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Pouvons-nous nous mentir à nous-même?

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« Vocabulaire: MENSONGE (n.

m.) 1.

— Assertion qui indique un fait auquel le locuteur ne croit pas, ou exprime une opinion qui n'est pas la sienne ; par ext., assertion contraire à la vérité.

2.

— Menteur (paradoxe du ) : argument sceptique contre la raison et paradoxe logique (auquel la théorie des types donne une solution) : Épiménide le Crétois dit que les Crétois sont menteurs, donc il ment, mais alors les Crétois ne sont pas menteurs, donc il ne ment pas, mais alors il ment, etc. [Introduction] On rappelle volontiers que l'attitude socratique se résume en une formule : « Connais-toi toi-même ».

Sans doute y a-t-il dans ce conseil l'origine d'une exigence de lucidité sur soi qui a durablement traversé la philosophie.

Mais l'injonction ancienne est-elle réalisable ? Ne court-on aucun risque de se tromper sur ce que l'on est lorsqu'on cherche à se connaître ? En d'autres termes : peut-on se mentir à soi-même ? Prétendre se connaître, c'est en effet impliquer que l'on est capable de trouver et de formuler la vérité de son être et de sa personne, mais si l'erreur est possible, si, plus gravement, elle est due à une sorte de volonté seconde qui contredit ma volonté consciente et m'oblige à me mentir à moi-même, c'est toute une conception de la sagesse — et peut-être de la philosophie, qui se trouve remise en cause. [I.

Prétention de la conscience à la lucidité] La question semble d'abord paradoxale : le mensonge, tel qu'on le comprend habituellement, implique un interlocuteur.

C'est bien lui que j'ai l'intention de tromper par mon discours, en l'amenant à adhérer à ce qui n'est pas conforme à ce que je sais être la vérité.

Puis-je donc me considérer comme mon propre interlocuteur ? La situation en fait n'a rien d'exceptionnel ; elle désigne simplement le dédoublement intérieur qui s'effectue dans toute prise de conscience.

Être conscient de ma situation, c'est bien, simultanément, la vivre ou y être immergé, et me considérer en quelque sorte de l'extérieur comme la vivant.

Lorsque Auguste Comte nie tout intérêt scientifique à l'introspection, c'est en soulignant que l'observation scientifique suppose toujours une distinction minimale entre l'observateur et l'observé, alors que l'introspection attribue ces deux rôles ou positions à une seule et même personne.

Indépendamment de ce que la situation peut avoir de déroutant du point de vue épistémologique, on en retiendra le caractère banal : c'est à tout moment de mon existence que je suis capable de me mettre à distance de ce que je vis pour l'examiner et en opérer une description. C'est d'ailleurs en se fondant sur cette capacité d'auto-examen élémentaire que la philosophie et la psychologie naissante ont pratiqué aussi bien l'examen de conscience que le journal intime, modes complémentaires pour saisir le sujet dans son déploiement, soit au présent, soit dans la durée — et modes qui supposent que le sujet est bien capable de trouver sa propre vérité, c'est-à-dire de la formuler pour lui-même.

Dans la façon dont l'introspection récupère un écho de la pratique religieuse de la confession, on devine que l'une comme l'autre doivent pouvoir ne pas être soupçonnées de tromperie. Si la confession écarte par principe la possibilité du mensonge, c'est parce que, même dans le cas où je mentirais au confesseur, je ne peux mentir à Dieu, qui connaît toute vérité et voit clair dans mes intentions. Peut-on admettre que, de façon comparable, toute analyse de ce que je suis, même trompeuse à un.

premier niveau, n'aurait en fait aucune chance de me tromper vraiment, parce que serait en moi une capacité à connaître ma vérité par-delà toute erreur, qu'elle soit volontaire ou non ? La conscience serait alors, sans même y entendre de résonance morale, cet « instinct divin » que désignait Rousseau, puisqu'il lui appartiendrait de déjouer éventuellement mes propres mensonges sur moi-même. [II.

Soupçons sur les capacités de la conscience] Une véritable « ère du soupçon » a pourtant succédé, dans l'histoire de la philosophie, à la confiance que l'on avait accordée à la lucidité de la conscience et à sa capacité à dire le vrai (sur moi-même comme sur n'importe quoi). Lorsque Marx signale que la conscience individuelle est en fait bien peu de chose et que la conscience de classe est largement plus déterminante pour constituer un sujet dans sa vérité, on peut en déduire que les contenus de la première sont bien illusoires et trompeurs.

Toutefois, cette situation n'est immédiatement assimilable à un mensonge authentique : tout au plus s'agirait-il d'un mensonge par ignorance — donc, d'une erreur, même si elle peut être jugée grave — dans la mesure où le sujet peut très franchement ignorer que les contenus et les formes de sa propre conscience sont d'abord des contenus et des formes de classe.

L'ignorance est peut-être coupable, mais elle. »

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