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Quand dit-on d'une oeuvre qu'elle est « engagée » ?

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« L'engagement de l'artiste... L'actualité nous a récemment appris qu'on pouvait être écrivain, vivre à la fin du XXe siècle, dans l'une des plus anciennes démocraties d'Europe, et mettre, par la seule publication d'un roman, sa vie en péril : S.

Rushdie se cache encore des tueurs venus d'Iran comme naguère Voltaire s'efforçait de rejoindre la Suisse pour échapper à l'Église et à la justice du Roi.

On ne pardonne pas toujours aux artistes leur liberté d'expression et leur engagement dans les grands débats de leurs temps parce que la liberté de cet engagement s'exprime par une oeuvre, plus forte que les discours militants, invincible puisque dépositaire de cet éclat d'éternité que Malraux appelle un anti-destin.

Mais dira-t-on seulement d'une oeuvre qu'elle est engagée quand elle « prend parti » ? L'arbitre n'est-il pas voué à l'engagement par l'oeuvre elle-même? Ne devrait-on pas dire toujours d'une grande oeuvre qu'elle est engagée? ...

est impliqué par le processus de création artistique... Sartre rappelle, dans Qu'est-ce que la littérature ?, que « l'écrivain engagé sait que la parole est action ».

Si la littérature engagée, c'est la littérature perçue comme une action, alors toute littérature est, par définition, engagée. « La fonction de l'écrivain — ajoute Sartre — est de faire en sorte que nul ne puisse ignorer le monde et que nul ne s'en puisse dire innocent.

» Ainsi, lorsqu'il décrit les conditions de vie des mineurs, Zola s'engage autant que par la défense du capitaine Dreyfus.

De la même façon, Le Rouge et le Noir est une oeuvre profondément engagée, car le miroir que promène Stendhal sur les traces de Julien Sorel réfléchit l'image d'une société ossifiée, repliée sur elle-même.

Dans ce monde qui ressemble à un tombeau (la province, le séminaire), ceux qui ont l'énergie de vouloir respirer l'air de leurs passions, ceux-là doivent combattre.

L'oeuvre d'art dévoile, elle ne reproduit pas ce qui est (comme le pensaient les Grecs), elle donne à voir et à sentir ce qui était avant elle inaperçu.

Dans le domaine pictural, l'exemple de Guernica, présentée à Paris au Pavillon républicain de l'Exposition internationale, est significatif.

Le tableau montre à une opinion (peu désireuse d'ouvrir les yeux en 1937) l'horreur de la guerre d'Espagne.

Ces corps éclatés, ces membres que semble disproportionner la douleur, cette mêlée enfin d'où l'on ne distingue plus les hommes des bêtes, rendent sensible la détresse d'un peuple.

Au-delà du bombardement du petit village espagnol, c'est l'atrocité de tout un siècle qui est représentée, un siècle « noir et gris ». ...

qui dévoile le monde. Bien sûr, une oeuvre est engagée lorsqu'elle exprime un parti pris et s'intègre dans une lettre ouvertement menée par son auteur.

Mais cette perception de l'art engagé est beaucoup trop restrictive.

Elle feint d'ignorer que toute oeuvre est un acte de dévoilement du réel et que l'artiste ne ressemble pas à Zeuxis, ce peintre grec qui représentait de façon si réaliste les grains de raisin sur ses fresques que les pigeons venaient s'y briser le bec.

Il n'y a pas d'oeuvre qui ne trouve sa satisfaction dans un engagement par rapport au contexte qui l'a vu naître.

C'est que, en retournant la perspective, « la littérature (l'art) d'une époque, c'est l'époque digérée par sa littérature (son art) », comme le confia Sartre à Madeleine Chapsal.

L'engagement apparaît comme ce mécanisme de digestion, d'appropriation du réel, « biologiquement » indispensable à une oeuvre d'art !. »

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