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Pourquoi l'homme recourt-il à des symboles ?

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« Afin de répondre à notre question, nous devons au préalable nous demander ce que sont les symboles.

En effet, il ne nous est pas possible de nous interroger sur leur usage sans savoir ce qu'ils sont, ce qu'ils représentent et à quoi ils servent.

Or, ce qui est d'emblée certain, c'est que le symbole se rattache au mythe, c'est-à-dire au sens caché, second, figuré ou indirect.

En ce sens, le symbole prend à contre-pied le travail critique de la raison, qui cherche peu ou prou à déterminer les sens des phénomènes.

Dès lors, se demander pourquoi l'homme a recours à des symboles, c'est à la fois se demander ce que nous sommes susceptibles de trouver dans le symbole, comme ressources de sens, mais également ce qui nous le fait parfois préférer au discours de la raison. I – La nature du symbole Originellement, le symbole désigne dans la Grèce antique un tesson de poterie cassé en deux morceaux en guise de contrat.

En rapprochant par la suite les deux parties qui devaient s'emboîter parfaitement, on pouvait alors liquider le contrat.

C'est de là que le symbole en vient à désigner l'ensemble qui lie deux représentations, l'une matérielle, l'autre immatérielle.

Ainsi, le lion est le symbole du courage.

De ce point de vue, le symbole est porteur d'un sens second ou figuré. À ce niveau, nous devons faire la distinction entre le signe et le symbole.

En effet, il est possible de tenir le symbole pour une notation abrégée, comme par exemple les symboles mathématiques.

Cependant, pris en ce sens, le symbole se rapproche de la fonction du signe.

Celui-ci a pour rôle de représenter les choses : par exemple, les mots symbolisent les choses.

Ainsi, au lieu de transporter les choses, nous avons les mots à notre disposition.

Dès lors, il faut comprendre symbole d'une manière plus large. En effet, nous ne nous servons pas de symboles parce qu'ils sont utiles ou simplement pratiques.

En fait, dire que le symbole est porteur d'un sens second ou figuré, c'est indiquer que le symbole implique une surabondance de sens.

Le lion sculpté ne représente pas l'animal tout seul (à la manière d'un signe), mais donne à comprendre une certaine idée du courage ou de la force.

Pour reprendre les mots du philosophe Paul Ricœur, le symbole donne à penser.

Il ne sert pas à décrire le monde, mais à le redécrire.

Nous allons voir ce qu'il en est en nous intéressant à la fonction du mythe. II – Le symbole dans la nature Le recours aux symboles s'atteste dans des productions telles que les mythes.

Si l'on définit ces derniers comme porteurs d'un « discours complexe à propos d'une réalité complexe, à la croisée du visible et de l'invisible », la fonction du symbole s'éclaire alors d'un jour nouveau.

En effet, si le symbole est le lieu d'une surabondance de sens, c'est qu'il se manifeste au point de contact de deux niveaux de réalité.

D'un côté, nous avons la réalité visible, accessibles au cinq sens, de l'autre côté, une réalité invisible. Cependant, il ne faut pas comprendre le symbole sur un simple mode mystique.

En effet, il ne s'agit pas de penser que le symbole nous met en relation avec des univers parallèles ou masqués ; au contraire, le symbole a pour fonction d'articuler le rapport de l'homme au monde et cela dans une visée de sens.

Il y a là l'idée que le monde ne manifeste pas entièrement son sens dans ce qu'il donne à voir, mais qu'il demande en plus à être déchiffrer, voire à être construit. On peut illustrer cela en faisant référence à ce que Paul Ricœur appelle la conscience archéologique et la conscience téléologique.

La première, comme son nom l'indique, renvoie à une principe (archè).

En ce sens, la conscience archéologique déchiffre les symboles afin de comprendre d'où elle vient, dans le but de saisir ses origines.

À l'inverse, la conscience téléologique (de telos, but et fin en grec) se tourne vers l'avenir : les symboles qu'elle rencontrent font alors office d'annonce ; ils jalonnent son parcours et lui permettent de s'orienter.

De ce point de vue là, le recours à un univers de symboles permet à l'homme de se repérer dans le monde et manifeste son espoir de parvenir à inscrire un sens. III – Symbole et rationalité Ainsi, les symboles dont l'homme se sert lui permettent de comprendre le monde.

Mais, dire cela ne suffit pas et il nous faut d'abord préciser les rapports entre, d'une part, la pratique mythique et symbolique et, d'autre part, le champ de la raison.

En effet, le recours aux symboles n'est-il pas archaïque au regard de la rationalité elle-même ? Penser ainsi, c'est mettre en concurrence deux modes d'approche du monde qui ne procèdent pas au même niveau. En effet, la rationalité, sous l'espèce de la science, a pour but d'expliquer, notamment en s'intéressant à la cause des phénomènes.

Ainsi, je puis dire que l'allumette que j'ai frottée est la cause de l'explosion du baril de poudre.

Cependant, l'explication ne rend pas compte du sens du phénomène.

En effet, si j'ai expliqué causalement pourquoi la poudre a explosé, on n'a pas pour autant compris pourquoi je l'ai fait.

Cela signifie que la compréhension implique un rapport de signification vis-à-vis du phénomène envisagé, signification dont l'approche rationnelle ne peut rendre compte. La valeur du mythe et du symbole apparaît alors en ce qu'ils fournissent, dans le cadre d'un récit symbolique, une visée de sens, qui rend le monde à la fois humain, habitable et sensé.

Dans la tradition judéo-chrétienne, Pascal montre ainsi comment le mythe du Jardin d'Eden nous permet de comprendre la situation de l'homme : alors qu'il jouissait d'un bonheur sans fin au paradis, l'homme s'est séparé de Dieu et s'est voué au malheur.

Cependant, le désir que nous avons d'être heureux est une trace de notre condition première et indique la possibilité que nous avons d'être de nouveau bienheureux.

En ce sens, le récit mythique et symbolique oriente l'espoir de l'homme dans le monde. Conclusion : Ainsi, la fonction du symbole n'est pas simplement de représenter le monde, mais il possède une valeur créatrice fondamentale.

Il permet de médiatiser le rapport de l'homme au monde, de l'épaissir en quelque sorte.

Il permet à l'homme de s'orienter et de construire un univers qu'il peut habiter.

En somme, il lui permet de comprendre son environnement et de l'apprivoiser. Cependant, une telle pratique n'est en rien concurrente de la rationalité.

Il ne s'agit pas d'une divagation passagère ou d'une folie : il s'agit plutôt de répondre à une exigence fondamentale, que la raison n'épuise sans doute pas, c'est-à-dire l'exigence de sens.. »

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