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Que donne-t-on quand on donne sa parole ?

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« O n connaît tous le sens d e l'expression "donner sa parole".

Cela signifie en effet, dans le sens commun promettre quelque chose à quelqu'un, lui donner la certitude que l'on fera ce qu'on a dit.

Et pourtant si on se penche plus précisément sur l'expression, celle-ci semble un petit peu plus complexe.

En effet, qu'entend-on exactement par donner sa parole.

Tout d'abord, il y a l'idée de donner qui est l'acte par lequel une personne( le donateur) se dépouille sans contrepartie d'un bien en faveur d'un autre( la donataire).

La parole, quant à elle, à bien sûr avoir avec le langage mais en est bien distincte.

Si le langage est un système particulier de mots, de signes, la parole désigne l'acte individuel par lequel s'exerce la fonction du langage.

Dès lors la parole appartient toujours à quelqu'un puisque elle est ce par quoi l'individu parle, exprime.

Donner sa parole, c'est donc céder sans retour ce qui nous est propre? Mais que donne-t-on réellement? Cela est-il un gage de sincérité? 1.

Donner sa parole, c'est s'engager irrémédiablement, sans retour Le don, c o m m e o n l'a dit suppose toujours deux personnes : le donateur et le donataire mais il suppose aussi une notion d'éternité, d'irréversibilité.

En fait, quand on donne, on ne peut plus reprendre, sinon cela s'apparente au prêt et on n'attend rien en échange, sinon cela n'est plus un don mais un échange de bon procédé. Dès lors, donner sa parole, c'est qu'on ne la reprendra plus et c'est en cela que l'acte engage l'individu tout entier dans une promesse faîte et suscite la confiance du donataire. Donner sa parole, c'est signifier son engagement m a i s c'est aussi faire.

En effet, pour le philosophe britannique J.L.

Austin, certaines énonciations, c'est exécuter une action.

Ici, la proposition "donner sa parole" ne constate pas, mais elle tend à accomplir quelque chose. Elle est performative : c'est un énoncé linguistique ayant pour fonction de faire. "Quand je dis, à la mairie ou à l'autel, etc "oui[je le veux], je ne fais pas un reportage d'un mariage, je me marie"( Quand dire, c'est faire, Austin) 2.

Donner sa parole ne correspond à rien et n'oblige pas l'homme à se conduire comme il l'a dit Mais en définitive, que donne-t-on réellement quand on donne sa parole? Il semble que l'on ne donne pas grand chose.

Déjà, donner dans cet expression se détourne de son sens originel, puisque l'on donne toujours sa parole, en vue d'obtenir quelque chose, ne serait-ce que la confiance de l'autre, en face de nous.

Dès lors, il s'agit d'un échange.

Mais si la parole était réellement quelque chose qui nous engageait, nous ne pourrions pas faire autrement que respecter notre engagement.

Or, comme le souligne Machiavel, on peut très bien promettre, faire des alliances, et ne pas tenir nos engagements.

Il ne faut pas faire confiance à l'autre, parce que donner sa parole en fin de compte, ce n'est rien. Comme le dit Merleau-Ponty, parler, c'est se refuser à agir.

Ainsi donner sa parole, ce n'est que parler et ce n'est pas agir pour montrer notre bonne foi. La parole en effet, n'est faite que d e mots, c'est-à-dire d e signes conventionnels qui représentent certes la chose qu'ils sont censés désignés, mais ne sont pas cette chose.

Donner sa parole, ce n'est que donner des mots, or comme le supposent Démocrite mais aussi Hermogène( dans le Cratyle de Platon) les mots ne recouvrent aucune réalité puisque celle-ci change constamment.

Nous pouvons donner notre parole, mais celle-ci ne veut rien dire puisque la réalité qu'elle recouvre peut changer. 3.

Mais donner sa parole est une question d'exigence morale En effet, Kant dans son livre traite de la question des promesses ou du prêt.

Puisque que sa loi morale prescrit d'agir "comme si la maxime de ton action pouvait être érigée par ta volonté en loi universelle de la nature ".

Si tout le monde donnait sa parole, mais ne respecter pas l'engagement qu'il a pris par cet acte, alors la promesse disparaîtrait puisqu'elle n'aurait plus aucune valeur.

Imaginez en effet un monde où personne ne respecte la parole qu'il a donné! Le devoir est une loi de la raison. «Agis de telle sorte que tu traites l'humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre toujours en m ê m e temps c o m m e u n e fin et jamais simplement c o m m e un moyen.» Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs (1785). • L'impératif catégorique de Kant est distinct du commandement christique quant à son fondement.

En effet le commandement d'amour du Christ vient d e l'extérieur et est fondé sur un commandement antérieur qui prescrit l'obéissance inconditionnelle au Christ.

L'impératif kantien vient, lui, de la raison. C'est en nous-mêmes q u e nous le trouvons, comme une structure d e notre propre esprit, qui fonde notre moralité. • Que ce soit un «impératif» ne signifie pas que nous soyons contraints à nous y plier, mais il est en nous comme une règle selon laquelle nous pouvons mesurer si nos actions sont morales ou non (d'où la «mauvaise conscience»). • Il se distingue aussi par s a portée.

En effet, traiter les autres «comme u n e fin» ne signifie pas nécessairement les «aimer».

C'est à la fois moins exigeant, car il s'agit «seulement» de les respecter, en reconnaissant en eux la dignité humaine.

Mais c'est aussi plus exigeant, car il faut maintenir le respect même quand on n'aime pas! C'est là que le «devoir» est ressenti comme tel. Donner sa parole, c'est engager la confiance d'autrui et nous avons comme devoir de respecter cette confiance.

Nous sommes responsable en effet, d'une idée d'humanité et sans le respect et la confiance mutuelle entre les êtres, la vie sociale deviendrait épouvantable, empreinte de suspicion, d'individualisme. Donner sa parole certes n'est rien, mais c'est à chacun de la respecter, ne serait-ce que pour soi-même et sa propre dignité.

En effet, si on ne respecte pas les engagements pris avec autrui, serons-nous capable de respecter nos engagements pris envers-nous et la conduite de vie que l'on s'est fixer? En effet, respecter les exigences morales que l'on s'est fixé, c'est agir en accord avec soi-même et se réaliser pleinement.

Comme le dit Sartre, l'homme est pleinement responsable de ses actes et c'est à lui de donner un sens à son existence.

Dès lors respecter la parole offerte, c'est agir en vue d'un bien qui est la confiance mutuelle entre êtres humaines, d'un idéal de respect d'autrui et c'est par là même donner un sens à son existence. Ainsi, donner sa parole signifie s'engager personnellement( puisque c'est SA parole) et irrémédiablement.

C'est faire en sorte que ses mots aient une valeur d'action et une valeur tout court.

Il est certes possible de ne pas la respecter puiqu'en définitive, les mots sont peu de chose en ce qu'ils ne désignent la réalité que conventionnellement et n'empêchent pas cette dernière de changer.

Mais, dès lors, c'est à chacun d'oeuvrer pour le bien commun, de faire que la promesse faite lors du don de la parole puisse encore avoir une valeur et que la confiance inter-humaine puisse continuer à exister.

En effet, un monde dépourvu de ce respect de l'autre, ne serait pas vivable.. »

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