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Pourquoi tient-on ses opinions pour vraies ?

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« Introduction On définit ordinairement l'opinion comme un avis, un jugement porté sur un sujet, qui ne relève pas d'une connaissance rationnelle vérifiable, et dépend donc du système de valeurs en fonction duquel on se prononce.

La philosophie considère souvent l'opinion comme un jugement sans fondement rigoureux, souvent dénoncé dans la mesure où il se donne de façon abusive les apparences d'un savoir.

Héraclite déjà critiquait ce qu'il appelait les « polymathes », c'est-à-dire ceux qui prétendaient au savoir du fait qu'ils avaient une somme considérable de connaissances.

Car l'important, pour Héraclite, n'est pas de connaître beaucoup de choses, mais de savoir écouter le Logos (la raison), et de comprendre que « tout est un ».

La question de la vérité a donc souvent conduit les philosophes à instaurer divers types de connaissances, et l'opinion s'est vue être recalée au rang du genre de connaissance peu fiable, fondée sur des impressions, des sentiments, des croyances ou des jugements de valeur subjectifs.

Mais au regard de la difficulté propre à établir la vérité, peut-on rendre à l'opinion une place insigne, en ce qu'elle reflèterait toujours une part de vérité ? I.

L'homme est dupé par la réalité. a.

Spinoza posait l'opinion en tant que plus bas degré de la connaissance ; ainsi, l'opinion est « sujette à l'erreur et n'a jamais lieu à l'égard de quelque chose dont nous sommes certains, mais à l'égard de ce que l'on dit conjecturer ou supposer » ( Court Traité, chap.

II).

Platon a aussi rabaissait l'opinion ou la croyance à la connaissance du visible, et donc de l'inessentiel.

La croyance se situe ainsi, dans le « paradigme de la ligne » (République, L.

VI, 509-511), dans le domaine visible, et non intelligible.

Les objets matériels donnent lieu à une représentation plus précise (croyance) certes, que leur image (imagination), mais elle reste vouée à donner au sujet une connaissance ontologique (de l'être) faible.

La vérité n'est possible que par l'intelligence rationnelle, seule capable de contempler les Idées, principes de toutes réalités.

D'où aussi les critiques fameuses de Platon adressées aux sophistes, ces marchands de savoirs, qui considéraient que la vérité n'est pas une, mais qu'elle est relative selon le point de vue de chacun : ainsi Protagoras affirmait que « l'homme est mesure de toutes choses », à la différence de Platon pour qui c'est Dieu. b.

Hegel montrera, dans la première partie de sa Phénoménologie de l'Esprit, que l'opinion, ou la certitude sensible, ne peut prétendre à une connaissance de l'objet.

C ar la conscience, à ce stade, ne réfléchit pas sur son expérience ; en effet, elle s'implique tellement dans l'objet qu'elle devient objet elle-même.

A insi, cette conscience, qui s'attache immédiatement aux objets, ne dit que ceci : « c'est », « l'arbre est », la maison est » etc.

Elle reste ancrée dans une certitude (la certitude n'est pas la vérité pour Hegel) immédiate.

Elle prend ainsi sa certitude pour la vérité, et ne voit pas que l'objet est vivant, qu'il se meut dans le devenir, et qu'il ne peut se laisser saisir aussi facilement.

C hacun défend alors son point de vue sans comprendre que la chose a déjà passée une fois qu'on l'a dite. II.

la relativité de l'opinion a.

Les grands principes physiques sont eux-mêmes le fruit d'une habitude pour l'empiriste sceptique David Hume.

Les hommes s'attendent toujours à voir tel effet pour telle cause, puisque ce sont des observations répétées qui les font penser que tout phénomène se produit nécessairement de telle manière.

Par exemple, l'homme ne peut affirmer que le soleil ne se lèvera pas demain, alors que cette croyance est absolument infondée.

Ainsi la foi en la science semble aussi régie par l'habitude que la foi religieuse.

Avec l'habitude, l'homme tire du particulier des principes nécessaires et généraux.

Mais il y a des cas qui trompent les croyances : ainsi la fermière qui nourrit tous les jours ses poules semble aimer ses bêtes.

Cependant on remarque après ce constat que c'était simplement pour les manger. b.

Le pragmatisme de William James a une orientation subjectiviste.

Les croyances, qui sont au fondement de toute connaissance ou action, ne sont soumises à aucun critère général de vérité, mais sont l'expression des intérêts pratiques du sujet.

On mesure leur authenticité en se demandant si elles sont vivantes pour l'individu, c'est-à-dire si elle sont véritablement déterminantes, incontournables et significatives pour sa vie.

Le critère de la vérité est une confirmation dans la pratique qui prend en compte le profit obtenu, c'est-à-dire le fait que l'individu ait noué un commerce satisfaisant avec la réalité. A insi, par exemple, l'hypothèse de Dieu est également vraie, si elle est satisfaisante pour l'accomplissement de la vie individuelle.

Etant donné que les hommes ont des intérêts et des conditions de vie différents, plusieurs « vérités » coexistent l'une à côté de l'autre.

Et comme les conditions de vie et les croyances évoluent, il faut aussi considérer la vérité de façon dynamique (cf.

Le pragmatisme). III.

La vérité de l'opinion a.

La vérité est elle-même une croyance.

Elle est une « multitude mouvante de métaphores, de métonymies, d'anthropomorphismes, bref, une somme de relations humaines qui ont été poétiquement et rhétoriquement haussées, transposées, ornées […].

Les vérités sont des illusions dont on a oublié qu'elles le sont […] » (Nietzsche, Le livre du philosophe).

Nietzsche fait la critique de ceux qui prétendent détenir une vérité unique.

La religion comme la science sont pour lui des exemples types de ceux qui veulent se rassurer par une vérité figée.

Le monde est pour Nietzsche rempli de sens, il n'est pas univoque.

Ainsi existent une infinité de perspectives, et non une seule.

La seule vérité est qu'il n'y a pas une vérité, mais une multiplicité de croyances et de désirs. b.

Montaigne s'emploie aussi à une critique de tout dogmatisme en réhabilitant la croyance.

Croyances et coutumes permettent de juger.

Le jugement avec Montaigne ne contredit pas le doute puisqu'il est toujours arrêt et mouvement.

Il y a une communication constante entre la pensée et la vie.

On pense la vie en vivant.

Il met en valeur la contingence des croyances.

Le jugement permet d'intercaler entre moi et mes croyances tout un tas d'autres coutumes me permettant d'apprécier le caractère relatif de ma croyance.

Le but n'est pas de donner plus de poids à ma croyance.

Le doute doit aider à cultiver en soi-même la diversité des croyances.

Il faut avoir une « âme à plusieurs étages ».

On doit croire avec la conscience de la relativité des croyances (Essais, III, 3). Conclusion L'opinion a souvent été considérée comme une connaissance ne permettant pas d'élaborer un savoir de l'absolu.

En effet, on voyait dans l'opinion (ou la croyance) une simple considération subjective de la réalité, sans valeur ni teneur. C e n'est que par la suite, au regard de la difficulté de vouloir établir une vérité unique, qu'on s'est penché sur la nature des croyances, puisqu'elles renvoient toujours à un sujet pensant et agissant.

A insi les croyances, loin d'être des vérités admises universellement, restent des critères, des normes de pensée et d'actions.

Et la prétendue vérité se retrouve reléguée au rang de croyance, puisqu'elle renvoie tout autant à la conception intime d'un sujet.. »

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