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Pourquoi travailler ?

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« Le " pourquoi " désigne la recherche de cause(s).

Celles-ci peuvent être multiples (voir sur ce point la distinction aristotélicienne entre cause matérielle, cause formelle, cause efficiente et cause finale dans la Physique II, ch3). L'énoncé postule donc que l'on travaille en vue de quelque chose, pour quelque chose.

Le travail ne serait donc pas une activité que l'on pratiquerait sans raison extérieure, sans être mû par un motif extérieur, de façon gratuite.

On ne travaillerait pas pour rien, juste pour travailler ; la finalité du travail est extérieure à elle-même.

On travaillerait donc pour satisfaire ses besoins nécessaires, pour gagner de l'argent, pour s'intégrer et se faire un réseau...

pour des raisons extérieures au travail lui-même.

Derrière ce postulat pointe l'idée d'un travail laborieux et pénible, d'un travail contraignant que l'on n'exerce pas pour le plaisir mais en vue d'autre chose.

Il est possible d'adopter un point de vue critique sur ce postulat en se demandant si le travail ne possède pas un attrait intrinsèque, s'il n'est pas luimême source de joie.

Un semblable retournement pourrait s'appuyer sur les notions d'effort et de relations sociales et pousser à redéfinir la notion de travail.

En effet, l'extériorité des raisons pour lesquelles on travaille transforme celui-ci en contrainte et en effort.

Parce que je veux ceci ou cela, je suis bien obligé de travailler.

Or il est possible de concevoir un effort et une dépense d'énergie qui ne soient pas le fruit de la contrainte, mais la libre expression d'une force intérieure.

Je m'efforce au sens où je libère ma force.

L'activité artistique pourrait être le modèle de ce type d'effort.

Que signifie-t-on lorsque l'on dit que l'artiste travaille ? Qu'il a un emploi, des horaires et une tâche précise à accomplir ? Ou que sa créativité et sa force se libèrent selon leurs modalités propres et à leur rythme ? Par ailleurs, il est assez difficile de déconnecter le travail de sa division et donc des relations qu'il suscite.

Le travail peut aussi être caractérisé par l'agencement relationnel qu'il produit (le bureau, l'usine, l'hôpital, l'école génèrent des relations sociales différentes liées à un partage du travail différent).

On peut donc, inversant la proposition, se demander si tout échange et toute relation sociale n'expriment pas une forme de travail social.

Si le travail est une activité de socialisation, est-ce que toute socialisation n'est pas une forme d'activité et de travail ? Ces deux thèses peuvent constituer une interrogation problématique : le travail est-il un moyen en vue d'autre chose ou bien constitue-t-il une fin en lui-même ? L'enjeu de ce questionnement est bien évidemment la définition du travail.

Le travail devrait être un moyen, et non une fin (on joue sur la notion de but), pour ne pas tomber dans l'aliénation avancée notamment par Marx.

Le " pourquoi " de l'énoncé demande que l'on s'interroge sur la légitimité du travail, pas seulement sur le "pour quoi".

La nécessité est un bon questionnement, mais qui n'est pas suffisant.

On ne peut pas donner une justification trop productive, technique ou économique du travail, puisque celui-ci est lourd à supporter sous bien des formes.

Là est le paradoxe : il permet de gagner sa vie, au sens fort où il permet de satisfaire des besoins vitaux (faim...), de prendre une liberté sociale, et en même temps il est un enchaînement, une perte de vitalité, une soumission.

Il faudrait alors voir dans quelles conditions le travail serait le moyen d'éprouver concrètement sa liberté (tous les métiers ne sont pas aussi aliénants, et peut-être y a-t-il une nécessité de pouvoir choisir ce que l'on fait ?). L'opposition entre le travail et l'oeuvre suggère que le travail a pour fonction principale la reproduction de la « vie biologique » : il servirait à satisfaire les besoins utiles à la vie (se nourrir, se vêtir, se loger...).

A cause de cette finalité « vitale », le travail ferait du travailleur celui qui reste attaché à la sphère animale de son existence.

C'est en ce sens que Arendt oppose le travail, rivé aux besoins, dont les produits sont faits pour être consommés, donc pour ne pas durer, à l'oeuvre (l'ouvrage de l'artisan et la création de l'artiste), plus spirituelle et donc plus humaine. Pourtant, dans bien des cas, les produits du travail semblent ne pas répondre à des besoins vitaux. Il faut ici d'abord s'interroger sur la légitimité des besoins que le travail permet de satisfaire.

Les critiques adressées aux sociétés de consommation font de cette idée un leitmotiv : les besoins ne cessent de croître et il faut toujours travailler davantage pour les satisfaire, mais ces besoins sont « artificiels ».

Déjà Rousseau voyait dans la multiplication des besoins une perversion de l'humanité, déplorant que les hommes soient incapables de se satisfaire d'une vie simple et frugale.

Les besoins naturels sont alors opposés aux besoins artificiels.

« Naturel » est assimilé à « vital » et à « nécessaire », l' « artificiel » est dénoncé comme « superflu ».

Et tout travail non limité à la satisfaction des besoins naturels tombe sous cette dénonciation : production d'objets inutiles, il serait le fait d'une humanité entraînée dans la spirale sans fin des besoins superflus et réduite à la seule dimension laborieuse de son existence, parce que condamnée à produire toujours plus pour consommer davantage. Mais ces oppositions et ces assimilations sont discutables.

L'adjectif « vital » lui-même est source de confusions : s'il ne désigne que ce qui est strictement indispensable à la conservation biologique de l'individu, ou de l'espèce, alors presque aucun des besoins dont nous considérons aujourd'hui la non-satisfaction comme laborieuse ou intolérable ne saurait être qualifié de « vital ».

est-il vital de vivre avec l'électricité, de dormir dans un lit, etc.

? Il y aurait donc des besoins appelés « vitaux » parce qu'absolument naturels (ou biologiques), et d'autres « vitaux » en un autre sens : ils définissent ou délimitent, dans une société, le seuil de pauvreté.

Ces derniers sont « nécessaires » si l'on veut ; mais il faut alors distinguer « nécessaire » et « naturel ».

Ce sont des besoins à la fois nécessaires et historiques, cad relatifs à un certain état de développement social.

Ainsi, les besoins de confort, mais aussi ceux liés par exemple à l'urbanisation, comme les transports. Reconnaître cette nécessité relative et historique des besoins, c'est ne plus se satisfaire d'une opposition entre le naturel et l'artificiel.

Celle-ci exprime un point de vue de moraliste.

D'une part, elle suggère que l'artificiel est du superflu, qui peut être sans dommage retranché de nos sociétés dévorées par le consumérisme.

D'autre part, les besoins naturels sont alors définis en référence (même lorsqu'elle est implicite) à un mode de vie idéal, abstraction faite des conditions sociales et historiques, mais lié à une conception du bonheur humain.

Ainsi, Rousseau, définissant le bonheur comme un état d'équilibre entre les besoins et les moyens de les satisfaire, critique les sociétés dans lesquelles cet équilibre individuel ,ne peut être réalisé.. »

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