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Quand peut-on dire qu'un homme travaille trop ?

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« Introduction : Ne passons-nous pas un tiers de notre journée à travailler ? (environ 8 heures) C ertes, il faut bien occuper le temps que nous avons , il faut bien vivre.

P lus enc ore, il nous faut gagner notre vie.

Le travail n'es t pas seulement utile pour vivre mais aussi pour bien vivre.

Il nous permet de subvenir à nos besoins.

Q u'entendre dès lors par l'express ion « travailler trop » ? Il faudrait mettre à jour le moment où le travail est un abus et où, semble-t-il, il devient une nuisance pour l'homme.

C ette nuisanc e peut-elle c ependant être réduite à un a v i s subjectif ? L e trop n'aura pas le même s e n s selon l'appréciation du travail qu'auront les différentes personnes.

C ertains le supporteront bien, d'autres moins bien…C omment trouver alors une définition objective de l'excès de travail ? Reprenons depuis le travail.

Q u'es t-il de prime abord ? Il reste une peine.

Il n'y a rien à envier à cette situation qui est la nôtre.

Devoir travailler, c'est avant tout devoir consacrer une vie déjà assez courte à une activité qui nous épuise.

C e n'est pas l'abus de travail qui nuit à la santé, c'es t le travail lui –même qui nous use.

A utrement dit, dès qu'un homme travaille, nous pouvons dire qu'il travaille trop.

D'un autre c ôté, nous parvenons mal à nous imaginer s ans ne jamais travailler une minute.

D'autant plus qu'il semble être tout à fait profitable pour nous de travailler.

Or, c omment c e qui nous est profitable pourrait-il nous nuire ? Il semble impossible que nous travaillions trop, si ce n'est à partir du moment où cela ne nous ferait plus de bien.

Dès lors cela dépendrait de la résistance que nous avons au travail, de nos capac ités à le supporter.

O r, comme une définition est souvent posée par une majorité de personnes qui entendent la même chos e, travailler trop sert peut-être à designer c elui qui travaille plus que la majorité. I/ Travailler trop, c'est purement et simplement travailler. Ne faut-il pas admettre que le devoir de travailler est déjà en lui-même un abus, un épuisement de nos forces durant c ette c ourte existence qui est la nôtre.

Si l'homme c onfère une valeur au monde par son travail, cette valorisation ne lui nuit-elle pas ? C e n'es t peut-être pas pour rien que les civilis ations comme les Grecs mépris aient le fait de devoir travailler.

En effet, le travail ressemble fort à une aliénation, à un dévouement de son temps pour s 'occuper de ce qui n'est pas soi.

De la même façon la tradition c hrétienne cons idère le travail comme le fruit du péché.

L'étymologie, d'ailleurs parle d'elle-même : un tripallium était un instrument de torture.

A ussi, nous pouvons suivre ici la définition du travail tel que le pensaient les Grecs, telle que A rendt nous la rappelle dans la C ondition de l'homme moderne : « T ravailler, c'était l'as servissement à la nécessité, et cet asservissement était inhérent aux c onditions de la vie humaine.

L e s hommes étant s oumis aux n é c e s s i t é s de la vie ne pouvaient s e libérer qu'en dominant ceux qu'ils soumettaient de forc e à la néces sité.

» Le travail est donc par nature contraignant et avilissant.

Selon les Grecs, un homme qui travaille est sans cesse occupé à faire agir en lui la partie qui le rapproche le plus de l'animal.

P ire encore, si l'animal ne « travaille » (comme les abeilles par exemple), que pour subvenir à ses besoins, l'homme, lui, est capable de travailler pour accumuler des profits ou même par loisir (que l'on songe ici au bricolage).

Travailler est donc ce qui modifie notre nature.

T ravailler trop, c'es t par-là m ê m e s e voir réduit à un état proche de l'animalité, puisque la partie en nous proprement humaine, la partie pensante, n'a pas dans le travail les conditions réunies pour qu'elle puiss e s'exerc er librement. II/ Travailler trop, c'est abuser de ce qui nous est bon. Peut-on cependant s'imaginer s e passer de tout travail ? N'y a-t-il pas justement en l'homme quelque c hose qui le pouss e à travailler, à agir, à transformer la nature qui l'entoure ? D e plus, cette transformation des c hoses naturelles par le travail nous permet également de nous accomplir, de nous former, de dominer nos capacités et notre puissance de penser.

A insi, M arx, dans le premier livre du C apital reconsidère-t-il le travail.

« Le travail est de prime abord un acte qui se passe entre l'homme et la nature.

L'homme y joue lui-même vis-à-vis de la nature le rôle d'une puissance naturelle.

(…) En même temps qu'il agit par ce mouvement sur la nature extérieure et la modifie, il modifie sa propre nature, et développe les facultés qui sommeillent.

(…) Il réalise du même coup son propre but dont il a conscience.

».

Le travail ne peut donc être que bénéfique à l'homme.

C omment peut-il être nuisible ? A partir du moment où l'homme est exploité par son travail. Lorsque le travail n'apporte plus à l'homme cette satisfaction qu'il est s ensé lui donner, alors c'est l'homme lui-même qui perd sa puissance de travailleur et se trouve aliéné.

Nous reprenons M arx dans les M anuscrits de 1 8 4 4 : « Il est évident que plus l'ouvrier se dépense dans son travail, plus le monde étranger, le monde des objets qu'il crée en face de lui devient puissant, et que plus il s'appauvrit lui-même, plus son monde intérieur devient pauvre, moins il possède en propre.

(…) L'ouvrier met sa vie dans l'objet, et voilà qu'elle ne lui appartient plus, elle est à l'objet.

Plus cette activité est grande, plus l'ouvrier est sans objet.

Il n'est pas ce qu'est le produit de son travail.

P lus son produit est important, moins il est luimême.

» A insi, l'homme travaille trop lorsque ce travail devient la sourc e de son exploitation et de son aliénation. Le travail dénature l'homme et l'aliène. «Le travail ne produit marchandise.» Marx, Manuscrits de 1844. pas seulement d e s marchandis es; il s e produit lui-même et produit l'ouvrier c omme une • Le c ercle qui lie le travail et la technique peut néanmoins être interprété de manière moins optimis te.

M arx analyse comment la transformation tec hnique de la nature va de pair avec une transformation de l'homme lui-même en objet technique.

Dans la société indus trielle capitalis te, l'ouvrier n'est pas le maître des machines s ur lesquelles il travaille: il leur es t ass ervi et la rationalis ation de son travail le transforme lui-même en machine. • D'autre part, son travail devient une marc handise comme une autre.

A insi, «plus le monde des chos es augmente en valeur, plus le monde des hommes se dévalorise»: l'extrême division et rationalisation du travail et la séparation entre les producteurs et les détenteurs des moyens de production (entre le travail et le capital) déshumanise l'homme et crée une société toujours plus inégalitaire. III/ Travailler trop, c'est travailler plus que les autres. Enfin, si nous cherchions la définition du terme « travailler trop », il nous faut nous rappeler dans quelle condition nous établissons une définition. Généralement pour s'entendre sur un mot, nous devons bien mettre à jour ce que nous entendons par ce mot.

De la même façon, si ce que nous entendons est différent, nous devons nous attacher à redéfinir clairement les termes d e la d i s c u s s ion.

A utrement dit, une définition s e construit de faç on conventionnelle.

Elle nécessite une disc ussion et un accord d'un ensemble de personnes qui l'admettent afin de s'entendre clairement dans le dialogue.

Or, si la majorité déc ide de s'accorder s ur la limite du temps à cons acrer au travail, alors celui qui lui accorde plus d'importance sera vu comme quelqu'un qui conçoit le travail d'une fausse façon, voire qui travaille trop.

N ous dirons alors que son temps de travail empiète s ur son temps libre.

(ce qui est défini par oppos ition et relativement au temps de travail) M ais, cela est-il vrai pour autant ? Baudrillard rappelle dans la société de consommation, que le temps libre n'est jamais détaché du temps de travail.

« Le temps est une denrée rare, précieuse, soumise aux lois de la valeur d'échange ; C eci est clair pour le temps de travail, puisqu'il est vendu et acheté.

Mais de plus en plus le temps libre lui-même doit être « consommé » directement ou indirectement ac heté…C ette loi du temps comme valeur d'échange et comme force productive ne s'arrête pas au s euil du loisir, c omme si miraculeusement c elui-ci échappait à toutes l e s c ontraintes qui règlent le temps de travail.

Les lois du système de production ne prennent pas de vacances .

Elles reproduisent continuellement et partout, s ur les routes, les plages, dans les clubs le travail comme force productrice.

» C elui qui comprend alors que le travail ne s'arrête jamais dit peutêtre vrai mais il est perç u comme quelqu'un qui travaille trop par rapport à la majorité. Conclusion : -Travailler, c'est déjà travailler trop. -Le travail est un bien : on ne travaille trop que lorsque ce bien devient un mal. -Le travail est relatif : celui qui travaille trop est celui qui travaille plus que les autres. O n peut dire d'un homme qu'il travaille trop lorsqu'il accorde à la notion de travail une importanc e centrale dans son existenc e.. »

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