais pour ce qu'ils espèrent devenir l'un par l'autre»).
De la même façon, il convient de bien distinguer — à la suite de Max Scheler — la sympathie véritable de la simple
contagion affective (Einfuhlung).
La contagion affective est une participation passive, inconsciente et involontaire
aux sentiments d'autres personnes.
Par exemple, en entrant dans la brasserie, je sens ma tristesse disparaître, je
me mets à rire, à parler fort, à chanter comme les autres et un sentiment d'euphorie m'envahit.
Cette contagion
psychique n'est aucunement une « connaissance» de ce qui est éprouvé par autrui.
En fait, les attitudes prises, les
gestes accomplis déterminent ici presque irrésistiblement des états de conscience que j'éprouve pour mon compte
sans chercher à rejoindre la personne d'autrui.
Bien loin d'être un acte de la personne comme est la vraie sympathie,
la contagion affective est en réalité une abdication de la personne, la démission d'un moi trop suggestible qui se
laisse envahir sans contrôle par des automatismes liés à des états affectifs.
Ainsi, lorsque la panique s'empare d'une.
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